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Retour au bled: ceux qui reviennent
Nadir Dendoune


Samedi 20 novembre 2010

Nadir Dendoune, journaliste free lance et écrivain, revient à Alger et raconte

Sixième jour : à Hydra la bien nommée

Moi, comme je ne suis pas raciste, je n’aime aucun flic, quelque soit sa nationalité, ou sa gueule. Le policier algérien me donne autant la nausée que ses autres confrères éparpillés sur la planète Terre. C’était le lendemain du départ d’Olivia. La jeune fille était montée dans la berline noire, ça faisait la classe internationale. Je ne sais pas si aller à l’aéroport dans une telle voiture, de toute beauté, lui avait permis d’être moins  triste. On s’était enlacés, comme si on allait se revoir dans très longtemps. Olivia, Alger elle l’aime beaucoup. Elle a eu un coup de foudre instantané pour cette capitale construite tout autour d’une baie. Je me trouvais à Hydra ce matin-là, la banlieue cossue d’Alger, pour y faire quelques achats personnels, j’avais fait un crochet à El Biar, un autre quartier très commerçant. Après avoir rempli deux sacs, je voulais attraper un tacot pour pouvoir revenir à l’hôtel Aurassi mais comme j’ai un problème avec la patience,  j’ai marché. Je prenais des photos un peu au hasard, sur le chemin, de nombreuses Barres de logement, type HLM, avec dessus des paraboles comme des champignons.  Laid, comme toujours. Je suivais les panneaux, Alger Centre, la Grande Poste. De là, je connaissais la route pour m’emmener à l’hôtel. Les embouteillages étaient à leur apogée : de nombreux barrages de police empêchaient la fluidité du trafic. Alger n’est plus celle des années 90 au point de vue de l’insécurité mais on a l’impression que la ville est encore traumatisée par ces années de terreur. Je suis passé devant l’hôtel El Djazaïr, magnifique lieu, qu’on appelle encore le Saint-Georges, vieux palace construit sous la Colonisation. Je descendais, tantôt en courant, tantôt en marchant, toujours en accéléré. J’avais rendez-vous à midi 30 et il était déjà 25 minutes passées de midi. A un moment, sur ma droite, le palais du Président. J’avais le Nikon autour de mon cou, l’appareil photo à l’arrêt. Et pourtant. Deux types en civil, genre RG, bien péssa, très jeunes, m’ont interpellé. Ils ont dit que je prenais des photos, je leur ai demandé s’ils m’avaient vu en prendre. Ils ont pas su répondre et j’ai pris les devants : je leur montrais en vrac ce que j’avais photographié. Ils ont voulu aller plus loin dans la Fouine et j’ai affiché mon exaspération. Depuis mon départ à l’hôtel à 9h, je m’étais fait arrêter cinq fois : visiblement, prendre des photos à Alger n’est pas chose facile. Jai dit C’est chiant de se faire arrêter toutes les deux minutes. C’était le mot qu’il ne fallait pas dire : Chiant ! Un policier algérien n’est pas chiant ! Le flic, en vérité, un gars de la sécurité du président Bouteflika, s’est senti insulté par ce mot. Déplacé. Son français ressemblait à du terrorisme. Il est monté sur ses grands chevaux, en même temps face à un tocard, ce n’est pas difficile. J’ai voulu monter dans les décibels aussi, pas le genre à fermer la bouche. Et puis, j’ai pensé Marliche, laisse le parler ce bouffon ! J’ai dit Ok, je regrette, je m’excuse, c’est sorti tout seul, j’aurais pas du dire ça, c’était déplacé. Ensuite, il m’a parlé du respect que je devais avoir pour les forces de l’ordre, surtout quand je reviens en Algérie, le pays de mes parents. J’ai failli répondre que le respect pour la Police, je l’aurais jamais, je préfère la donner à mes parents et autres vieillards qui ont trimé comme des clébards. Ils ont appelé le commissariat et une voiture est venue me chercher pour me déposer au poste de police Boulevard des Martyrs. Je ne me suis pas inquiété pour un dinar, counnard, parce que les commissariats, je connais en profondeur, et que tout fini par s’arranger, avec des passages dans celui de Saint-Denis, Sydney, Prague ou Jérusalem…avec une préférence dans l’antipathie pour les policiers israéliens, des racistes-colons finis. J’ai attendu sur une chaise en bois, je n’avais pas les menottes. J’avais laissé le passeport algérien dans la piaule mais j’avais autour du cou un badge qui disait que j’étais invité du salon du livre international. Invité par le Ministre de la Culture, rien que ça. J’avais également la clef de la chambre. Comme dans tous les commissariats du monde, il y a d’incessants va et vient, et puis il y a l’attente.  Ils pourraient régler ton cas en une giclée mais ils préfèrent faire durer le plaisir. Si je pouvais contrôler de la sorte quand je fais l’amour à une nana, attendre qu’elle prenne bien son pied avant de prendre le mien, l’idéal c’est toujours de prendre son plaisir en même temps, comme un feu d’artifice qu’on regarde ensemble. J’avais été embarqué par deux flics, un méchant, un policier de droite, et l’autre gentil, classé à gauche. Ca gueulait dans la bagnole, T’as pas honte, tu viens chez nous et tu insultes un flic. Je disais rien, je regardais le paysage et j’effaçais en même temps quelques clichés qui pouvaient compromettre le tocard. A l’intérieur, ils ont pris mon nom, le nom des parents, la date de naissance. Après, le flic méchant est devenu gentil et a pris l’appareil. Il m’appelait Kouya (frère) et me disait que C’était pas bien les gros mots. Il regardait les photos, toutes les photos, il y en avait des tas. J’avais le cœur qui commençait à tourner comme une toupie, j’étais pas sûr que je n’avais pas photographié des barrages de flics, la veille. Je croisais les doigts même si je suis pas spécialement adepte de la superstition, c’est juste un réflexe  de désespéré. Heureusement pour moi, ses collègues l’interrompaient pour lui demander X ou Y. Il regardait les photos attentivement. Je crois qu’un appareil photographique de type professionnel fait toujours peur aux flics. Il les passait toutes en revue, je m’approchais pour l’aider, pour qu’il voie que je suis quelqu’un d’honnête et d’aidant. Son frère, bordel de merde ! A un moment, j’en ai vu une, il y avait un policier dessus, c’était un cliché volé. L’écran était minuscule alors il a zappé. Puis, il est revenu en arrière, puis en avant. Je flippais ma race de double nationalité. Puis de triple nationalité, même si je n’avais pas dit que j’étais Australien. Ca ne se voie jamais au premier coup d’œil. Je suais. Je respirais de travers. Reste calme, tocard ! Il revenait, faisait le tour du cadran. A un moment, il m’a regardé, m’a tendu l’appareil : la batterie venait de lâcher. On pouvait plus rien, lui et moi, pour la vérification. J’avais oublié de vous dire au début de cette chronique que j’avais laissé mon chargeur Nikon à l’Ile-Saint-Denis. J’ai remercié le fait que je suis dans la vie de chaque matin quelqu’un de désordonné…

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© Journal L'Humanité
Publié le 20 novembre 2010 avec l'aimable autorisation de
L'Humanité



Source : Le web de l'Humanité
http://www.humanite.fr/...


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