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Nouvelles d'Irak
Entretien
n°15 - FBI-Saddam Hussein
Gilles Munier
Gilles Munier
Dimanche 20 juin 2010
Baghdad Operation Center
16 mars 2004
Entretien conduit par George L. Piro
Rapport traduit de l’arabe en anglais par le FBI
Traduction en français : Xavière Jardez
Titres, sous-titres et notes : Gilles Munier
Guerre du Golfe – janvier 1991
La révolte dans le sud de l’Irak (suite)
Saddam Hussein (Détenu de Haute Valeur n°1) a été
interviewé le 16 mars 2004 dans un bâtiment de détention
militaire à l’Aéroport International de Bagdad (AIB),
Bagdad, Irak. Hussein a fourni les informations suivantes :
On a informé Hussein que l’entretien du jour serait la suite du
précédent sur les troubles ou les soulèvements dans le sud de
l’Irak en 1991, après la première guerre du Golfe.
Hussein a déclaré qu’on lui a appris ce qui se passait dans le
sud de l’Irak, de la même manière que tout autre dirigeant dans
le monde. Pour affronter une situation critique, la direction
irakienne se réunissait, ses membres se consultaient
« rapidement » sur l’attitude la plus adéquate à adopter.
Les fauteurs de troubles
devaient être
« remis à leur place »
Hussein a déclaré que ceux qui s’étaient soulevés dans le sud de
l’Irak, avaient à l’origine «franchi la frontière avec
l’Iran ». D’autres, en Irak, s’étaient aussi soulevés,
tandis que d’autres ne prenaient pas part aux incidents. Selon
Hussein, si la réponse du gouvernement irakien avait été perçue
comme lente et faible, d’autres individus se seraient manifesté
et les auraient aidé. Sans réaction de la part du gouvernement,
ils auraient participé au soulèvement, ne serait-ce que par peur
ou en pensant que les auteurs des troubles
arriveraient, finalement, au pouvoir. Par ailleurs, Hussein a
signalé parmi les rebelles des individus qu’il a qualifiés de
« voleurs et cambrioleurs cupides ».
Hussein a soutenu qu’il était du devoir du gouvernement irakien
de s’opposer à ceux qui s’étaient soulevés. Il a déclaré que
même si « les bras des autorités avaient été coupés »
par la guerre de 1991, le gouvernement « les avait ramassés
et avait frappé ». Il a ajouté que ceux que les mots
n’avaient dissuadé, le furent pas les armes. La direction
irakienne a ordonné à l’armée d’intervenir pour affronter la
« traîtrise » et réduire les troubles. Hussein a reconnu
que les pillages de certains ont été « confondus » avec
les actes commis par des rebelles.
Concernant la décision de nommer certains responsables dans le
sud de l’Irak, et concernant leur rôle, Hussein a répondu : « J’ai
dit que notre décision était de confronter l’ennemi et de
l’anéantir ». Les fauteurs de troubles devaient être
« remis à leur place » si ce n’est par les discours, au
moins par les armes. Hussein a ajouté qu’il n’était pas
nécessaire de s’appesantir sur le sujet. Les individus qui
avaient traversé la frontière iranienne appartenaient au parti
Dawa. Ils étaient aidés par des membres des forces
iraniennes. Ensemble, ils ont tué, brûlé, pillé et commis
d’autres crimes. Selon Hussein, devant une telle situation,
point n’est besoin de demander ce qu’il faut faire. La
procédure, cependant, exigeait que la direction irakienne se
réunisse pour discuter du problème. Tous ses membres étaient du
même avis sur la réponse à donner.
Ali Hassan al-Majid
« résistait »
à Bassora
A la question de savoir comment les informations sur ce qui se
passait dans le sud de l’Irak et sur les résultats de la
réaction des forces gouvernementales lui étaient parvenues,
Hussein a demandé : « L’Irak est-il si petit, qu’il ne nous
est pas possible de savoir ce qui s’y passe ? ». Il
a ajouté que la population du sud de l’Irak avait commencé à
fuir massivement vers Bagdad pendant cette période. Les
communications d’un des commandants du sud, Ali Hassan al-Majid,
étaient « coupées ». Peu après, il devint clair pour la
direction qu’Ali al-Majid « résistait » à Bassora.
A la question de savoir si Ali al-Majid était cerné à Bassora
étaient véridiques, Hussein a répondu : « Dans le passé,
les Irakiens ne respectaient pas la loi et l’autorité ».
Quand ils devaient faire leur service militaire, ils ne se
présentaient pas. Quand on les convoquait pour « être
questionné », généralement, ils ne répondaient pas. Selon
Hussein, l’autorité nationale était un concept nouveau. Même si
la majorité des Irakiens était des Arabes, ils n’avaient
pas l’habitude d’être dirigés par un Irakien. Le roi Fayçal
(1) avait été « installé » au pouvoir par les
Britanniques. Le mépris de la loi était particulièrement
flagrant dans les zones rurales.
Hussein a alors raconté une histoire, celle de Madhi Ubaid et de
son fils qui était recherché par le gouvernement. Après une
opération policière, Ubaid avait été capturé et interrogé sur
les allées et venues de son fils. Ubaid a répondu : « Je
n’ai pas de fils ». « Es-tu Madhi ? » a demandé le
policier. « Non, a répondu Ubaid, je suis Fadhi ». Le
policier l’a giflé, et a dit à Ubaid : « Tu es Madhi ».
Ce sur quoi, Ubaid a dit : « Si le gouvernement dit que je
suis Madhi, je suis Madhi ». Hussein a conclu sur la
situation d’Al-Majid à Bassora : « Vous avez entendu
ce que vous avez entendu et moi, ce que j’ai entendu ».
Il n’y avait pas de « pauvres »
en 1980
Hussein a affirmé qu’en 1991, pour le gouvernement irakien, la
menace était réelle que ce soit dans le sud ou le nord du pays.
Un soulèvement a même été tenté à Bagdad. Hussein est d’avis que
ceux qui « ne prenaient pas position » se joignirent
aux révoltes après avoir vu des commissariats et des bureaux du
gouvernement attaqués, sans que les autorités n’opposent de
résistance. A mesure que le gouvernement irakien reprenait le
contrôle de la situation, l’« ennemi » se dirigeait
vers une autre zone ou se renforçait là où il avait été rejeté.
Selon Hussein, avec le temps, les forces militaires reprirent de
l’assurance, « le cercle s’est rétréci autour de l’ennemi ».
Hussein a remarqué que la période d’anarchie évoquée -
l’époque de Madhi - datait des années 1920. Il a ajouté que
les Irakiens avait radicalement changé les 35 dernières années,
sous le parti Baas. Pour Hussein, avec un parti politique
présent dans tout le pays, le peuple irakien croyait au
programme du gouvernement, avait confiance en sa direction et
était plus discipliné qu’auparavant. Résultat : la situation
s’était améliorée, notamment dans le domaine économique. Selon
Hussein, il n’y avait pas de « pauvres » en 1980. Les
veuves, les orphelins, et les personnes âgées étaient« prises
en charge, et en sécurité ». Les produits étaient
relativement peu chers. Le niveau de vie des Irakiens a diminué,
cependant, vers la moitié de la guerre Iran-Irak et, plus tard,
après la guerre du Golfe de 1991. Hussein a dit : "Un
embargo est un embargo". Avec le déclin de l'économie, les
employés et les citoyens irakiens, en général, furent moins
disciplinés. Magré cela, leur allégeance n'a pas changé.
Hussein a reconnu qu’au début des années 1980 l’Irak se
dirigeait vers une économie forte. Il a ajouté que tout ce qui
avait été positif en Irak, était à mettre au compte de la
direction. Il a reconnu que la situation économique s’était
détériorée dramatiquement dans les années 1980. Il a admis que
ce déclin et la guerre du Golfe de 1991, qui a conduit à
l’embargo et aux inspections des Nations unies, ont affaibli
l’économie irakienne. Les effets en ont été vivement ressentis,
particulièrement dans les zones rurales, et par les Irakiens
ayant un faible revenu, notamment ceux vivant dans le sud.
Hussein a ajouté que les régions du nord et du centre ont aussi
été affectées.
Hussein a reconnu qu’en règle générale, la pauvreté peut peser
sur une société à un point tel qu’elle conduise à une
révolution. Il a fourni des exemples de révolution en Irak et
dans d’autres pays arabes où les motivations économiques
n’étaient pas le fondement. Hussein a dit que des rébellions
sans but politique, comme cela s’est produit en 1991, ne sont
pas des révolutions.
Des enfants, boucliers humains :
un
« mensonge »
occidental
L’interviewer a indiqué à Hussein que des organisations
non-gouvernementales et humanitaires avaient conduit des
investigations sur les actes des forces armées irakiennes au
cours des soulèvements de 1991. Une enquête faite par Human
Rights Watch (HWR), une organisation neutre et
non-lucrative, sans lien avec un gouvernement, avait fourni des
détails sur la conduite des militaires irakiens. L’interviewer a
lu à Hussein le résumé d’une interview donnée à HWR par
un résident de Bassora, témoin, en 1991, d’un incident. Selon ce
témoin, il avait vu une colonne de tanks irakiens s’approcher de
Bassora. Sur le tank de tête, trois enfants étaient attachés
pour servir de boucliers humains. A la question de savoir s’il
était au courant, Hussein a dit que, même s’il pensait que cette
information ne méritait pas de réponse, il répondait pour plaire
à l’interviewer. Il a déclaré : « C’est un mensonge ».
Il a ajouté qu’en Irak, tous les enfants ont un père, une mère,
et une famille. L’Irak « n’a pas d’orphelins dans les rues ».
A propos de ces enfants, il a demandé : « Qui étaient leurs
parents ? ». Il a demandé à l’interviewer pourquoi il
semblait admettre qu’un commandant se conduise de façon aussi
irresponsable. De plus, il a lui demandé s’il croyait que la
tactique de boucliers humains enfants aurait pu être efficace
face à des gens qui avaient déjà tué, brûlé et pillé. Il a
souligné que cette histoire avait peut-être été fabriquée par
les Occidentaux. Hussein a répété que cette histoire ne méritait
pas de réponse de sa part et
« que le mensonge était évident ».
Notes :
(1) Le prince hachémite Fayçal Ibn Hussein est né à La Mecque en
1883. Il dirigea la
Révolte arabe
contre l’empire ottoman. Expulsé de Damas par les autorités
mandataires françaises, il fut placé, en 1921, sur le trône
d’Irak par les Britanniques. Il est mort à Genève, en septembre
1933, dans des conditions mystérieuses.
© G. Munier/X.Jardez
- Traduction en français et notes
Publié le 21 juin 2010 avec l'aimable
autorisation de Gilles Munier
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