La chronique du
Tocard
Dix Gnoules, une demi-Gnoule et un
Allemand,
en route pour la Palestine - Episode 5
Nadir Dendoune
«… Alors, pas
étonnant que la plupart des gens en
France ou ailleurs sont encore en 2014 à
proposer des solutions de paix, comme
s’il existait deux Etats, fermant les
yeux à la réalité du terrain, à savoir,
une guerre de colonisation et
d’occupation … » N
Vendredi 16 mai 2014
Il m’a fallu plusieurs voyages, sept au
total, pour capter réellement ce qui se
passe en Palestine. Ca peut s’expliquer
par le fait que j’ai pas inventé le fil
à couper le Gnoule mais aussi parce
qu’au premier abord, la réalité,
l’essentiel, elle saute pas aux narines.
Avant, beaucoup avant, au début des
années 2000, je m’étais pointé quelques
jours à Jérusalem. J’étais à bicyclette
pour un tour du monde et j’étais allé
rendre visite à feu Arafat qui pionçait
à Ramallah, 24h sur 24h au Palais de la
Mouqataa.
Enfin, palais, palais, on pourrait
croire qu’il était considéré comme un
roi, il en était rien. Le pauvre était
encerclé comme pas possible par des
chars israéliens, qui l’empêchaient de
sortir, alors il avait le temps de me
recevoir.
Arafat était pourtant président (aux
yeux du monde) et il était privé de sa
liberté. Au début, j’avais pas vraiment
compris ce que ça voulait dire, « être
privé de sa liberté ». Au départ,
j’avais vu les nombreux check-points qui
entourent la Cisjordanie, les soldats
qui font descendre les vieilles dames
des autobus pour des raisons de
sécurité, les « colonies sauvages »,
etc. C’était beaucoup certes mais
j’avais pas fait attention à
l’essentiel…
En revenant en France, je m’étais dit,
bordel, il faut que la Paix se fasse,
Yallah habibi, commençons par construire
des ponts entre musulmans et juifs, et
en 2004, j’avais emmené un groupe de
jeunes de mon quartier à la synagogue de
la rue Copernic à Paris, celle qui avait
subi un attentat en 1980. Un vrai
hussard de la République … C’était
louable comme initiative, enfin sur le
papier.
En vérité, tous mes efforts, comme ceux
des nombreuses associations de paix
Judéo-Gnoules avaient un effet
pernicieux : ils faisaient croire à
l’opinion publique que ce qui se passait
en Palestine était une histoire entre
gens qui n’arrivaient pas à s’entendre.
On mettait de fait Israéliens et
Palestiniens au même niveau, exit la
question politique, dehors l’élément
essentiel : un peuple qui vit sous
occupation militaire et qui voit de jour
en jour son territoire se réduire comme
peau de chagrin.
J’étais revenu en Palestine occupée en
2009 et là, j’avais été scandalisé par
le mur de la Honte, la « barrière de
sécurité », comme certains faux-culs
l’appellent et qui a permis à Israël de
voler encore plus de terres aux
Palestiniens.
Pour mon troisième voyage en 2011, mon
cœur battait tellement la chamade pour
une fille, un sentiment pas partagé,
tant pis pour elle !, une souffrance mal
vécue par l’auteur de ces lignes, que
j’avais été de nouveau incapable de
saisir ce que si tramait vraiment, quel
était vraiment le dessin de cet Etat
d’apartheid.
Puis, j’ai capté. Aujourd’hui, nous
sommes en 2014 et j’ai compris. Et ça
fait froid dans le dos. Le projet
d’Israël est un projet machiavélique.
Commencé sous l’ère de Ben Gourion, le
fondateur de l’Etat d’Israël, Sharon,
perçu comme un gros bœuf, un militaire
sans cerveau, qui en fait est un
véritable stratège.
Son projet est un projet à long terme.
Il prévoit que dans 50 ans, il ne reste
plus grand chose de la Palestine
historique. Les colonies d’apparence
sauvage sont des éléments essentiels :
elles ne sont jamais construites par
hasard. Toujours édifiées en hauteur,
pour contrôler ce qu’il se passe plus
bas, elles sont également toujours près
des points d’eau. Elles permettent
de prendre toujours plus de territoire,
d’encercler les terres des Palestiniens
et surtout de rendre impossible la
naissance d’un Etat palestinien viable
et souverain.
Les Etats-Unis ont commencé alors à
protester en pensant au processus de
« paix ». Les Israéliens, toujours un
coup d’avance, ont promis que ces
colonies 100% juives n’entreraient
jamais en contact physique avec les
villages palestiniens. Le principe de
contiguïté (et non la continuité) est
alors mis en œuvre.
Ils ont alors commencé un grand chantier
: construire des routes, des tunnels,
des ponts uniquement destinés aux
colons, quitte à couper les autres axes
pour empêcher les Palestiniens de
croiser les colons. Aux moins
l’apartheid et la ségrégation sont
désormais visibles en 3D.
Il m’a fallu plusieurs voyages, sept au
total, pour capter réellement ce qui se
passe en Palestine. Alors, pas étonnant
que la plupart des gens en France ou
ailleurs sont encore en 2014 à proposer
des solutions de paix, comme s’il
existait deux Etats, fermant les yeux à
la réalité du terrain, à savoir, une
guerre de colonisation et d’occupation …
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