La Voix de la
Russie - Entretien
Magaye Gaye : « L’Afrique recherche des
partenaires fiables » (Partie 2)
Mikhaïl Gamandiy-Egorov
Crédit
photo : La Voix de la Russie
Vendredi 31 janvier 2014
Suite de la première partie de
l’entretien
LVdlR : Quelle
vision avez-vous des rapports
russo-sénégalais et plus généralement
russo-africains ? Quelle image la Russie
contemporaine donne-t-elle d’elle-même
auprès de vos compatriotes et des
Africains francophones avec lesquels
vous collaborez ?
Magaye Gaye : Cette
question concerne au premier plan les
autorités gouvernementales du Sénégal
qui ont en charge la responsabilité de
conduire les destinées du pays. En ma
qualité de simple citoyen, j’estime, au
regard des informations à ma disposition
que les relations de coopération entre
la Russie et le Sénégal sont normales et
au beau fixe. La visite effectuée au
Sénégal en 2007 par le ministre des
Affaires étrangères russe Monsieur
Sergueï Lavrov ainsi que celle effectuée
en Russie par le ministre sénégalais des
Affaires étrangères sortant, Monsieur
Madické Niang, s’inscrivaient sans doute
dans une dynamique de renforcement des
relations diplomatiques et économiques
entre les deux pays. Au plan économique,
les liens de coopération sont encore
timides et beaucoup de choses restent à
faire.
S’agissant de
l’image que la Russie donne d’elle-même
auprès des Africains, c’est d’abord
celle d’un grand pays, héritier d’une
grande puissance militaire, l’URSS qui,
à la différence des grandes puissances
occidentales, n'a pas de passé colonial.
Un pays qui a soutenu les mouvements
anticolonialistes et accompagné les
indépendances africaines. Par ailleurs,
j’ai l’impression que beaucoup
d’Africains ignorent encore que l'aïeul
du plus grand poète de la Russie, le
génie même de la langue russe, Alexandre
Pouchkine, était un Africain. En outre
le Russie est perçue comme une nation
qui a beaucoup contribué à la formation
de nombreuses générations d’Africains.
Il convient de rappeler que quelques
70.000 Africains ont été diplômés des
écoles supérieures de l’ex-URSS.
Hélas aussi, les
Africains ont le sentiment que la Russie
ne s’intéresse pas beaucoup à leur
continent comme l’attestent du reste les
rares déplacements du Président Poutine
et de son Premier Ministre Medvedev sur
le continent. Cette situation est peut
être liée au fait que le pays dispose de
ressources naturelles variées, et
n’éprouve pas pour cette raison le
besoin de competir avec des puissances
comme l’Inde, la Chine ou l’Europe.
Cette lecture devrait être revue à mon
avis par la Russie dans la mesure où les
enjeux du 21ème siècle ne sont pas
seulement économiques mais aussi
culturels, géopolitiques et
géostratégiques.
LVdlR : Que
faudrait-il faire selon vous pour
l’accélération de la mise en place d’une
collaboration russo-africaine
privilégiée ? Quelle stratégie devrait
adopter la Russie par rapport à
l’Afrique ?
Magaye Gaye : Je
pense que la Russie gagnerait à réaliser
que nous sommes dans un monde globalisé
avec une interdépendance économique
réelle. La Russie, à l’instar de la
Chine, de l’Inde, du Brésil ou de
l’Union Européenne, devrait être plus
visible sur le continent, à un niveau
politique et stratégique très élevé. Le
continent africain recherche des
partenaires fiables, soucieux de son
développement à long terme et disposés à
coopérer dans le cadre d’une coopération
gagnant gagnant.
Les opérateurs
économiques russes devraient aussi
multiplier les missions de prospection
s’ils veulent accroître leur part de
marché en Afrique. A cet effet, ils
pourraient gagner en temps et en
efficacité en passant par des structures
bien implantées et connaissant
parfaitement le marché comme notre
cabinet. L’autre axe pourrait consister
à augmenter son volume d’investissements
qui est encore dérisoire notamment en
direction de l’Afrique subsaharienne. En
ce qui concerne les enjeux relatifs au
maintien de la paix, les actions de la
Russie devraient être renforcées et
faire l’objet d’une meilleure
communication.
Enfin, la Russie
devrait travailler à l’amélioration des
dessertes aériennes et maritimes avec le
continent africain et renforcer ses
canaux diplomatiques et culturels par
l’ouverture d’ambassades et de centre
culturels complémentaires.
LVdlR :
Dernièrement, on a assisté à un incident
peu agréable, lorsque un navire de pêche
russe a été arrêté au large du Sénégal
en raison d’une supposée pêche illégale.
Que pensez-vous de cette situation ?
Ledit bateau était-il véritablement en
violation selon vous ou y a-t-il eu un
travail fait par des acteurs externes
qui apprécient peu le retour de la
Russie en Afrique, bien qu’encore assez
timide ?
Magaye Gaye : Sur
cette question, les autorités
sénégalaises ont déjà beaucoup
communiqué. L’opinion que j’exprime
n’engage que moi. Il convient de
rappeler que le bateau de pêche Oleg
Naydenov a été arraisonné le 4
janvier 2014 à 46 milles nautiques (85
km) du littoral de la Guinée-Bissau par
les militaires sénégalais qui l'ont
escorté jusqu'au port de Dakar. Ce
navire a été pris en flagrant délit de
pêche illicite dans les eaux contrôlées
par le Sénégal. La question est de
savoir si le gouvernement sénégalais a
agi selon la légalité internationale. Ma
réponse est oui. En effet, selon les
dispositions du droit international,
notamment celles de la Convention des
Nations Unies sur le droit de la Mer qui
est encore appelée Convention de Montego
Bay, sauf dans les cas où l'intervention
procède de pouvoirs conférés par traité,
un navire de guerre qui croise en haute
mer un navire étranger, autre qu'un
navire jouissant de l'immunité prévue
aux articles 95 et 96, ne peut
l'arraisonner que s'il a de sérieuses
raisons de soupçonner que ce navire se
livre à la piraterie. Ce que le
gouvernement sénégalais a fait, en toute
légalité sur la base d’informations
fondées résultant de prises de vues et
de cartes prouvant que le navire était
bien dans les eaux sénégalaises. Il est
à rappeler que selon certaines sources,
ce bateau n’en est pas à sa première
opération illégale du genre.
J’ai
personnellement déjà écrit par le passé
des communications sur la nécessité de
protéger nos intérêts économiques,
notamment nos ressources halieutiques
contre toute forme de piraterie. Dès
lors, j’interprète l’action du
gouvernement du Sénégal sur ce dossier
comme un acte de bonne gouvernance d’un
pays souverain qui vise à protéger ses
ressources halieutiques. Je demeure
persuadé que la Russie, qui durant toute
son histoire, a défendu les intérêts des
pays en développement ne peut soutenir
des comportements allant dans le sens
d’un appauvrissement d’un pays
partenaire.
Je me félicite de
noter qu’à la faveur des négociations
menées, le navire russe Oleg Naydenov
a été libéré suite au paiement d'une
amende de 400 millions de francs CFA
(environ 610 000 euro).
Il convient de
noter que ce genre d’incidents est
parfois constaté dans les relations
entre Etats. Ce sont des affaires
ordinaires qui ne peuvent en aucune
manière déteindre, à mon avis, sur les
relations solides de coopération
existantes entre la Russie et le
Sénégal.
LVdlR : M. Magaye Gaye, merci
pour cet entretien. Je pense que nous
aurons l’occasion de rediscuter encore
dans le futur sur les perspectives du
partenariat russo-sénégalais. Bonne
continuation à vous !
Magaye Gaye : Merci
!
© 2005—2014 La
Voix de la Russie
Publié le 1er février 2014 avec l'aimable
autorisation de l'auteur
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