|
Entretien
Entretien avec Paul
Éric Blanrue (III)
par Rachid Guedjal
Mardi 8 mars 2011
R.S : Cette année Louis XIV, Napoléon ou encore
Richelieu, autant de personnages qui ont construit la France et
participent encore à son rayonnement, ont été supprimés du
programme scolaire. Tu as enseigné l'Histoire, qu'en penses tu
concrètement? Quelles conséquences cela peut avoir sur les
futures générations? Y a t il moyen d'améliorer le programme
d'après toi?
P.E.B. : L’enseignement de l’histoire tel qu’on le
pratiquait lorsque j'étais prof, il y a 20 ans, était déjà très
mal en point. C'est pourquoi j'ai claqué la porte ! Je voyais
bien que ce n'est pas de l'intérieur qu'on changerait les
choses. Dans nos cours, on insistait par exemple sur l’histoire
moderne et contemporaine en délaissant l'époque médiévale et
l’antiquité ou encore les civilisations anciennes dont,
pourtant, les élèves étaient de grands fans. Sans oublier que
l'enseignement se faisait déjà sans le moindre recul critique :
c'était la "voix de son Maître" ! Maintenant, c'est cent fois
pire : on supprime des pans entiers de notre passé pour faire
avaler aux élèves un "digest" qui doit se plier à l'idéologie du
moment. C'est déplorable. L'histoire est assassinée. Je parle
bien sûr de l'histoire, et pas de la fumeuse "Mémoire", qui
n'est que l'un des tentacules de l'idéologie de l'hyper-classe
mondialisée. Pour comprendre le présent, il faut d'abord avoir
saisi le passé : or là, on déconstruit notre connaissance pour
propulser sur orbite des générations d'abrutis, qui ne sauront
pas dans quel monde ils évoluent, parce qu'ils seront démunis de
références. L'atomisation des corps, préparée de longue date par
le capitalisme et poursuivie par le néo-libéralisme, attaque
désormais les cerveaux. Les cerveaux tournent en rond, ils ne
sont plus connectés à rien, sauf... à la Matrice ! C'est-à-dire
à la Mémoire ! Des moyens pour en sortir ? Vu la situation
présente, je n'en vois pas d'académiques. Faites lire à vos
enfants de bons livres d'histoire, faites-leur regarder de bons
films historiques et des documentaires à visée critique. Et
surtout, surtout : faites-les voyager ! Apprenez-leur très tôt à
aller voir en 3-D ce que leurs camarades ne distinguent qu'à
plat. Sur le forum romain, ils sentiront peut-être, enfin, avec
chance, les parfums de l'antique Rome...
R.G : Quel est selon toi le principal devoir d'un
historien?
P.E.B. :Transmettre à l'élève des connaissances que
celui-ci peut immédiatement s'approprier pour comprendre le
monde qui l'entoure.
R.G : Pourrais tu développer un peu plus ce que tu
entends par « civilisations anciennes »?Tu as sans doute entendu
parler de l'Archéologie interdite, celle qui remet en cause les
principales thèses défendues par la plupart des chercheurs. Des
pyramides au disque de Nebra, en passant par les merveilles
d'Amérique du sud. Comment l'Histoire officielle explique t elle
ça? Est ce cohérent selon toi?
P.E.B. : J'évoque évidemment cette "histoire d'avant
l'histoire", celle dont ne sait pas grand chose, mais qui fait
rêver, surtout quand on est jeune et qu'on a vu "Indiana Jones"
! D'où les Égyptiens des Pyramides tenaient-ils leur savoir, et
pourquoi leurs monuments n'ont-ils fait que décroître par la
suite? Pourquoi le symbolisme de la Croix se retrouve-t-il dans
des cultures les plus éloignées ? Quelle est la signification du
site de Stonehenge ? Ce n'est pas dans les manuels d'école
d'aujourd'hui que nous allons trouver la réponse à ces questions
passionnantes ! Le problème, c'est que la vision de l'histoire
qu'ont les historiens dépend de l'idéologie d'aujourd'hui : ceux
qui font les programme scolaires ont eux aussi une "vision de
histoire" qu'ils cherchent à imposer ! Or l'histoire,
aujourd'hui, a pour fondement, d'abord, l'histoire
judéo-chrétienne. Avant, c'est le grand zéro ! Ou alors ça se
trouve dans les films et les ouvrages spécialisés... Autre
fondement sacré : 1789. Avant, c'est la barbarie généralisée, le
règne du droit de cuissage et des mystico-dingos ! L'histoire
doit être celle du Progrès. Mais de quel progrès ? Il y eut
jadis des civilisations bien plus évoluées que les nôtres sur de
nombreux points : du coup, les mettre en évidence, ce serait
comme insister en philo sur les pré-socratiques au détriment de
Platon, alors qu'il s'agit de tout faire reposer sur Platon pour
que le cours puisse démarrer comme on l'a décidé. Bref, la
construction des pyramides, qui passionne les jeunes élèves,
passe à l'as. De même, les hauts faits militaires. Cette fois,
il s'agit de "décharner" l'histoire, d'en faire quelque chose
d'extérieur à nous. As-tu étudié de près une seule bataille
lorsque tu étais en classe ? Non ! Pourtant, toute l'histoire
est une suite de guerres ? Lorsque j'étais prof, je consacrais
une heure de mon temps à expliquer aux troisièmes tous les
enjeux et la stratégie de Napoléon Ier lors de la bataille
d'Austerlitz. Une heure entière, tandis que mes collègues se
contentaient de dire à leurs élèves de jeter un oeil sur les
vignettes du manuel à la maison, s'ils en avaient le temps... Or
dès que je faisais ce cour "illégal", si on veut, c'était à
chaque fois pareil : les élèves montaient sur les tables
tellement ils étaient passionnés par le déroulement des
événements ! Qu'allait-il se passer si telle division se
déplaçait vers tel bosquet ou si Napoléon faisait battre ses
troupes en retraite après avoir fait brûler son camp ? C'était
passionnant, vivant ! J'ai recroisé, bien des années plus tard,
d'anciens élèves devenus des cadres dynamiques ou des avocats se
souvenant très bien des conseils stratégiques que je leur avais
délivrés d'après Napoléon, pour remporter la bataille des trois
empereurs. C'était encore ancré dans leur tête, car, en
supplément gratuit, il y avait une morale à l'histoire : se
méfier de celui qui paraît trop faible. Mais pour la comprendre,
il fallait avoir pris le temps de s'immerger dans une époque
pour tenter d'en comprendre la psychologie. Je dis souvent que
pour savoir ce qu’est le baroque, et la mentalité des hommes de
la contre-réforme catholique, il faut se rendre à Rome et faire
le tour du "Rapt de Proserpine" du Bernin, à la Villa Borghèse.
Vas-y, tu comprendras pourquoi...
R.G : En 2005 tu t'es intéressé de près au suaire de
Turin allant jusqu'à reproduire une réplique avec les moyens du
moyen âge. Penses tu qu'il y a eu d'autres reliques de Jésus et
d'autres saints qui s'avèrent être des supercheries? Comment
expliques tu cet attachement des chrétiens aux reliques?
P.E.B. : Je m'y suis intéressé depuis l'adolescence,
et j'ai tout vu, tout lu, tout étudié au sujet du pseudo-suaire
de Turin. J'en ai retiré deux lives et puis un jour la revue
"Science et Vie" m'a demandé d'en faire un exemplaire au Museum
d'histoire naturelle de Paris. Je me suis exécuté devant un
public international composé de journalistes, en compagnie de
scientifiques. Il y a eu un petit scandale, comme il fallait s'y
attendre. Je me suis rendu un matin, sur K-T0, la télé
catholique française, pour une heure entière d'entretien en
direct. J'ai répondu à toutes les questions sans insulter
personne. J'y ai expliqué que si ce linge n'était pas
l'authentique linceul de la Passion du Christ, c'est parce que
des savants religieux, trois évêques et le pape de l'époque
avaient les premiers dénoncé cette supercherie et interdit
l'ostension de la pièce, sauf à dire qu'il s'agissait d'une
reproduction et d'une peinture, ce que la science d'aujourd'hui
confirme ! Il n'y avait pas de blasphème dans ce que je disais,
puisque je prenais comme référence une bulle papale. Cette
émission s'inscrivait dans un cycle et devait être
multirediffusée dans la semaine. Mais le lendemain j'appris que
cette émission ne passerait qu'une seule fois, qu'elle serait
déprogrammée les fois suivantes et que la simple mention de mon
passage avait disparu des grilles du programme sur le net.
Amusant... Je me suis bien sûr intéressé à d'autres reliques
chrétiennes, comme le sang de saint Janvier, à Naples, ou comme
la sainte Croix, retrouvée au IVe siècle. Il y en a de très
distrayantes, comme le cordon ombilical de Jésus, son prépuce,
etc. À Notre-Dame, on peut voir, quelques jours dans l'année, la
couronne sans épines de Jésus. D'autres sont plus politiques :
c'est sur le corps de saint Marc que c'est élevé Venise, par
exemple. L'intérêt des chrétiens pour les restes de leurs grands
hommes, et surtout du plus grand d'entre eux, Jésus, s'explique
selon moi par le phénomène de l'Incarnation : pour un catho,
Dieu s'est fait homme. Le sang de Jésus que tu pourrais trouver
sur le saint suaire de Turin, ne serait pas seulement le sang
d'un homme lambda, voire d'un Prophète, mais aussi celui de Dieu
! Ceci dit, c'est comme dans le monde des antiquités : 80% des
objets y sont faux. Quant à moi, j'avoue être plus intéressé par
le vrai, l'authentique. Mon ami l'historien Philippe Delorme, de
la revue "Point de vue", a eu de la chance et a ainsi retrouvé
le vrai coeur du petit roi Louis XVII, qui, grâce à lui, repose
à présent avec les restes de ses parents dans la basilique
Saint-Denis. Plus difficile, le cas de la tête d'Henri IV : sur
cette affaire, les historiens ne sont pas d'accord avec les
scientifiques...
R.G : Justement, la suite est sur Louis XVII. Tu as
répondu apportant une résolution finale, à la question des
circonstances de la mort de Louis XVII(le fils de Louis XVI).
Pendant des décennies, la rumeur courrait qu'il avait survécu et
avait été fait évadé par des royalistes. Certains charlatans
avaient même usurpé l'identité du jeune prince afin de pouvoir
en tirer des bénéfices. Tu veux bien en quelques lignes nous
expliquer comment as tu procédé pour mettre un point final à
cette affaire.
P.E.B. : J'ai travaillé avec les matériaux classiques
mis à ma disposition : les archives de l'époque, pour me
garantir les dates et l'authenticité de certains documents, et
l'étude critique des livres des différents prétendants, qui se
disaient tous "Louis XVII", ainsi que de la documentation mise à
ma disposition par leurs "supporters". C'était un travail
énorme. Au minimum 5 ans d'enquête à ne faire que ça. Le plus
coriace était le dénommé Naundorff, car il avait presque réponse
à tout. Et surtout d'anciens de la Cour de Louis XVI le
reconnaissaient... À quoi, tout de même, je me disais : comment
peut-on "reconnaître" un gamin qu'on n'a pas vu depuis 30 ans ?
Comment en être sûr à 100% comme ils le clamaient tous ? Et
pourquoi Naundorff ne répondait-il juste qu'aux questions
auxquelles la presse ou les mémoires des serviteurs de la Cour
avaient déjà répondu à sa place... Et pourquoi se contredit-il
gravement dans ses Mémoires ? Et pourquoi ceux qui le
reconnaissent disent-il aussi qu'il ressemble... à Napoléon ? Il
serait de sang Bourbon, mais non un napoléonide ! Qui sont ces
gens étranges qui le suivent.... ? Bref, il a fallu faire un
travail de police : mettre les témoignages les uns en face des
autres et observer ce qu'il se passe. Au bilan, j'ai découvert
qu'il était un imposteur comme les autres, et en un sens pire
que les autres, car doté d'un tel culot qu'il avait presque
réussi à convaincre des princes. Quelques années après la
publication de mon livre, un examen scientifique a démontré que
j'avais raison. Je n'en suis pas mécontent. Pas seulement
d'avoir eu raison. Mais d'avoir démontré qu'au siècle de
l'atome, l'histoire "pure" peut encore devancer la science
"dure" !
R.G. : Il y a la dernière question historique que je
comptais évoquer avec toi. Celle justement de certains
événements qui se sont déroulés il y a plus d'un demi siècle.
Ces évènements ont été depuis sacralisés, cristallisés,
consignés à l'encre rouge dans les manuels d'Histoire. A un tel
point que ces derniers se sont spécialisés à ce sujet. Des gens
remettent ouvertement en cause ces « faits ». Ils sont alors
plus poursuivis que des criminels quand ils ne sont pas enfermés
injustement. Quelque chose ne tourne assurément pas rond dans
cette affaire. Y a t il selon toi un travail de recherche
sérieux de la part des historiens sur ces faits? Ou bien la
« Mémoire » y a définitivement remplacée la réalité des faits?
Les arguments des personnes remettant en cause ces évènements ne
semblent pas si incohérents après tout. De même que la première
personne à remettre en cause ces évènements était pourtant aux
premières loges de ceux çi(si je puis me permettre
l'expression).
P.E.B. : Si tu parles de "la destruction des
juifs d'Europe", selon l'expression du regretté Raul Hilberg,
expert en la matière, il est évident que, si Dieu est mort comme
disait Nietzsche, nous vivons à l'époque de la religion de la
Shoah, puisque toute critique de l'histoire officielle sur ce
point est considérée comme une hérésie et se voit très
sévèrement punie, alors qu'il ne s'agit que d'histoire, je le
rappelle ! Personne n'interdit de dire que le suaire de Turin
est vrai ou faux... Nul n'a songé à faire une loi sur le cas
Louis XVII : on peut encore aujourd'hui, écrire des livres
affirmant le contraire de ce que la science et l'histoire ont
démontré, et heureusement. Mais dans le cas précis que tu
soulèves, c'est interdit, il existe la loi Gayssot, votée en
1990. On nous dit : c'est une loi destinée à lutter contre
l'antisémitisme. Mais une telle loi existait déjà avant la loi
Gayssot, et elle avait déjà permis de condamner des
révisionnistes ! Donc, pourquoi une nouvelle loi, mais cette
fois de nature historique? Ce n'est pas aux députés ni aux juges
de faire l'histoire, pourtant, chacun le sait ! Ayant quelque
peu étudié le problème, je puis te dire ceci : la loi Gayssot a
été conçue pour brider les magistrats. Pourquoi ? Parce que
Pierre Vidal-Naquet, Georges Wellers, le Grand Rabbin Sirat et
d'autres ne voulaient pas voir se renouveler l'hommage rendu par
la première chambre de la cour d'appel de Paris, section A
(président Grégoire), à Robert Faurisson pour la qualité de ses
recherches sur le "problème des chambres à gaz". Le 26 avril
1983, ladite cour avait prononcé 1° qu'il n'y avait dans les
recherches de ce professeur aucune trace de légèreté, de
négligence, d'ignorance délibérée, de mensonge ; 2° qu'en
conséquence tout le monde (les experts, les historiens, le
public) devait se voir reconnaître le droit d'exprimer librement
son opinion sur "le problème des chambres à gaz". Vidal-Naquet
et Wellers ont, à l'époque, rendu publique leur déception devant
cette décision judiciaire. Le premier a notamment écrit : " La
répression judiciaire est une arme dangereuse et qui peut se
retourner contre ceux qui la manient. Le procès intenté en 1978
à Faurisson par diverses associations antiracistes a abouti à un
arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 26 Avril 1983, qui
a reconnu le sérieux du travail de Faurisson, ce qui est un
comble, et ne l'a, en somme, condamné que pour avoir agi avec
malveillance en résumant ses thèses en slogans" (Les Assassins
de la Mémoire, La Découverte, 1987, p. 182). De son côté, le
second a notamment écrit : "En appel, la cour a reconnu qu'il [Faurisson]
s'était bien documenté. Ce qui est faux. C'est étonnant que la
cour ait marché" (Le Droit de vivre, juin-juillet 1987, p. 13).
Je ne te fais pas un dessin !
Rachid Guedjal pour AlgerieNetwork
Copyright
© 2011 AlgerieNetwork. Tous droits réservés
Publié le 9 mars 2011
Entretien Partie I
Entretien Partie II
Le sommaire de Paul-Eric Blanrue
Dernières mises à
jour
|