La chronique du
Tocard
Dix Gnoules, une demi-Gnoule et un
Allemand,
en route pour la Palestine - Episode 6
suite et fin
Nadir Dendoune
"C'était
mon septième voyage ici en Palestine
occupée et j'étais moi-même déprimé.
Mais je continuais à y croire. Plus que
jamais ! Me souvenant de l'Afrique du
Sud, de Mandela. " N.D.
Mardi 20 mai 2014
Soyons honnête : le jour où on pourra
aller voir nos amis Palestiniens sans
passer par Israël, je boycotterai
l'aéroport Ben Gourion et le pays tout
entier pour des raisons d'Apartheid
assumé. En attendant, on est bien obligé
de faire avec.
On était arrivé à Ben Gourion Tel Aviv,
il y a deux semaines jour pour jour, un
samedi 3 mai 2014 et il était déjà temps
de repartir. Que le temps passe vite
tout de même mes chers Gnoules du
Courrier de l'Atlas. A l'aller,
rappelez-vous, les dix Gnoules avaient
été bloqués 4 h par les douaniers
israéliens, des récidivistes en
puissance.
Seuls les deux Blancs du groupe avaient
obtenu un laisser passer immédiat. Amen.
C'était clairement raciste comme façon
de faire et dans un monde parfait, les
autorités françaises feraient subir le
même sort aux touristes israéliens quand
ces derniers débarquent chez nous. On
appelle ça la réciprocité ou la loi du
Talion.
Bien sûr, il en était rien. La France ne
mouftait jamais, laissant faire, la
sécurité d'Israël avant tout. Et puis,
les Israéliens s'en prenaient à des
Gnoules de France, pas à des Céfrans pur
jus, pas aux cochonous, mais aux Halals,
alors la discrimination elle était
acceptable puisqu'elle s'appliquait à
des citoyens de seconde zone.
A Roissy ou Orly, les touristes
israéliens obtenaient, quant à eux, leur
visa aussi vite que les autres touristes
occidentaux. J'aurais pourtant aimé
qu'ils vivent ce qu'on vivait chaque
année : l'attente de plusieurs heures,
les questions débiles, parfois très
intimes sur nos filiations, le mépris,
la crainte de se faire refouler,
l'impression d'être des criminels.
Pour nous les métèques de tout bord :
entrer en Israël et sortir du pays
c'était accepter l'humiliation. Parfois
même l'expulsion net et sec. C'est ce
qui s'était passé avec une journaliste
d'origine marocaine il y a quelques
semaines : gardée près de deux jours en
centre de détention, comme une
terroriste. Puis, elle avait été
escortée jusqu'à Paris par des
policiers.
Tout le monde en Hexagone avait été
choqué. Les pauvres loulous ! La bonne
blague : depuis la création de l'état
d'Israël en 1948, de telles pratiques
existaient. On se demandait ce que les
confrères journalistes pouvaient bien
foutre tout ce temps-ci ! Et vu le
niveau de protestation de notre classe
politique, quasi inexistant donc, ces
pratiques d'un autre temps n'étaient pas
prêtes de s'arrêter.
Notre vol était prévu à 8h30 du matin.
Pas un bon horaire. Les vols les moins
chers sont souvent les plus matinaux,
les moins directs : le notre s'arrêtait
à Istanbul plusieurs heures avant de
repartir pour Paris. J'étais fatigué
d'avance ! Les pauvres doivent toujours
souffrir plus, sinon à quoi servirait le
pognon ?
Il fallait être à l'aéroport 3h avant
minimum. Voire 4. Le temps pour les
Israéliens de nous fouiller
minutieusement. Qui sait ? Une bombe
miniature pouvait peut-être se cacher à
l'intérieur de nos anus mal rasés. Le
groupe "Observateurs 4", avait été très
classe cette année. Du haut niveau. Ça
n'avait pas été le cas tous les ans,
mais désormais, jusqu'à ce que Gnoule
s'en suive, on triait sur le
volet.
Plus question d'emmener des fous furieux
ou des baltringues ! Il ne s'agissait
pas d'un "problème" entre juifs et
musulmans, mais bien d'une guerre de
colonisation et d'une occupation
militaire. Un problème 100% politique.
Et la libération de la Palestine se
réglera in fine politiquement.
Plus question d'emmener des gens qui
avaient des choses à régler avec les
juifs. Tu veux être raciste ?
Excites-toi sur ton clavier mais pas
question qu'on t'embarque avec Gnoules.
Plus question non plus de prendre avec
nous des personnes qui craignaient de se
"mouiller" et qui demandaient de ne pas
apparaître sur les photos ou les vidéos
: Je prends pas partie, j'observe juste,
je suis neutre dans cette affaire !
Bordel, ce n'était pas un crime de
dénoncer l'apartheid israélien, c'était
surtout un devoir. Ces 10 Observacteurs
de cette année, - ou plutôt ces
Observactrices (9 filles - un mec), vu
que les hommes sont souvent plus doués
pour l'ouvrir derrière un écran, le
terrain est la plupart du temps occupé
par les filles -, avaient en deux
semaines beaucoup évolué. Ils avaient
été à l'écoute, avaient été bousculés
dans leurs certitudes.
Au fil des rencontres, que ce soit dans
les camps de réfugiés, dans les
associations de défense des droits de
l'Homme, ou en lien direct avec l'armée
d'occupation israélienne, ils avaient
saisi l'essentiel. Ils rentraient en
France mieux armés, emportant dans leurs
valises, des argumentaires en béton.
C'était ça l'objectif principal des
Observacteurs de notre association :
donner aux participants les outils
indispensables à une meilleure
compréhension de la question
palestinienne. Les préparer à répondre
au camp d'en face, être en mesure de
lutter contre la propagande sioniste.
Ils rentraient au bercail assez
démoralisés et c'était normal :
l'étendue des colonies, la main mise sur
la terre des Palestiniens, sur leur eau,
les milliers de prisonniers (dont des
parlementaires) enfermés depuis de
nombreuses années et qui n'étaient pas
prêts de sortir, etc., ne poussaient pas
à l'optimisme.
C'était mon septième voyage ici en
Palestine occupée et j'étais moi-même
déprimé. Mais je continuais à y croire.
Plus que jamais ! Me souvenant de
l'Afrique du Sud, de Mandela. De son
combat. De sa victoire contre
l'apartheid.
C'était pas du tout certain que je sois
toujours en vie malgré mon hygiène de
vie impeccable mais je savais qu'un jour
la Palestine sera libre. Tous les murs
finissaient par tomber. Fallait juste
être patient et surtout ne pas lâcher.
J'étais à l'aéroport Ben Gourion de Tel
Aviv et ça faisait plus d'une heure
qu'on me fouillait. Je commençais à
m'énerver puis j'ai souri. La zénitude
Gros. En face, une gamine d'à peine 20
ans, attendait juste que je pète un
câble .....
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