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Retour au bled: ceux qui reviennent
Nadir Dendoune


Mardi 23 novembre 2010

Dernier jour : photocopier Fadela ? Jamais !

Voilà, ce voyage a mérité sa retraite. Moi, je vais devoir encore bosser trente ans pour pouvoir me reposer, à moins que la réussite continue à m’aimer. J’ai eu quelques occasions de monter très-haut-très-vite, mais il aurait fallu me travestir. Photocopier Fadéla, Rachida, Malek, Rama, pour ne citer que ces quatre bouffons. Jamais ! Wallah ! Encore moins, après ce nouveau passage à Alger. Je n’oublie pas que je suis originaire de ce peuple, un peuple algérien très fier et très digne : les vieillards, les yeux  toujours rivés sur le passé, pour ne pas oublier et transmettre, les jeunes, majoritaires au sein de la population algérienne, rêvant, pour beaucoup de partir en Europe. On peut les comprendre. Heureusement pour l’Algérie, certains restent ou reviennent : hier, je suis allé diner dans un super resto dans le centre, il y avait Mounia, joli sourire, une niak à faire partager à tous, cadre très supérieur dans une boite américaine, cette belle brune ne quitterait pour rien au monde son pays. Il y avait aussi Malika, Française d’origine incontrôlée, qui en avait ras le citron de n’être pas considérée à sa juste valeur dans son propre bled, elle qui ne sortait pas d’une grande école, qui n’avait pas les réseaux suffisants, ni une envie particulière de sucer quiconque : elle est donc revenu donner un coup de patte dans le pays de ses ancêtres et occupe désormais un emploi à haute responsabilité. Et puis Farid, souriant et au regard sincère, exilé en Angleterre, il y a plus de vingt ans et qui a décidé, lui aussi de faire marche arrière pour que l’Algérie avance. Je suis allé une dernière fois au salon du livre et j’ai assisté à la conférence de Pascal Boniface, le courageux Boniface, directeur de l’IRIS, qui avait eu quelques soucis par le passé après avoir pondu une note à l’intention du PS, jugée explosive, sur le conflit israélo-palestinien ( un très bon livre relatant la chasse aux sorcières dont il a été victime, Est-il permis de critiquer Israël ?), et qui devant une assemblée d’Algériens avide de savoir, a expliqué et c’était passionnant, l’histoire du football depuis sa création. Ensuite, je suis allé au carré VIP où même sans badge autorisé, il est possible d’y pénétrer. Nous sommes en Algérie. J’ai serré quelques pattes, claqué quelques bises, lancé plusieurs vannes mais j’ai surtout beaucoup souri. J’ai dit au revoir très vite, à cause de la montée des sentiments : je ne voulais pas chialer. Le chauffeur, un Algérien à la retraite est passé me récupérer. La voiture a démarré très vite et j’ai pas voulu faire comme dans les films d’Hollywood et regarder derrière moi : j’ai trop pleuré dans ma vie et j’ai envie désormais de garder mes larmes pour des événements heureux. On a parlé politique, de Sarko, de Berlusconi et des autres raclures qui entubent les peuples et qui paieront un jour. Je suis arrivé à l’aéroport une trentaine de minutes plus tard, il n’y avait pas de bouchon. Sur place, grâce à mon statut de star en devenir, les policiers nous ont laissé nous garer juste devant l’entrée. J’ai enregistré mes bagages. La jeune fille, au regard envoûtant, a pris mes deux passeports, mes deux identités. Je me suis demandé alors si j’étais plus Algérien après un passage ici ou plus Français ? Il faut de l’honnêteté pour avancer. J’ai pensé souvent ces derniers temps à m’exiler ici. Puisque je suis d’origine algérienne, et puisqu’on m’a refusé une totale francitude en me renvoyant sans cesse mon étrangeté, il me semblait évident qu’un jour, j’éprouverais le besoin de tenter ma chance en Algérie. Olivia a vécu à Alger et elle a adoré. Aimer un endroit ne dépend pas de son pédigrée. Je ne crois pas que j’en suis capable. Je n’aime pas spécialement la France d’aujourd’hui pour autant. Nicolas ou Jean-Marie, je vous emmerde tous les deux, et vous pouvez encore me dire que si je n’aime pas la France, je dois me barrer. Je dis ce que je veux, vous êtes personne pour moi. Est-ce que je me sens plus Français après être venu ici ? Je crois que oui, c’est toujours comme ça : à l’étranger, les habitudes du pays nous manquent, mais je n’en suis pas totalement certain. Je suis perturbé dans mes analyses. Je le serais toujours. Je sais juste que je me sens plus proche d’un Alain de banlieue qu’un Mohamed de Bab El Oued. C’est la certitude, sur la vie de ma maman, et vous savez tous à quel point je l’adore cette dame. Parce que notre vécu est commun. C’est pour ça qu’on a inventé le droit du sol. Après, je pourrais bien entendu bien m’entendre avec des Algériens d’Algérie, d’ailleurs c’est souvent le cas. Rien n’est figé.  C’est banal ce que je dis, je sais, mais mine de rien, si on le disait plus souvent, ça permettrait peut-être à cette société à deux dinars qu’est la société française de considérer un peu plus ces Français basanés, comme des Français à part entière. Il y a aussi d’autres pensées qui arrivent dans mon cœur mais j’ai du mal à les exprimer. Ou peut-être, est-ce de la pudeur ? J’ai 38 ans, trois passeports et toujours pas d’identité. Problème de riches ? Certainement. Vous savez : je suis de plus en plus heureux, et c’est beaucoup dans ce monde d’abrutis, de vendus et d’arrivistes.  Je suis fier de mon parcours, fier de mes origines, fier de ce qu’ont accompli mes parents, fier de mes ancêtres, de valeurs guerriers. J’ai remonté l’escalator. Je n’ai pas osé regarder derrière moi. Mon sac à cabine a suivi les autres et le douanier a remarqué une bouteille à l’intérieur. C’était de l’huile d’olive et avec la précipitation, j’avais oublié de la mettre en soute. J’ai essayé de jouer avec ses sentiments, C’est pour ma mère, elle va être triste si je ne lui en ramène pas. Bien qu’il compatissait avec ma tristesse, j’ai du retourner à l’enregistrement des bagages un étage plus bas mais c’était trop tard. De quelques minutes. Putain, j’étais vénère. Après un moment où je me suis senti désespéré, j’ai pensé que Tant qu’il y a de la vie, y a de l’espoir. J’avais appelé ma mère la veille et elle y tenait à sa bouteille de « zit ». Oh oui, qu’elle y tenait ! Je n’allais pas abandonner aussi facilement. 999 personnes sur 1000 auraient sorti la bouteille et l’aurait foutu à la poubelle. Pas moi. Vous savez pourquoi ? Parce que ma vie m’a montré que j’étais capable d’inverser une situation désespérée. Je me suis souvenu de toutes mes galères, de tous ces moments où tout semblait perdu et où pourtant, j’avais trouvé une issue. Je me suis revu sur la bicyclette lors de mon tour du monde à vélo, on venait de me voler ma bicyclette dans un bled perdu en Slovaquie, et j’avais fini par la retrouver. Neuf mois à braver le froid, à dormir dehors comme un miséreux. En Irak, caché dans un abri à espérer qu’aucune bombe vienne nous envoyer six pieds sous terre ;  ou à plus de 8000m sur les pentes enneigées de l’Himalaya,  à craindre qu’une avalanche nous ensevelisse.  A chaque fois, en mode survivant et revenant en un seul morceau de viande halal. J’ai fait la queue de nouveau. Un nouveau douanier s’occupait de vérifier le contenu des bagages. Bonne gueule le mec. Il a aperçu la bouteille, j’ai dit C’est une bouteille d’eau, je la bois et je la jette avant de monter dans l’avion. Et j’ai montré mon livre pour créer une diversion. Le Tocard Franco-Algérien en haut de l’Everest. Impressionné, le douanier l’a saisi et je lui ai raconté l’histoire.  Il a demandé mes origines exactes.  Et quand je lui ai dis que j’étais Kabyle, j’ai eu l’impression que j’aurais pu faire passer minimum trois bombes sans aucun problème. Entre frères…Ce voyage m’a fait un bien de merhloul, fou en kabyle, parce que si parfois je ne sais pas où je vais, j’ai pu comprendre un peu plus d’où je venais et en terme de recherche de la Paix, on peut dire que j’ai gagné au moins 10 points. Merci l’Algérie, merci les Algériens et à bientôt !

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Publié le 23 novembre 2010 avec l'aimable autorisation de
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