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Retour en Algérie (7)
Nadir Dendoune


Mardi 8 décembre 2009

Nadir Dendoune est journaliste français. Pour humanite.fr, il "fait le voyage", à l’envers de ses parents. Septième épisode : mon identité désolée.

Depuis que je suis ici, je pense sans cesse à la Colonisation et à la guerre d’Algérie. J’ai dépassé la trentaine, j’arrive tout doux vers la quarantaine et j’ai besoin de connaître tout de ce passé, que l’école de la République (l’Etat) a tout fait pour occulter. J’en ai besoin pour avancer.

J’ai également envie de dépasser la rancœur qui m’anime en pensant à Douce France, j’ai peur qu’elle finisse par me bouffer tout cru. Je veux devenir ce que je suis. Il faisait beau et doux. Je portais une veste légère. Le taxi nous a déposés au début du boulevard Didouche, les Champs-Elysées local. La rue était bondée. Des jeunes, souvent en groupe s’étaient donnés rendez-vous. Des jeunes filles avaient mis le paquet sur l’élégance. Des immeubles de type haussmanniens se succédaient, à leur pied des portes plus atypiques les unes que les autres. C’était Paris sans les Gaulois.

Je suis entré dans une boutique à la recherche de maillots de football de l’équipe nationale. En vain. Rupture de stocks. Jamais depuis l’indépendance du pays, les rues d’Alger avaient connu un tel déferlement de foule. On raconte que des vieilles dames au coup de sifflet final, étaient sorties dehors les larmes aux yeux. Certaines avaient même fini par crier que la victoire des Fennecs les rendait encore plus heureuses que la libération de l’Algérie en 1962. J’ai continué à descendre. Le boulevard s’étendait sur plusieurs kilomètres.

De nouveau, j’ai demandé à un vendeur s’il lui restait des maillots de foot, et j’ai obtenu la même réponse. Sur les balcons des appartements, flottaient des drapeaux vert et blanc marqué d’un croissant rouge. J’ai regardé au loin, j’étais agréablement surpris par le visage du parc automobile algérois : les bagnoles étaient récentes et en grande quantité. Un monsieur, rencontré dans la rue, m’expliqua que des grosses mesures facilitant le crédit à la consommation avaient été mise en place il y a quelques années. J’ai traversé la place Audin. Je me suis arrêté quelques minutes pour rendre hommage à cet assistant en mathématiques français qui donnaient des cours à l’université d’Alger, membre du parti communiste algérien, torturé et tué par les services français pour son engagement en faveur de l’indépendance de l’Algérie. J’ai fini par arriver à la Grande Poste. Magnifique lieu, construite au début du 20ème siècle.

Elle me faisait penser à un palais ottoman. A la fois moderne et authentique. J’ai monté quelques marches et j’ai pénétré à l’intérieur. J’ai fermé les yeux en essayant d’imaginer la période coloniale, les hommes Français (Algériens) et leurs chapeaux, leurs femmes et leurs belles robes. Je me suis demandé si des Algériens musulmans leur portaient leurs valises, s’ils avaient été des bons larbins ? Quelle place mes ancêtres occupaient dans leur propre pays ? Je ne savais pas grand-chose de tout cela. Je comprenais que mon complexe d’infériorité et ma « honte » d’être arabe venait également de là. J’ai pris quelques photos et je suis sorti. Le soleil est venu me caresser le visage. Deux Chinoises, définitivement pas des touristes, leurs allures étaient trop assurées, rigolaient à voix haute. La mondialisation mon frère. J’ai bifurqué vers la droite. D’autres magasins. Toujours pas de t-shirts. Je suis arrivé au Milk Bar. J’ai commandé un jus d’orange, le portrait d’Houari Boumediene, premier président de l’Algérie post indépendance, était accroché sur le mur du café. Le 30 septembre 1956, des résistants algériens faisaient exploser une bombe, tuant 8 occidentaux. Le Milk Bar était très fréquenté à l’époque par les expatriés. J’ai tourné la tête et j’ai aperçu la place Abd el-Kader. Une énorme statue à l’effigie de ce grand homme surplombait l’endroit.

Ce chef militaire, né en 1808 (date corrigée NDLR), résista longtemps à l’armée coloniale française. Considéré comme le premier créateur de la nation algérienne, il fut le symbole de la résistance contre le colonialisme et l’oppression française. Je le regardais. Il était installé sur son cheval, le sabre dans sa main droite, le bras levé, tel un seigneur. Je le regardais et je l’imaginai se battre contre les colons français. Je ressentais de la fierté mon frère. J’en avais besoin pour gagner des points sur mon identité désolée. Je me suis assis sur le banc et j’ai fermé les yeux. La nuit est tombée du ciel. J’aurais pu dormir ici.

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© Journal L'Humanité
Publié le 10 décembre 2009 avec l'aimable autorisation de
L'Humanité



Source : Le web de l'Humanité
http://www.humanite.fr/...


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