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Opinion
Interview du Président syrien Bashar al-Assad [3/4]
Le Président Bashar al-Assad
In The Wall Street Journal, 31
janvier 2011
http://online.wsj.com/article/SB10001424052748703833204576114712441122894.html
WSJ : … et,
vous ne recevez aucun message de la part des Israéliens ? Je
sais que M. Hoenlein vous a rencontré récemment ; il ne vous a
transmis aucun message ?
Assad : Il nous apporté une
atmosphère positive. Mais, encore une fois, je lui ai dit que
nous nous en tenons toujours à la réalité. Nous comprenons le
signal, mais il ne s’agit pas, en l’occurrence, d’un satellite
et d’un radar ; nous ne sommes pas des ordinateurs, pour parler
ainsi de questions purement virtuelles. Nous vivons avec la
réalité et avec des faits ; or, rien, dans la réalité, ne s’est
produit jusqu’à ce jour, rien de concret, rien au sujet du
territoire, rien à propos de la ligne de retrait. Or, c’est par
cela que commence un processus de paix. Vous occupez la terre,
vous voulez, vous dites-nous, vous retirer. Mais vous voulez
vous retirer jusqu’où ? Cela devrait être jusqu’à la frontière
que vous avez violée en la traversant, il y a de cela plus de
quarante ans.
WSJ : Si
certains de ces détails commencent à être pris en compte, fusse
seulement conceptuellement, vous pensez qu’il est possible,
aujourd’hui, pour la piste syrienne, d’aller de l’avant avec un
peu plus d’allant, même au sein du cadre général actuel de la
paix… Je veux dire : la piste palestinienne est particulièrement
chaotique, en ce moment, non… ?
Assad : Vous voulez me poser la
question de savoir s’il y a quelque chose de positif sur
notre piste… ?
WSJ : Oui ;
pourriez-vous avancer, de votre côté, même si la partie
palestinienne n’est pas en mesure de le faire ?
Assad : C’est là une question très
importante, parce que beaucoup de gens ne comprennent pas la
différence entre la Paix et un traité de paix. Et
nous, nous parlons toujours de la paix globale, parce que si
vous voulez avoir une vraie paix, avec des relations normales
entre les peuples, vous devez avoir une paix globale. En Syrie,
nous avons en effet 500 000 Palestiniens, et il y en a autant au
Liban. Ils jouissent de tous leurs droits, chez nous, en Syrie,
sauf du droit de vote, étant donné qu’ils ne sont pas citoyens
syriens, mais ils ont tous les autres droits des Syriens…, ils
sont représentés au gouvernement, ils sont partout, en Syrie,
ils font partie intégrante de notre société. Aussi le peuple
syrien les voit-il avec sympathie, et si vous ne trouvez pas de
solution qui les satisfasse, vous ne pourrez pas avoir une vraie
paix. Certes, vous pourrez avoir un traité de paix. Mais à quoi
aspirons-nous ? A un traité ? A une rencontre entre officiels ?
A une ambassade entourée par des forces de police, avec laquelle
personne n’osera entrer en relation ? Les gens n’auraient donc
pas de relations, et ils se haïraient mutuellement ? Non, ce
dont nous avons besoin, c’est de relations normales. Pour nous,
la paix, c’est avoir des relations normales, comme celles qui
existent entre la Syrie et tous les autres pays. Par
conséquent, le fait d’avoir un traité de paix avec la Syrie ne saurait qu’être un pas vers la
paix, mais certainement pas la paix. C’est la raison pour
laquelle le fait d’avoir une paix globale est très important. La
paix globale, c’est la véritable solution.
WSJ : Mais
vous pourriez considérer cela comme une étape intermédiaire, à
l’intérieur d’un mouvement de plus grande ampleur ?
Assad : On pourrait définir cela
de deux manières : cela pourrait être une phase intérimaire
permettant de réaliser l’autre phase, au sens que cela pourrait
permettre de soutenir cette autre phase. Mais nous pouvons
considérer cette hypothèse d’une manière différente : si vous
avez la paix avec
la Syrie, pourquoi auriez-vous besoin de la
faire avec les Palestiniens ? C’est ainsi que pourraient penser
les Israéliens, et cela ne créerait aucune stabilité, parce
qu’il y cinq millions de Palestiniens qui vivent en dehors de
la Palestine, et qui continuent à espérer
qu’ils feront partie de cette paix. Mais si vous leur dites
« désolé, j’ai obtenu tout ce que je voulais, avec ce traité,
vous ne me concernez plus désormais ; ils perdront tout espoir
et ils auront recours aux moyens du désespoir, et il y aura une
bombe, dirigée soit contre nous, soit contre la paix aux
frontières. Donc, encore une fois, si vous ne parvenez pas à une
paix globale, vous n’obtiendrez pas la stabilité. Par
conséquent, regardons la situation sous l’angle négatif afin de
faire en sorte que cette paix soit globale. Si vous regardez la
situation de manière positive, à savoir que nous allons faire la
paix avec vous et cela constituera une avancée – mais si ça
n’est pas le cas, que se passera-t-il ? C’est seulement une
possibilité, et pour moi, je pense qu’il est plus que probable
que l’issue sera négative. C’est pourquoi il vaut mieux
rechercher une paix globale dès le début. Cela ne signifie
nullement, toutefois, que les deux pistes (la piste syrienne et
la piste palestinienne, ndt) doivent progresser de manière
synchrone, mais cela signifie bien que, tout au moins, ces deux
processus doivent avancer en parallèle.
WSJ :
Pourriez-vous nous donner une idée sur la proximité atteinte par
les positions syrienne et israélienne du temps d’Olmert… parce
que j’étais en Turquie, la semaine passée, et j’en ai entendu
parler ?
Assad : J’allais vous en parler.
J’étais, de fait, au téléphone avec le Premier ministre turc
Erdogan, et Olmert était dans l’autre pièce, où ils étaient en
train de déjeuner ensemble, et celui-ci n’avait cessé de faire
des va-et-vient auprès d’Olmert, et il apportait la réponse à
son conseiller de l’époque, M. Gül (qui est ministre des
Affaires étrangères, aujourd’hui). Et il était question de la
ligne du retrait. Il disait que la ligne de retrait aurait dû
être basée sur les six points formulés par
la Syrie. J’ai répondu
que non, que ces points sont sur la ligne. Alors, il est revenu,
disant : « la ligne dépendra de ces points ». J’ai alors demandé
ce que signifiaient ces termes : « dépendra » et « sera
basée » ? Ce sont des termes extrêmement vagues. C’est sur la
ligne. Aussi il a dit à Erdogan : « D’accord, laissez-moi
réfléchir. Si cela présente pour moi une difficulté, je
continuerai à y réfléchir après mon retour en Israël et je vous
tiendrai au courant ». C’était quatre jours avant qu’Israël
n’attaque Gaza. Après ça, la Syrie, et encore plus la Turquie, étaient furieuses
d’avoir été trompées par Olmert. Il leur avait dit : « Je rentre
en Israël pour réfléchir à la manière dont nous pourrons
résoudre ce problème concernant la paix », mais en lieu et place
il a fait la guerre et il a tué, ce faisant, mille cinq-cents
Palestiniens. Voilà la proximité que nous avions atteinte. De
fait, nous étions très près de mettre au point ce document dont
je vous ai parlé ; nous étions sur le point de définir le
référentiel qui aurait été remis aux Américains en leur disant
que c’était là « le moyen qui vous permettra de gérer la
prochaine négociation », je veux dire les négociations directes.
Mais rien ne s’est déroulé comme cela avait été prévu.
WSJ : Comment
voyez-vous vos relations avec les Etats-Unis ? Nous avons lu que
l’ambassadeur Ford est ici, à Damas, désormais ; il semble donc
que les Etats-Unis soient engagés sur une voie inconnue sous
l’administration Bush. Mais nous avons toujours le problème des
sanctions. Pourriez-vous définir la manière dont vous voyez le
développement de ces relations ?
Assad : Ce qui est nouveau, depuis
l’arrivée d’Obama au pouvoir, c’est le fait qu’il n’y a plus de
diktat en provenance des Etats-Unis et que les Américains sont
prêts à nous écouter. C’est très important, pour fonder de
quelconques relations avec n’importe quel pays, en particulier
avec un pays tel que
la Syrie, qui n’accepte aucun diktat imposé par
l’extérieur. Mais l’autre question, ici, c’est que cela fait
aujourd’hui deux ans que le président Obama est au pouvoir et
que s’est-il passé, en réalité ? De fait, rien n’a changé
réellement, y compris en matière de relations bilatérales, parce
que ce que nous faisons, depuis deux ans, c’est simplement
d’envoyer des signaux, depuis
la Syrie
vers les Etats-Unis, et vice-versa. Mais comment pouvons-nous
traduire ces signaux dans la réalité ? Juqu’ici, nous n’avons
pas pu le faire, pour une raison très simple. Le président Obama
n’est pas en cause, je pense que c’est quelqu’un de sincère, qui
croit à ce qu’il dit. Mais, en fin de compte, vous avez la
politique intérieure américaine ; vous avez le Congrès, vous
avez beaucoup d’autres institutions, que ce soit avant ou après
les élections, il n’y a pas eu une grande différence pour ce qui
nous concerne. Ces institutions ne voient pas, parfois,
l’intérêt des Etats-Unis, tout au moins dans notre région du
Moyen-Orient, de manière réaliste. C’est la raison pour laquelle
si vous prenez la situation en Irak, en Afghanistan et au
Pakistan, l’on n’y constate aucun succès de la politique
américaine. Pour partie, le désespoir que nous connaissons dans
notre région du monde découle de la politique des Etats-Unis, et
les peuples sont en train de devenir antiaméricains. C’était
d’ailleurs l’objet de votre toute première question. Par
conséquent, ce qui est en train de se passer est positif, mais
cela ne construit rien de concret sur le terrain, tout au moins
pour le moment.
WSJ : Sans
doute diraient-ils : « Mais nous souhaiterions entendre qu’il y
a eu un changement dans le comportement de
la Syrie vis-à-vis du Hamas et du Hezbollah »,
et en un certain sens, cela n’en prend pas vraiment le chemin,
n’est-ce pas ?
Assad : Voilà : ça, c’est un
diktat ! Il n’est pas question de ‘comportement’. En tant
qu’Etat, nous dépendons de nos intérêts, et non pas de notre
comportement. Vous pouvez avoir un mauvais comportement, que je
puis ne pas aimer, mais cela ne signifie rien : votre
comportement, c’est votre comportement, et mon comportement est
mon comportement. Non, le fond de la question, c’est les
intérêts. Alors, mettons nos intérêts sur la table, et voyons ce
que nous avons en commun. Si vous voulez parler de la stabilité
en Irak, je suis celui qui est intéressé à avoir la stabilité en
Irak plus que les Etats-Unis, parce que moi, l’Irak est mon
voisin ! Si je n’aide pas l’Irak à avoir la stabilité chez lui,
je me tire une balle dans le pied. Deuxièmement, s’ils disent
qu’ils veulent la paix au Moyen-Orient, alors, là encore, c’est
moi qui suis intéressé à avoir la paix au Moyen-Orient, parce
que cela me permettra d’avoir la prspérité, l’ouverture et une
économie florissante. Vous me parlez de la lutte contre le
terrorisme ? Alors sachez que nous combattons le terrorisme
depuis les années cinquante, et non pas seulement depuis les
années soixante ou soixante-dix, et, dans les années
quatre-vingt, nousavons eu un très important avec les
terroristes, tandis que Ronald Reagan les présentait comme des
combattants menant un combat sacré, mais nous, nous parlions de
terroristes. Par conséquent, là, c’est moi qui avais un intérêt
à les combattre. Et si vous voulez me parler d’intérêts communs,
nous avons un tas d’intérêts communs dans ma région. Je n’ai
sans doute pas d’intérêts en Asie orientale, par exemple, parce
que, moi, je ne suis pas une grande puissance. Mais j’ai des
intérêts, dans ma région du Moyen-Orient, bien entendu et si
vous voulez parler de vos intérêts dans ma région, nous avons
des intérêts communs : parlons-en ! Et je pense que la majorité
des problèmes relèvent d’intérêts communs entre nous.
Quelques-uns d’entre eux sont non pas des conflits d’intérêt,
mais des divergences dans les façons de voir les choses, ce qui
n’est pas un problème majeur. Donc, vous pouvez examiner la
situation sous l’angle que vous voulez, vous pouvez construire
votre relation avec moi en accédant à cette différence, ou bien
vous la construisez en fonction de cet intérêt commun. Tout
dépend de la manière dont vous envisagez le problème.
WSJ : Et vous
pensez que les négociations ont achoppé sur ce que vous
considérez être des détails, et qu’elles ne se sont pas
concentrées sur les grands problèmes ?
Assad : Oui, parce que les
Etats-Unis se focalisent sur les détails, en oubliant le
problème central, qui est l’absence de paix. Notre avis, c’est
que vous ne pouvez régler ces points de détails sans avoir
résolu le principal problème. Et le problème que nous avons eu
avec l’adminstration Bush, c’est qu’ils parlaient de ce but, et
je parlais du même but, mais alors que je voulais y parvenir à
partir de l’est, ils voulaient passer par l’ouest, et ils
voulaient que je fasse la même chose qu’eux.
Mais moi, je veux parvenir au
résultat à partir de l’est, c’est ma manière de voir les choses,
nous avons donc deux manières de parvenir au but, mais notre but
est le même. Nous ne pouvons être la copie d’aucun pays, et
c’est là quelque chose de normal et naturel.
WSJ :
Pensez-vous que les changements en Egypte auront un impact sur
le processus de paix ? Vous pensez sans doute que les Israéliens
redoutent que cela ne soit le cas, je veux dire, si l’on pense à
ce que l’Egypte a été, par le passé. Je ne sais pas si les
changements seront pour le pire ou pour le meilleur, mais il
semble que, quels qu’ils soient, ils auront un impact.
Assad : Si vous voulez que je
réponde à cette question, vous devez la recentrer de cette
manière : « Quel est le rôle de l’Egypte dans le processus de
paix ? ». Telle est la question que je me pose. Ils ont signé un
traité de paix ; ils ne font pas partie de notre piste. En ce
qui concerne la question palestinienne, vous devez commencer par
la réconciliation [entre l’Autorité palestinienne et le Hamas,
ndt], or, cela va faire trois ans que nous n’avons pas pu
réaliser cette réconciliation, en Egypte. Donc, si je veux
répondre à votre question, je dois au préalable demander : quel
est le rôle de l’Egypte, dans le processus de paix ? A mes yeux,
c’est la Syrie, le Liban et les
Palestiniens qui sont responsables de ce processus de paix, et
personne d’autre ; aucun autre pays n’en est responsable, si ils
veulent apporter leur aide, ils le peuvent, mais vous ne pouvez
pas parler d’un quelconque rôle principal. C’est ainsi que je
vois les choses.
WSJ :
Pensez-vous que
la Syrie ait
un rôle à jouer ici ? Je veux dire, certains d’entre eux sont au
sein de l’Autorité palestinienne, et en particulier dans les
factions palestiniennes…, comment pouvez-vous aider ?
Assad : Vous devez aider, mais
s’ils n’ont pas la volonté de se réconcilier, nous ne pouvons
rien faire. Ils doivent avoir cette volonté et je pense qu’au
moins une des parties a bien, au minimum, la volonté. Je dis que
les deux parties ont exprimé leur bonne volonté, mais nous ne
nous sommes pas impliqués directement dans cette situation parce
que l’Egypte n’y était pas impliquée. Mais en fin de compte, si
vous voulez être impliqué, c’est le rôle d’un Palestinien, et
non pas d’un Syrien ou d’un Egyptien. Vous pouvez apporter votre
soutien. Israël peut apporter son soutien, s’il veut
effectivement améliorer la situation, et non faire le contraire.
Les Etats-Unis peuvent faciliter cette réconciliation ; tout le
monde peut le faire.
WSJ : Mais la
situation semble très loin d’avoir été aplanie, apparemment ?
Assad : c’est vrai ; rien ne s’est
produit. Tout au long des trois années écoulées, c’est la même
situation, parfois cela aurait même pu être pire. C’est pire, de
fait, s’ils ne se dirigent pas vers une réconciliation, parce
qu’il n’y a pas de stabilité concrète sur le terrain. Si vous
voulez jouer le rôle d’un médiateur ou d’un arbitre, vous devez
vous situer au milieu, entre les deux adversaires, vous ne
pouvez pas prendre partie pour l’un d’entre eux.
WSJ : Je sais
qu’une partie de vos rencontres avec le Sénateur Mitchell et
d’autres ont été consacrées à l’allègement des sanctions, mais
cela a-t-il eu lieu ? Y a-t-il eu une quelconque amélioration du
côté américain ?
Assad : Non, rien de tel. Bien
sûr, ils disent que
la Syrie a
rouvert le Lycée américain à Damas, mais nous ne pouvons pas
parler véritablement de relations bilatérales en ce qui concerne
ces petits détails. Comme je l’ai dit, ce sont de simples
signaux, et rien de plus.
WSJ : Je sais
que des gens, au Congrès et aux Etats-Unis, de manière générale,
ne cessent de poser des questions au sujet des relations que la Syrie entretient avec l’Iran. Les
relations américano-syriennes peuvent-elles s’améliorer tant que la Syrie aura un partenariat
stratégique aussi étroit avec l’Iran ? Et comment décririez-vous
vos relations avec l’Iran ? Par ailleurs, des bonnes relations à
la fois avec l’Iran et avec les Etats-Unis sont-elles possibles,
pour la Syrie ?
Assad : Oui, cela remonte aux
concepts fondamentaux de la politique américaine. En physique,
il y a un principe : quand vous avez deux verres d’eau et un
tuyau entre les deux, lorsque le niveau s’élève dans l’un des
vases, il s’abaisse dans l’autre, et vice-versa ; mais en
politique, je ne connais pas ce principe. Donc, ma relation avec
les Etats-Unis devrait s’améliorer et, en même temps, ma
relation avec l’Iran devrait se dégrader !?! Donc, quid de la
relation entre la Syrie et la Turquie ? Nous n’avons pas un tel
principe, il n’existe pas de loi telle celle-là ou de
principe tel celui-là en matière de politique.
Vous pouvez améliorer vos
relations avec dix pays à la fois, parallèlement. C’est un
principe fondamental, en politique, vous devez améliorer vos
relations avec tous les pays, et vous ne devez pas permettre
qu’elles se dégradent avec un quelconque pays, en particulier
dans une région où nous avons besoin d’un pays puissant comme
l’Iran. L’Iran est un grand pays, un pays important, sur le plan
géopolitique ; personne ne peut négliger l’Iran, que cela vous
plaise ou non ; c’est le premier point. Le deuxième point, c’et
la méthodologie de la réflexion politique américaine. Ils ont
posé cette question à de nombreux responsables, et ils me l’ont
posée. Je leur ai répondu : parlez-moi de votre méthodologie ?
Nous n’avons pas de dossier, en Syrie, qui s’appellerait le
dossier syro-iranien, donc, fermez ce dossier, ou mettez-le dans
le placard ou oubliez-le. Nous avons des dossiers sur des
problématiques, pas sur des pays ; nous avons le dossier de la
paix, et nous avons le dossier de l’extrémisme. Si nous voulons
parler de mes relations avec un pays quel qu’il soit, y compris
les Etats-Unis, notre conversation doit être autour de ces
dossiers.
Quelle est votre position sur le
processus de paix ? Me soutenez-vous, ou êtes-vous contre moi ?
Quelle est votre position concernant ma politique irakienne,
concernant l’unité de l’Irak, concernant la laïcité en Irak ? Si
vous êtes contre moi, je serai contre vous. Ainsi, je puis avoir
une bonne relation avec vous sur un point, pour une cause
donnée, sur un problème, et ne pas avoir une bonne relation avec
vous sur une autre question. Voilà, c’est ainsi que nous, les
Syriens, nous voyons les choses. Donc, si vous voulez parler de
l’Iran dans le cadre d’un dossier concernant la question
nucléaire, je ne m’engagerai pas dans une telle discussion. Par
conséquent, que j’ai de bonnes ou de mauvaises relations avec
l’Iran, c’est le dossier nucléaire de l’Iran, et ils
continueront à y travailler en fonction de leur intérêt
national.
La Syrie n’a
rien à voir avec ça, par conséquent, vous ne pouvez rien faire.
Je parle du Liban : j’ai un intérêt au Liban, parce que le Liban
est mon voisin. Quelle est votre politique, au Liban ?
Allez-vous soutenir ma relation avec le Liban, allez-vous
soutenir l’unité du Liban, ou allez-vous soutenir le sectarisme,
au Liban ? Voilà, les questions se posent en ces termes.
Donc, tout dépend de la manière
dont tel ou tel pays va traiter avec moi sur tel ou tel dossier.
Ainsi, vous ne pouvez pas parler de l’Iran comme l’Iran le fait,
parce que vous avez des problèmes différents et parce que pour
chacun de ces problèmes, nous avons des points de vue
différents, qui peuvent être très proches, totalement opposés,
ou divergents. C’est la manière dont nous envisageons les
choses, vous devez donc me parler de la même manière, selon le
même algorithme que vous le faites aux Etats-Unis, si vous
voulez me comprendre et si vous voulez que je vous comprenne.
Parlez-moi de l’Iran, au sujet de chacun des dossiers, parce
qu’ils en parlent, et je leur ai dit cela parce que
lorsque j’ai commencé les négociations, en Turquie, les
Iraniens, bien qu’ils parlaient d’Ahmadinejad, et d’éliminer
Israël de la carte, en réalité, publiquement, et à deux
reprises, ils ont publié des déclarations soutenant
la Syrie ; cela signifie que l’Iran soutient en
réalité la paix. Il en va de même lorsque nous parlons du
Hezbollah et du Hamas ; c’est notre manière de penser. Ils ne
m’ont pas parlé des relations entre la Syrie et l’Iran au sujet de
chacun des dossiers que nous avons examinés.
Traduit de l’anglais par Marcel Charbonnier
L'interview 1/4
L'interview
2/4
L'interview 4/4
Les traductions de Marcel Charbonnier
Le dossier
Syrie
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