La Voix de la
Russie - Entretien
Magaye Gaye : « Afrique, abandonner les
solutions occidentales et repenser le
développement autrement » (Partie 1)
Mikhaïl Gamandiy-Egorov
Crédit
photo : La Voix de la Russie
Jeudi 30 janvier 2014
Aujourd’hui, nous avons le plaisir de
nous entretenir avec M. Magaye Gaye,
directeur général du Cabinet de
recherche de financement GMCCONSEILS,
basé à Dakar, la capitale sénégalaise.
Titulaire d’un DESS en économie
appliquée à la Gestion de l’Université
de Rennes 1 en France, il a exercé
pendant une quinzaine d’années dans les
organisations sous-régionales africaines
de financement du développement. Le
Cabinet GMCCONSEILS rédige mensuellement
des articles très engagés sur le
développement de l’Afrique.
La Voix de la
Russie : Monsieur Gaye, bonjour
! Merci d’être avec nous aujourd’hui.
Pourriez-vous vous présenter plus en
détail et parler plus amplement de vos
activités ?
Magaye Gaye : Bonjour.
Permettez- moi tout d’abord d’exprimer à
La Voix de la Russie ma
profonde gratitude pour avoir bien voulu
me convier à cette interview.
Effectivement, la présentation que vous
avez faite en préambule sur nous, résume
bien notre parcours académique et
professionnel. Je voudrais juste ajouter
que j’ai eu l’avantage au cours de ma
carrière internationale de visiter de
très nombreux pays dans le monde.
Cependant, hélas, je n’ai pas eu
l’occasion de venir dans votre beau pays
la Russie. Je suis un panafricaniste
convaincu et je milite à cet effet pour
un renouveau du continent africain. Dans
cette perspective, fort du constat que
l’Afrique a raté ses 50 premières années
post indépendances, je suis entrain de
finaliser un ouvrage qui va sortir au
mois de mars prochain intitulé
Afrique, abandonner les solutions
occidentales et repenser le
développement autrement. Cette
publication prépare un vaste mouvement
fédérateur des cadres africains et non
africains que notre cabinet est entrain
de lancer. L’initiative vise à
rassembler les meilleures compétences
aptes à proposer des alternatives
crédibles à la pensée dominante qui n’a
pas donné les résultats escomptés depuis
plus d’une cinquantaine d’années.
Sur un autre plan, je suis
titulaire de deux distinctions
honorifiques : la médaille de la
reconnaissance centrafricaine et la
carte compétence et talents délivrée par
les autorités françaises, pour me
permettre entre autres d’appuyer les
universités françaises. Mon parcours
professionnel m’a conduit en 2010 à
créer un cabinet spécialisé dans la
recherche de financement et l’appui aux
entreprises africaines. Comme vous le
savez, notre continent est dans une
bonne dynamique de croissance.
Cependant, nos entreprises peinent à
trouver les ressources nécessaires à
leur développement. Au niveau des
bailleurs de fonds et des investisseurs
internationaux, une faible connaissance
des opportunités existantes empêchent de
prendre des risques sur le continent. Le
Cabinet GMCCONSEILS entend jouer un rôle
d’intermédiation et de lobbying afin
d’accompagner les investisseurs
internationaux qui veulent percer le
marché africain et faciliter la
mobilisation de financements d’envergure
sur le continent. A ce jour, de grosses
entreprises internationales et fonds
d’investissement nous font confiance.
Nous espérons que les entreprises et
investisseurs russes vont à court terme
saisir cette opportunité.
LVdlR :
Vous faites partie de cette élite
sénégalaise et plus généralement
africaine, très orientée sur votre
continent. Quelle est votre vision de
l’Afrique actuelle ?
Magaye Gaye : Effectivement,
en tant que panafricain, je milite en
faveur d’une Afrique décomplexée,
responsable et respectueuse des
symboles. Je ne trouve toujours pas
normal que des questions stratégiques de
sécurité concernant notre continent se
règlent à Paris et non à Addis Abeba, la
capitale abritant le siège de l’Union
africaine. Je ne comprendrai jamais
assez aussi pourquoi près d’une
cinquantaine de chefs d’Etat et de
gouvernement francophones, anglophones,
lusophones et arabophones de notre
continent acceptent au plan symbolique
un forum France-Afrique réunissant la
France, un pays de 66 millions
d’habitants, à un continent de plus de
700 millions d’âmes ? Je nourris
l’ambition de voir mon continent prendre
en charge sa propre destinée, accorder
plus d’importance aux symboles. Le
problème actuel de l’Afrique est la
qualité insuffisante de son leadership.
Figurez-vous que plus de 50 ans après
les indépendances, notre continent
n’arrive toujours pas à décoller. Le
Japon et l’Allemagne, fortement détruits
après la seconde guerre mondiale, ont
réussi à se redresser moins d’une
dizaine d’années plus tard, devenant
même respectivement la deuxième et la
troisième économie au monde. Le cas de
la Corée du Sud est tout aussi édifiant.
En 1960, certains pays africains avaient
quasiment le même niveau de
développement économique que ce pays.
Cinquante ans plus tard, ces pays
africains font toujours partie des pays
les moins avancés alors que la Corée du
Sud a assuré son décollage économique :
quinzième puissance économique mondiale
en 2010.
LVdlR :
L’Afrique est un continent qui
offre d’énormes opportunités et le
Sénégal ne fait pas exception, notamment
grâce à de nombreux domaines forts
intéressants. Quelles sont selon vous
les perspectives pour le Sénégal et le
continent africain dans les cinq-dix
prochaines années ? Quelles sont les
axes prioritaires ?
Magaye Gaye : L’Afrique
est un continent très riche à tous les
niveaux. Son potentiel économique est
extraordinaire : réserves d’or, de
diamant, de pétrole, d’uranium de
cobalte etc… Au plan agricole, de
nombreuses réserves foncières
inexploitées existent. Tout ceci pour
dire que les perspectives pourraient
être bonnes à la faveur de la mise en
œuvre de politiques publiques
vertueuses. Les besoins de financement
du continent africain sont immenses.
Pour le seul secteur des
infrastructures, la Banque Africaine de
Développement les estime à 390 milliards
de dollars. Compte tenu des nombreuses
réalisations à opérer sur le continent,
dans quasiment tous les secteurs
économiques (agriculture, élevage,
pêche, industrie, télécommunications,
énergie, transport, éducation et
formation, etc….), on peut sans risque
de se tromper affirmer, en l’absence de
statistiques fiables agrégeant
l’ensemble des besoins du continent, que
la demande de financement est très
forte.
Le taux de croissance
attendu au niveau continental (5,3 % en
2014 ) ressort intéressant, même s’il
est en dessous du taux de 7 % estimé
nécessaire pour éradiquer la pauvreté.
S’agissant du cas du Sénégal, que je
connais mieux, des efforts importants
tendant à l’assainissement des finances
publiques et à la lutte contre la
corruption sont menés avec courage par
le gouvernement du Président Macky Sall.
Le Sénégal ambitionne d’être un pays
émergent dans un avenir proche. Dans
cette perspective, il vient de se doter
d’un plan stratégique ambitieux dénommé
« plan Sénégal émergent » qui vise à
porter le taux de croissance à au moins
7 % et le maintenir à ce niveau sur une
période de 10 ans. Ce plan comporte un
portefeuille de 28 projets. Ses axes
prioritaires sont entre autres
l’agriculture, l’agroalimentaire,
l’habitat, les mines, les chemins de fer
et le tourisme. Le Sénégal est un pays
africain stable qui n’a jamais connu de
coup d’Etat depuis les indépendances. La
solidité de ses institutions, sa
position géographique et la qualité de
ses ressources humaines constituent de
gros atouts qui en font un pays respecté
par la Communauté internationale. N
M. Magaye Gaye. Interventions militaires
françaises en Afrique : les dessous
d’une nouvelle politique.
Suite dans la
seconde partie de l’entretien
© 2005—2014 La
Voix de la Russie
Publié le 30 janvier 2014 avec l'aimable
autorisation de l'auteur
Le sommaire de Mikhaïl Gamandiy-Egorov
Le sommaire de La Voix de la Russie
Le dossier Afrique noire
Les dernières mises à jour
|