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Retour en Algérie
(6)
Nadir Dendoune
Lundi 7 décembre 2009
Nadir Dendoune est journaliste français. Pour
humanite.fr, il "fait le voyage", à l’envers de ses parents.
Sixième épisode : retour et séquelles.
L’ambulance filait à toute allure. Je n’étais pas attaché. Tout le
monde était assoupi. Je m’accrochais au brancard pour ne pas
tomber à la renverse. Malgré le danger et mon testicule qui
faisait des siennes, ma visite à l’hôpital restera gravée à
jamais dans ma mémoire.
Le trajet du retour, ce qu’on avait rigolé. J’ai l’impression
qu’en Algérie, tout finit toujours par s’arranger. Le personnel
hospitalier faisait avec les moyens du bord, le sourire toujours
aux lèvres. Je crois que quand on a pas grand-chose, on aime
plus la vie, parce qu’on se concentre sur l’essentiel. On m’a
dirigé vers une chambre. Pas question que je passe la nuit
dehors, mon testicule avait besoin de chaleur. Le matin est venu
très vite, trop vite, quelques heures de sommeil. Leila a couru
vers moi et m’a serré très fort, d’autres sont venus s’enquérir
de mon état de santé. J’ai aimé leur sincérité et leur
sollicitude. On est remontés dans l’autobus. Nous avons traversé
des dunes de toutes beautés. Des paysages qui avaient conservé
toute leur authenticité. Un jour, sans doute, le tourisme de
masse aura raison de tout ça.
On est entrés dans un musée où des poteries datant de l’époque
coloniale et une large diversité d’animaux empaillés étaient
disposés. C’était la première fois que j’allais au musée en
Algérie ! On s’est arrêtés pour déjeuner dans une grotte. Tout
le monde avait le sourire. Tout le monde se sentait bien en
Algérie. On parlait de tout et de n’importe quoi. Les chauffeurs
n’osaient pas se joindre à nous. Avec Mounir, on s’est levés
pour leur apporter de quoi manger et boire. On aurait fait
pareil s’ils avaient été de nationalité américaine. C’est juste
une question de classe sociale mon frère. La journée est passée
d’un trait. On faisait des haltes toutes les heures pour admirer
les atouts de ce pays. A l’intérieur du van, l’humanité chantait
à tue-tête, reprenant en chœur les refrains de chansons
célèbres. Les routes étaient très peu fréquentées. On traversait
des petits villages. Les gamins nous saluaient et partaient se
cacher quand on s’approchait d’eux. Le jour nous a dit au revoir
vers 17h. Notre vol du retour était prévu une heure plus tard.
Les bus ont accéléré. A l’aéroport de Béchar, le directeur de
l’office régional du tourisme nous attendait stoïque. Il s’est
renseigné sur mon état de santé. Je l’ai rassuré, la douleur
était partie de l’autre côté de la méditerranée. Des yeux de ce
monsieur, se dégageait une telle force, une telle sagesse. Sa
voix était posée. Ses mots étaient justes, remplis d’intégrité.
Originaire de Constantine, il était en poste à Béchar depuis
cinq ans. C’était surtout difficile pour ses enfants, sa fille
était très attachée à sa grand-mère. Mais il avait trop le sens
du devoir pour refuser cette mutation.
On a donné nos passeports à Bachir, responsable du
groupe. Comme à son habitude, il n’a pas pu s’empêcher de sortir
une connerie. J’adore Bachir, à la fois brillant et cru, à la
fois fou et terre à terre. Et un cœur. Il avait fait des
babouches et des paluches pour que je sois évacué illico-presto
à l’hôpital. Et toutes les heures, il nous appelait. J’ai pris
le directeur de l’office du tourisme dans mes bras. Pour la
première fois, il est sorti de sa réserve et m’a embrassé. On
s’est souhaité bonne route. J’étais triste de partir. Et heureux
en même temps. J’allais découvrir enfin Alger la blanche. En
embarquant dans l’avion, en plein tarmac, j’ai regardé derrière
moi : des lumières illuminaient l’aéroport. Je savais que
bientôt je serais de retour dans le Sahara. J’ai compris aussi à
ce moment-là que ma vision de l’Algérie avait changé. Et que
désormais je viendrai dans le pays de mes ancêtres pour passer
des vacances.
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© Journal L'Humanité
Publié le 10 décembre 2009 avec l'aimable autorisation de
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