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Retour au bled: ceux
qui reviennent
Nadir Dendoune
Vendredi 19 novembre 2010
Nadir Dendoune, journaliste free lance et écrivain,
revient à Alger et raconte
Cinquième jour : en Kabylie
Si Matoub Lounes était toujours de cette planète d’abrutis,
de vendus et d’arrivistes, il aurait été élu sans problème
Gouverneur de Tizi-Ouzou. Faut voir comment il est aimé de ce
côté-ci de l’Algérie. On arrive dans cette ville, capitale de la
Kabylie, avec Madjid par le car, bel engin climatisé, où pendant
une heure et demi que dure le trajet Alger-Tizi Ouzou, on nous
passe un film américain tout pourri mais certifié halal au
préalable par l’imam de Drancy, l’imam de service, et s’il n’est
pas là pour X raisons, sans jeu de mots particulier, les imams
ne sont pas des prêtres catholiques, donc, s’il n’est pas là,
certifié par L’UOIF, les Musulmans de Sarkozy, l’Hongrois zélé,
plus Français que Louis 16 et moins Français qu’un Algérien à
cause de l’Histoire commune et du sang versé pour libérer la
Gaulle des Nazis avant de la rebâtir par la suite sans obtenir
un merci en retour. On a filé 100 dinars-counnard chacun, un
euro l’aller, et on a eu le plaizzziiir d’admirer les somptueux
paysages faits de montagnes, et de belles vallées, chouya
verdoyantes. On descend de l’autobus, tranquilles, le sourire
sur nos tronches, le bonheur c’est tout simple : ce sont un peu
des vacances tout de même. Il y a un monument à proximité dédié
à Matoub, une belle photo à prendre. Il y a surtout juste
derrière le commissariat de police. Le cliché pris, un keuf
rebeu, un Kabyle en vérité, vénère, comme s’il y avait péril en
la demeure, s’approche de nous. Il gueule en kabyle. C’est
tellement beau le kabyle qu’on dirait qu’il veut que je danse
avec lui. On le suit dans sa cage aux folles et Madjid, innocent
jusqu’à que tu puisses prouver le contraire, attend dans une
salle fait pour attendre. Sur le mur, qu’il me dira plou tard le
counnard, il y avait des avis de recherches à mourir de rire, le
nom d’un terro avec son pseudo, par ex Djamel X, alias Toufik !
Le policier explique à des filles plus gradées que lui et
vachement plus belles, bon, c’est vrai le mec en question
ressemblait à Brice Hortefeux, le problème qui me concerne. Je
montre la photo qui me vaut une présence sur le lieu: on y voit
le monument dédié à Matoub, le chanteur-rebelle qui a préféré
rompre que plier, lâchement assassiné par des enfants de pute,
pardon pour l’expression parce que je soutiens les putes,
surtout celles de France qui souffrent de plus en plus, grâce
notamment à des projets de loi Sarko, qui devait bien être
content de les trouver ces femmes de plaisir quand avec son
physique de Père Lachaise, il arrivait à pécho que sa
Main-Droite. Matoub Lounes, pour en revenir à son pedigree non
contrôlé était un gars à l’exact contraire, une photocopie à
l’envers, un fax en vérité, de la sministre-caillera issu d’un
quartier très dangereux, il parait, de Clermont-Ferrand, qui se
trouve en Auvergne , où vivent les Auvergnats donc, et où
justement un Ministre qui s’occupe de l’Intérieur originaire
lui-même de cette contrée, qui n’a pas pris une ride depuis
Vichy, avait insulté toute une communauté en disant : Quand y en
a un, ça va Hamdoulah, c’est quand y en a plusieurs que ça va
pas. Je trouve ses propos déplacés parce que les Auvergnats, les
nouveaux boucs émissaires de la République française ne méritent
pas une telle stigmatisation, je dis ça aussi, parce que je suis
déjà sorti avec une nana qui venait de ce bled là et que ça me
touche personnellement. Surtout que sexuellement parlant, c’est
comme si qu’elle avait joué toute sa vie dans des films
pas très musulmans. Je suis retourné dans la salle à attendre,
juste quelques minutes, le temps de faire un clin d’œil à
Madjid, un clin d’œil mi lascar-mi soumis, pour être en accord
avec ce que j’avais dit plus haut. Madjid, qui était toujours
aussi mignon, je ne suis pas homo mais faut pas mentir quand tu
vois un beau-mec, se tapait des barres tout-seul, lui qui a un
gros bide et qui a promis d’aller faire du sport. Je suis revenu
dans la salle d’interrogatoire, pas inquiet pour un dinar-counnard.
Un autre policier est entré, un Bo-Gosse, et a demandé le prix
de cet appareil, hostile à tout gouvernement qui veut cacher des
choses à sa population déjà au courant de ses coups tordus. Trop
cher pour lui et il a voulu savoir si d’occasion, le prix
pouvait être raisonnable. La même réponse du Tocard. Alors,
comme il y a parfois des flics honnêtes, qui n’essaient pas de
se donner un genre de zarma les Incorruptibles, il a demandé
pour une dernière fois le prix d’un tel appareil, si ce dernier
tombait du camionne?
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© Journal L'Humanité
Publié le 19 novembre 2010 avec l'aimable autorisation de
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