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Nouvelles d'Irak

Entretien n°14 - FBI-Saddam Hussein
Gilles Munier


Gilles Munier

Mercredi 26 mai 2010                                                            

Baghdad Operation Center
13 mars
2004  

Entretien conduit par George L. Piro
Rapport traduit de l’arabe en anglais par le FBI

Traduction en français : Xavière Jardez
Titres, sous-titres et notes : Gilles Munier

Guerre du Golfe – janvier 1991

La révolte dans le sud de l’Irak

Saddam Hussein (Détenu de Haute Valeur n°1) a été interviewé le 13 mars 2004 dans un bâtiment de détention militaire à l’Aéroport International de Bagdad (AIB), Bagdad, Irak. Hussein a fourni les informations suivantes :

Après le cessez-le-feu en 1991, Hussein a déclaré que le but de la direction irakienne était de reconstruire les infrastructures de l’Irak détruites pendant la guerre. Cela comprenait la relance des programmes agricoles et économiques. Il a affirmé que l’Irak a reconstruit « presque tout » et avait mis en oeuvre de nouveaux programmes dans les domaines de l’agriculture, de l’éducation et de la santé. Mais, leur réalisation était compromise en raison de  l’embargo, en particulier dans les secteurs de la santé et de l’éducation.

Mettre la bonne personne à la bonne place

Quand on a fait remarquer à Hussein que des changements avaient eu lieu au sein du gouvernement irakien,  à peu près à cette époque, avec les nominations de responsables à de nouvelles fonctions, Hussein a répondu : « cela est naturel ». A son avis, ces changements arrivent couramment,  pas seulement en Irak, mais aussi aux Etats-Unis et ailleurs. Hamid Mahmoud (1), nouvellement nommé, devint secrétaire personnel de Hussein  remplaçant ainsi l’ancien secrétaire devenu Ministre de l’Education. Hussein a parlé de Mahmoud comme « d’un des ses anciens compagnons » qui avait été membre de la protection du Président dans la Himaya et les Mourafiqin. Un autre personnage, Tarik Aziz, fut nommé Vice-Premier Ministre. Hussein a décrit Aziz comme l’un des premiers membres du Conseil de Commandement de la Révolution (CCR). De l’avis de Hussein, Tarik Aziz « n’avait rien gagné » avec cette nomination. Hussein a déclaré qu’il avait fait observer à la direction irakienne qu’au cas où il (Hussein) deviendrait Premier ministre irakien, il aurait besoin d’être assisté par d’autres. C’est la raison pour laquelle Aziz et Ramadan ont été nommés vice-premier ministres.

Hussein a expliqué que les fonctions d’un secrétaire personnel comprend l’organisation de l’emploi du temps de la personne avec qui il travaille. Il doit être précis dans l’exécution de ses devoirs.  Il avait donc choisi Mahmoud parce qu’il « convenait au poste » ; c’était son choix et cela n’avait pas de signification historique.  Hussein a redit que Mahmoud avait été membre de l’Himaya (2) et des Mourafiqin (3), organisations composées de membres de sa famille. Au début de la Révolution, il n’y avait qu’un seul de ses parents ayant une responsabilité politique dans le gouvernement. A cette époque, les autres avaient peu d’éducation et servaient dans l’armée irakienne ou les autres services de l’armée.

Hussein a souligné que les membres de sa sécurité ne lui imposaient pas nécessairement  ses déplacements. Il a affirmé qu’il leur avait parfois enseigné, lui-même, comment améliorer leur performance et leurs résultats. Il s’est souvenu de les avoir taquinés en disant qu’il pourrait accomplir leur travail mieux qu’eux. Il pensait qu’il était important que son personnel de sécurité ne soit pas "brutal" quand il se « mêlait » au peuple. A son avis, la sécurité aurait failli à sa mission si elle l’avait « isolé » des masses. Il était aussi important qu’elle soit capable de modifier ses obligations et sa conduite pour se plier à la nature de Hussein. Comme preuve de ses compétences pédagogiques, Hussein a déclaré qu’il pourrait fournir à l’interviewer des conseils sur ses tâches. Quand on lui a demandé d’expliciter, il a déclaré : « Un docteur ne court pas après le gens pour leur demander ce qui ne va pas. Ils viennent à lui ».

« Un être humain n’est pas une marchandise »

Hussein a observé que le plus important est de s’interroger sur sa position, quand on exécute ou élabore, afin de déterminer comment remplir ses obligations. Un exécutant doit être rapide et précis. Celui qui supervise doit laisser à ses subordonnés une certaine initiative. La « marge d’initiative » diffère selon la situation, militaire ou civile, car, dit Hussein, « les yeux sur le terrain sont différents de ceux dans les postes de commandement ». Souvent, « les yeux sur le terrain » comprennent une situation particulière avec plus d’exactitude que les éléments de commandement.  

Sur les traits de caractère qu’il recherche dans ses subordonnés, Hussein a dit : « qu’un être humain n’est pas une marchandise ». On peut penser qu’un individu convient à un poste pour découvrir, plus tard, qu’il ne possède pas les qualités nécessaires. Pour Hussein, une situation particulière peut requérir le choix d’un individu précis, même si, dans d’autres circonstances, il n’aurait pas  été considéré comme le meilleur choix. Cela est particulièrement vrai dans le contexte d’opérations militaires où la bonne personne doit être trouvée.

Hussein a expliqué que le choix d’individus pour des postes militaires ou gouvernementaux, ou leur renvoi, implique souvent de prendre en considération la perception de la famille ou de la tribu. Un autre facteur est d’évaluer la force de la psyché irakienne et du sens de « l’identité ». Même si une situation particulière demande le renvoi d’un Irakien de son poste, un chef doit analyser comment ce renvoi sera perçu. Par exemple, les proches de cet individu pourront remettre en question son caractère. Certains demanderont « encore et toujours » pourquoi il avait été renvoyé ? D’autres demanderont : « Etait-il un lâche ? ». Ces questions pourront même se poser si l’individu décide de démissionner dans des circonstances normales. Les familles peuvent se sentir « salies ». Dans d’autres cas, ces actions peuvent les conduire à haïr le gouvernement. Hussein a expliqué qu’obligés de tenir compte de ces attitudes et sentiments, les dirigeants militaires ou civils n’étaient pas souvent libres d’effectuer les changements de personnel, même quand ils s’avéraient nécessaires.

Un mélange de voleurs, de rebelles

Quand on a évoqué devant Hussein les révoltes du sud de l’Irak après la guerre de 1991, dont on a souvent parlé, Hussein a prétendu ne pas en avoir entendu parler. Quand on lui a démontré que de nombreux interviews et reportages ont documenté ces révoltes, Hussein a demandé : « N’avons-nous pas déjà discuté de cette question ? ». Il a, cependant, déclaré que dès le lendemain du cessez-le-feu de 1991, « des éléments » ont initié des opérations de sabotage dans les villes du sud irakien, Bassora, Nasiriya, et Amara. Plus tard, cette activité s’est étendue aux villes  du nord du pays, Soulimaniya, Erbil et Kirkouk. Hussein a déclaré que les groupes conduisant ces opérations étaient « poussés » par l’Iran et que l’Irak avait capturé 68 officiers des services secrets iraniens qui avaient été échangés, plus tard, contre des prisonniers irakiens.

A l’époque de ces révoltes, la plupart des ponts avaient été détruits, l’électricité n’existait plus. Le service de l’eau était sporadique et les réserves de nourriture minimales. Dans cet après-guerre, ces facteurs contribuaient à un soulèvement général dans le pays. Les éléments participant à ces révoltes étaient un mélange de voleurs, de rebelles et de « ceux en provenance d’Iran ». Ce dernier groupe comprenait des individus des services du gouvernement iranien, des Irakiens d’origine iranienne, des Irakiens qui avaient « fui » en Iran. Il était difficile de déterminer leurs nationalités avec certitude, car beaucoup avaient détruit, intentionnellement, leurs papiers d’identité.

Suite à un accord avec l’Iran, les opérations hostiles ont cessé

Hussein a déclaré qu’après avoir décidé de reprendre le contrôle du pays, la direction irakienne considéra que le sud du  pays était une haute priorité. C’était dans cette région que les forces irakiennes ont combattu principalement des Iraniens.  Après avoir restauré l’ordre dans le sud du pays,  les forces gouvernementales se sont tournées vers le nord où elles ont rencontré peu ou pas de résistance. Les combats dans le sud et le nord du pays ont duré approximativement deux mois… Hussein a dit : « Dieu nous a donné la victoire ». A partir de là, selon Hussein, l’Iran a continué à introduire des groupes de dix à quinze personnes pour  lancer des opérations contre le gouvernement… Cependant, ces personnes ont vu, pour la plupart, leurs plans contrecarrés. A la fin, suite à un accord entre l’Irak et l’Iran, ces opérations hostiles ont cessé.

Hussein a qualifié les soulèvements de 1991 d’activité d’insurgés conduite par des « hors-la-loi et des voleurs ». Il ne considérait pas les insurgés comme des révolutionnaires. Quand on lui a demandé quels facteurs avaient sous-tendu ces troubles, Hussein a répondu, le soutien de l’Iran, la faiblesse du gouvernement irakien après la guerre et peut-être une assistance des forces de la coalition. Il a noté que toutes les institutions gouvernementales, y compris la police et l’armée, avaient été affaiblies par la guerre. Peu à peu, cependant, les forces armées reconstituèrent leurs capacités et furent en mesure de réduire ces rebelles… Selon Hussein, la « lame (des forces armées) s’allongea de plus en plus ». Il a reconnu que l’état de faiblesse de l’armée irakienne a été le facteur principal qui a permis, en premier lieu, cet état de non-droit.

Hussein croyait que le but de l’insurrection était de prendre le contrôle de l’Irak. A son avis, cette tactique a été utilisée en 1991, mais comme lors de sa précédente guerre avec l’Irak, l’Iran s’est montré incapable d’atteindre son objectif. L’Iran avait voulu contrôler tout ou partie de l’Irak, notamment le sud. C’est l’opinion de Hussein que l’Iran voulait étendre son pouvoir à la partie orientale de l’Arabie saoudite, et à l’ensemble du Golfe.

« On leur avait donné l’autorité, ils en firent usage »

Le CCR avait confié aux gouverneurs des provinces irakiennes le contrôle de l’armée durant les soulèvements afin de protéger le peuple et l’Etat et de rétablir la sécurité et « une vie normale ». Le peuple et la nation étaient menacés par des tueries en nombre, des vols, des incendies et une destruction générale, ce qui fut maitrisé. Hussein a nié connaître les méthodes utilisées par les gouverneurs et les militaires pour rétablir l’ordre. Hussein a affirmé : « On leur avait donné l’autorité et ils en firent usage ». Il n’avait pas, à l’époque, demandé le détail des opérations mais avait demandé et reçu des rapports sur les progrès effectués.  

Sur les restrictions imposées aux forces militaires par la direction au cours de cette période, Hussein a demandé : « Qu’entendez-vous par restrictions ? ».  Il  a objecté que la Convention de Genève s’applique à une telle situation, disant qu’elle ne s’applique que pour les guerres. Hussein a expliqué que, s’agissant de conflits internes, la Convention de Genève s’appliquait à des situations où une puissance occupante est un pays étranger. Il a dit qu’elle s’appliquait à des tentatives de coups ou des soulèvements internes où ont lieu des crimes, comme les incendies et les pillages.

« Je suis responsable de ce que je décide »

L’interviewer a fait remarquer  à Hussein que le droit international ne permet pas de cibler les civils ni même un objectif militaire quand  des civils s’y trouvent, et que certaines lois humanitaires s’appliquent toujours. A la question de  nouveau posée sur les limites imposées aux forces militaires au cours des soulèvements de 1991, Hussein a répliqué qu’un Irakien, civil ou militaire, connait quel comportement humain est acceptable et il n’ a pas besoin  qu’on lui dise comment se conduire.

Hussein a dit : « Je suis responsable de ce que je décide », mais qu’il n’est pas responsable de la conduite d’un Irakien. Il a allégué que si un Irakien voulait se servir de lui (Hussein) pour justifier ses actions, il accepterait aussi longtemps que cette affirmation ne faisait pas de tort à sa réputation. Pour Hussein, un dirigeant est responsable des actes d’un subordonné, s’il se rend compte des transgressions de cet individu et le confronte à ses manquements. Il a déclaré que tout individu est jugé selon sa loi et sa constitution.

Notes :

(1) Abid Hamid Mahmoud al-Tikriti, n°4 sur la liste des 55 dirigeants baasistes les plus recherchés, ancien officier, secrétaire particulier du Président Saddam Hussein, a été arrêté le 16 juin 2003 près de Tikrit, dans le cadre de l’Opération Scorpions du Désert. Il supervisait les activités de l’Organisation spéciale de sécurité (Al-Amn al-Khas), service assurant la protection du Président et des principaux dirigeants. Après la défection de Hussein Kamel (août 95), qui le secondait, Qusaï, un des fils de Saddam Hussein, prit la suite.

(2) Au sein de d’ Al-Amn al-Khas, l Himaya al-Ra'is était chargé de la protection des principaux dirigeants baasistes.

(3) Les Murafiqin (les Compagnons) était la garde spéciale du Président Saddam Hussein (une quarantaine de membres). Ils dépendaient de l’Himaya.

© G. Munier/X.Jardez - Traduction en français et notes
Publié le 26 mai 2010 avec l'aimable autorisation de Gilles Munier

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Source : France Irak
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