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Nouvelles d'Irak

Entretien n°11 - FBI-Saddam Hussein
Gilles Munier


Gilles Munier

Mercredi 28 avril 2010                                                            

Baghdad Operation Center
3 mars
2004  

Entretien conduit par George L. Piro
Rapport traduit de l’arabe en anglais par le FBI

Traduction en français : Xavière Jardez
Titres, sous-titres et notes : Gilles Munier

Koweït - 1991 :

La bataille de Kafji et les tirs de SCUD sur Israël

Saddam Hussein (Détenu de Haute Valeur n°1) a été interviewé le 3 mars 2004 dans un bâtiment de détention militaire à l’Aéroport International de Bagdad (AIB), Bagdad, Irak. Hussein a fourni les informations suivantes :

Avant le début de l’entretien, Hussein a été informé que cette session serait la suite des sessions précédentes sur l’invasion du Koweït par l’Irak.

Hussein a dit qu’il avait conçu le plan pour l’invasion du Koweït. Comme la géographie du Koweït est essentiellement constituée d’un espace plat, la mise en œuvre de l’opération ne nécessitait aucun plan stratégique spécifique, ni aucun atout particulier. N’importe qui ayant  des connaissances militaires de base aurait pu concevoir un plan d’invasion efficace.

L’invasion du Koweït a été réalisée en deux heures et demie, exactement le temps qui avait été prévu. Cela aurait dû prendre moins d’une heure. Il pense que cela aurait dû être accompli plus rapidement que supposé à l’origine, à cause du soutien du peuple koweitien pour l’invasion. Hussein a réitéré la précédente déclaration qu’il a faite aux interviewers, à savoir que le peuple koweitien avait demandé à l’Irak d’envahir le pays afin d’en chasser les dirigeants. Quand on lui a demandé comment les citoyens koweitiens avaient, avant l’invasion, communiqué leur souhait au gouvernement irakien, Hussein a déclaré que, quelques uns pensaient ainsi, mais pas tous les Koweitiens. Il a ajouté : « Nous avions l’impression qu’ils voulaient que nous intervenions ».

La bataille de Khafji

Quant à l’assaut donné à la ville côtière de Khafji (1), et qui en avait élaboré le plan d’attaque, Hussein a dit : « Moi ». Il a précisé qu’il ne rejetterait pas la responsabilité sur ses amis. Après huit ans de guerre avec l’Iran, de 1980 à 1988, la  stratégie militaire, a-t-il ajouté, était facile. Toute opération militaire demande une connaissance du terrain de la région, des armes et des capacités de l’ennemi tout autant que des siennes. Logistique, entraînement et moral des troupes sont aussi des facteurs importants. Nanti d’une tel savoir, l’opération contre Khafji devenait simple à concevoir. Le territoire était découvert, semblable à l’Irak du sud et n’offrait « aucune complication ». Le seul souci était la puissance de feu aérienne de l’ennemi.

Quand on lui a demandé si le but de l’assaut sur Khafji avait été d’obliger les forces de la coalition à engager une offensive terrestre, Hussein a répondu que les experts militaires savaient qu’une attaque terrestre contre l’Armée Irakienne serait une tâche ardue. A son avis, deux millions de soldats auraient été nécessaires pour combattre les forces terrestres irakiennes. L’aviation, cependant, pouvait être utilisée pour frapper les forces irakiennes et ensuite retourner dans ses bases. Les informations préliminaires dont disposait l’Irak indiquaient que les forces terrestres de la coalition se trouvaient dans les environs de Khafji. Pour cette raison, les forces irakiennes ont décidé d’attaquer la localité et de les « forcer au combat ». Il semble que les forces de la coalition aient reculé devant l’attaque irakienne. Les forces terrestres irakiennes sont, ensuite, restées sur le terrain. A mesure que le temps passait, l’Irak a perdu des soldats, des armes et de l’équipement.  De nombreux soldats irakiens sont morts au cours des assauts aériens répétés de la coalition sans jamais avoir vu l’ennemi approcher par la terre.

Hussein a nié que les forces irakiennes avaient été défaites à Khafji, et poussées à la retraite. Hussein a précisé que l’Irak n’envisageait pas d’occuper la ville. Les forces terrestres irakiennes y sont allées pour affronter les troupes de la coalition. N’ayant rencontré peu ou prou de résistance au sol, les forces irakiennes se sont retirées le deuxième jour, d’elles-mêmes. Hussein a noté qu’il semblait que, pendant quelques jours, les forces de la coalition n’avaient pas réalisé que les forces irakiennes s’étaient repliées. Hussein a reconnu que la coalition disposait de la suprématie aérienne.

L’un des  objectifs de l’assaut sur Khafji, a-t-il été demandé à Hussein, était-il de capturer des prisonniers de guerre américains (POW). A quoi, il a répondu que l’un des principes de la guerre était de tuer ou de capturer l’ennemi. Après quatorze jours de bombardement des forces irakiennes par la coalition, l’Irak  voulait infliger des pertes à l’ennemi. Cependant, l’Irak préférait s’emparer du personnel des forces de la coalition. De l’avis de Hussein, cela aurait eu « un énorme impact » sur l’ennemi. Hussein reconnaît que l’attaque de Khafji n’a peut-être pas été efficace, mais a pu montrer aux forces de la coalition la puissance de l’Irak, ce qui a conduit à des attaques aériennes prolongées et un arrêt de la guerre terrestre.

Hussein pense que les forces irakiennes auraient dû conduire leur attaque terrestre bien plus tôt. L’opération avait subi un retard d’une semaine supplémentaire et créait ainsi une opportunité pour la coalition d’étendre ses frappes aériennes, affaiblissant les forces terrestres irakiennes. Hussein a réfuté l’idée qu’il avait un plan pour capturer des POW américains comme un moyen de stopper les attaques aériennes de la coalition.

C’est Saddam qui a donné l’ordre de lancer des SCUD sur Israël

Hussein a déclaré que c’était lui, et personne d’autre au sein du gouvernement irakien ou de la direction, qui avait donné l’ordre de lancer des missiles SCUD sur Israël (2). Il a constaté que «"tout ce qui nous arrive était à cause d’Israël". Il a ajouté que tout "ce qui est mauvais" pour les Arabes est le résultat des agissements d’Israël. Il est d’avis qu’Israël « pousse » les hommes  politiques US et les « emplit de haine ». Israël a d’abord attaqué l’Irak en 1981 et détruit le seul réacteur nucléaire du pays. Pour ce qui est de l’Irak, la guerre avec Israël « continue ». Au cours du conflit en 1991, Hussein a pensé que les Etats-Unis arrêteraient la guerre si Israël était « touché ». Il voulait aussi punir le pays qu’il considérait être à la source de tous les problèmes. Hussein a démenti que l’une des raisons des frappes de missiles SCUD avait été d’entraîner des représailles d’Israël, un démantèlement de la coalition  et le retrait du soutien à la coalition des pays arabes. Pour lui,  les pays arabes qui soutenaient la coalition se sont couverts de « honte » et, de la sorte, le retrait de leur soutien était sans conséquence pour l’Irak.

Hussein a dit qu’il y avait  deux raisons à la guerre en 1991, le pétrole et Israël. Il a ajouté que le Koweït n’aurait pas  songé à faire quelque chose contre l’Irak s’il n’avait été « poussé » par un autre pays (les Etats-Unis). Quand l’interviewer  lui a fait remarquer que les historiens croient que l’Irak avait commencé, Hussein a répondu que cela a été la conséquence (des actions du Koweït) et non la cause (de la guerre).

Hussein a démenti que les forces irakiennes se soient retirées du Koweït en raison de leur défaite. Il a insisté sur le fait que les forces irakiennes l’ont fait à la suite d’une proclamation officielle. Le cessez-le-feu, comprenant le retrait des forces, avait été négocié avec les Russes et accepté par l’Irak. Les attaques aériennes de la coalition contre les forces irakiennes se sont déroulées alors que les troupes se retiraient conformément aux ordres de la direction irakienne. Hussein a démenti que les forces irakiennes auraient été décimées si elles ne s’étaient pas repliées. 

Hussein a déclaré que le plan de retrait des forces irakiennes existait dès le 12 août 1990. Cependant, l’Irak n’a trouvé aucun gouvernement de la communauté internationale ou dans le monde arabe qui accepterait d’en négocier les termes. Le Président français avait exprimé son soutien à ce plan, mais ultérieurement l’avait retiré sous la pression des Etats-Unis. Peu après, les Irakiens acceptaient l’initiative russe qui avait été discutée précédemment. Il a démenti que le plan avait été accepté parce que les pertes irakiennes étaient colossales.

La lettre de Hussein Kamel

L’entretien a ensuite porté sur une discussion de la lettre du 19 février 1991 d’Hussein Kamel (3), au nom du Président Hussein, à Ali Hassan al-Majid. La lettre donnait instruction, en partie, aux militaires irakiens d’emporter les biens du Koweït afin d’aider à la reconstruction de l’Irak. Hussein a remarqué que la procédure normale pour transmettre les directives du Président était via les lettres du Diwan (Cabinet)  présidentiel. Kamel n’était pas un secrétaire, mais un simple ministre et était « connu pour faire les choses à sa manière ». Après lecture de la lettre par le traducteur, Hussein a demandé si le document se référait à des articles utilisés par les militaires irakiens au Koweït ou aux biens du Koweït lui-même. Il a ajouté qu’il n’avait jamais donné d’instructions pour que l’armée enlève des biens, les siens ou ceux du Koweït. Hussein pense que la lettre faisait référence à l’équipement utilisé par les différents ministères  pour les services prioritaires, tels que l’électricité, l’eau, les transports et le réseau du téléphone. Il a noté que la lettre était datée de neuf jours avant le cessez-le-feu et elle ne peut concerner les biens koweitiens. C’était une lettre d’un ministère à un autre ministère demandant le retour du matériel apporté au Koweït pour les forces irakiennes. Il a demandé quels objets ou matériels avaient été enlevés du Koweït après la parution de cette lettre.

A la question de savoir si la direction irakienne avait la possibilité d’émettre des lettres au nom du président irakien, sans son accord, Hussein a expliqué qu’il « y avait de mauvais éléments partout. Il (Hussein Kamel) est mort maintenant ». Hussein a dit ignorer si d’autres membres de la direction irakienne avaient agi en sa qualité, sans en avoir actuellement le pouvoir. Hussein a reconnu que la susdite lettre n’avait pas été transmise selon le canal habituel. Il a réaffirmé que la procédure officielle pour l’émission d’une telle lettre, sur ordre d’Hussein, eut été d’adresser une communication du Diwan Présidentiel, à Ali Hassan al- Majid dans ce cas-là. Cette lettre aurait spécifiquement énuméré les pouvoirs délégués à un individu en particulier, ici, Hussein Kamel.

Notes :

(1) La bataille de Kafji (Ras al-Khafji), port d’Arabie Saoudite au sud du Koweït, s’est déroulée du 29 janvier au 1er février 1991.

(2) Pendant le Première guerre du Golfe, quarante missiles SCUD ont été lancés par l’Irak sur Israël.

(3) Hussein Kamel, gendre de Saddam Hussein, a été ministre de la Défense en 1991 et 1992. Il a fait défection en 1995.

© G. Munier/X.Jardez - Traduction en français et notes
Publié le 28 avril 2010 avec l'aimable autorisation de Gilles Munier

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Source : France Irak
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