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Conversation avec Mariela Castro Espin (2/4)

« Le PC cubain était à l'image de la société cubaine,
c'est-à-dire machiste et homophobe »
Salim Lamrani

Dimanche 3 février 2013

Opera Mundi
http://operamundi.uol.com.br/...

Le « Quinquennat Gris »

            SL : Evoquons à présent la période obscure du « Quinquennat Gris », entre 1971 et 1976, où, là encore, des intellectuels renommés ont été marginalisés, ostracisés et mis au banc de la société en raison de leur homosexualité.

            MCE : L’ostracisme dont ont été victimes les homosexuels durant le « Quinquennat Gris » a été bien pire que ce qu’ils avaient dû subir au sein des UMAP. Cette étape sombre a eu un impact terrible sur la vie personnelle et professionnelle des homosexuels. Lors du Congrès national « Education et Culture » en 1971, des paramètres exclusifs ont été établis contre ceux qui présentaient une orientation sexuelle distincte de ce qui était considérée comme la norme. Ainsi, ils ne pouvaient ni travailler dans le monde de l’éducation, c’est-à-dire devenir enseignant ou professeur, ni dans l’univers de la culture. On considérait, de manière très arbitraire, qu’ils seraient de mauvais exemples pour les enfants et les élèves et qu’il fallait donc les éloigner de la jeunesse. Alors bien sûr, ils ne restaient pas sans travail, mais ils ne pouvaient pas intégrer ces deux domaines et étaient par conséquent discriminés.

            Ce fut une expérience très difficile pour eux. Imaginez le cas d’une personne homosexuelle qui souhaitait devenir enseignant par vocation. Elle se voyait interdire l’accès à ce monde en raison du sectarisme, de l’intolérance de certains dirigeants et bureaucrates. Interdire à un étudiant de devenir médecin ou autre en raison de son orientation sexuelle est inacceptable pour toute personne qui croit aux valeurs de liberté et de justice. Cela a perduré pendant des années, même si les homosexuels trouvaient un emploi dans un autre secteur. On les renvoyait systématiquement à leur condition de minorité sexuelle. Certains ont vécu cette situation mieux que d’autres mais beaucoup ont souffert d’ostracisme et de discrimination.

            SL : Jusqu’à quelle date cette politique discriminatoire a-t-elle perdurée ?

            MCE : Elle a duré jusqu’en 1976, date à laquelle fut créé le Ministère de la Culture. La résolution approuvée en 1971 écartant les homosexuels des mondes de l’éducation et de la culture a été déclarée inconstitutionnelle en 1976, dès l’adoption de la nouvelle Constitution, cette année là. Elle a donc été éliminée et une autre politique a été adoptée au niveau éducationnel et culturel.

            SL : Quel a été la position du Parti Communiste cubain vis-à-vis de la diversité sexuelle ?

            MCE : Le PC cubain était à l’image de la société cubaine, c’est-à-dire machiste et homophobe. Un homosexuel ne pouvait pas devenir militant du Parti. Dès que l’un d’entre eux était découvert, il en était immédiatement exclu. Il y a même eu un moment où les hommes mariés à des femmes adultères étaient exclus !

            SL : Pardon ?

            MCE : Oui, ce fut le cas à un moment donné. Vous imaginez la situation terrible pour la personne en question qui non seulement découvre que sa femme le trompe mais que de surcroit se retrouve qu’il est exclu du Parti précisément pour ce motif, alors qu’il est victime de la situation. Pour rester membre du Parti, il devait montrer son caractère viril en se séparant de sa femme. Sinon, s’il choisissait de rester avec son épouse, il était exclu du Parti.

            SL : Cela s’appliquait-il aux femmes victimes des infidélités de leur mari ?

            MCE : Non, bien entendu, car nous vivions dans une société machiste où les écarts des hommes étaient considérés comme normaux. La bonne épouse devait supporter les infidélités du mari. En revanche, un bon mari ne pouvait pas accepter une telle réciprocité. L’homme retrouvait sa dignité en quittant sa femme infidèle. En revanche, s’il adoptait le comportement qui était considéré comme normal pour la femme – c’est-à-dire pardonner l’infidélité ponctuelle – il perdait toute considération. Tels étaient les critères de l’époque. C’était complètement absurde !

            SL : Jusqu’à quand a duré une telle « politique » ?

            MCE : Cette politique a été supprimée à la fin des années 1970, car elle était vraiment injuste. Je me souviens être entrée à l’Université en 1979, à l’Institut pédagogique plus exactement, et avoir entendu parler de cela par l’un de mes professeurs, victime de cette situation. On venait de l’exclure du Parti car sa femme le trompait.
            J’étais déjà en responsabilité à l’époque en tant que Présidente de la Fédération estudiantine universitaire (FEU). J’étais donc impliquée dans la lutte pour l’égalité et contre les injustices. C’est à cette période qu’avait eu lieu la dernière chasse aux sorcières contre les homosexuels à l’Université. On avait appelé cela « Approfondissement de la conscience révolutionnaire », ou quelque chose de similaire, c’est-à-dire d’aussi ridicule. Des réunions interminables et inutiles étaient constamment organisées pour analyser le caractère exemplaire des militants des Jeunesses Communistes (UJC). Quelle perte de temps ! J’avais 18 ans à l’époque. Si l’on écoutait de la musique américaine, on subissait des remontrances. Si l’on portait un tee-shirt avec le drapeau américain, il en était de même. Vous ne pouvez pas vous imaginer les sommets de l’absurde qui étaient atteints lors de ces réunions.

            SL : Comment aviez-vous réagi ?

            MCE : Evidemment, je m’y opposais, mais j’étais immédiatement taxée de faible par les extrémistes de l’UJC, qui ne concevaient pas le « pardon » comme étant constructif. Comme s’il fallait être absous pour avoir écouté les Beatles ! Je ne pouvais pas m’y opposer de manière plus virulente car je risquais d’être exclue de l’UJC par ces mêmes sectaires. Imaginez donc le sort réservé aux homosexuels.
            Je devais donc être observatrice et évaluer ma marge de manœuvre. Tous les cas disciplinaires passaient devant le Comité de l’UJC dont j’étais membre. Il y eut plusieurs cas d’homosexuels et de lesbiennes que l’on voulait expulser de l’UJC en raison de leur orientation sexuelle. Lors d’une réunion de ce même Comité, à la fin de l’année 1979, je me souviens m’y être farouchement opposée. Je ne pouvais pas supporter de telles injustices. J’ai donc levé la main et ce fut l’une des rares fois où j’ai utilisé la figure de mon père, Commandant de la Révolution, Ministre des Forces armées, frère de Fidel Castro, leader de la Révolution, pour dire un mensonge de surcroît !

            SL : Qu’aviez-vous dit ?

            MCE : Je me souviens avoir dit la chose suivante : « Une grave erreur était en train de se commettre. J’ai demandé à mon père si cela était juste et il m’a répondu que non, qu’il y avait un problème de mauvaise interprétation, qu’on ne pouvait pas exclure une personne de la UJC en raison de son orientation sexuelle et qu’il fallait les laisser en paix ». J’avais également ajouté : « De plus, durant la lutte contre la dictature de Fulgencio Batista, dans la Sierra Maestra, il y avait des homosexuels parmi les rebelles du Mouvement 26 Juillet ». En réalité je n’en savais absolument rien. J’avais même osé affirmer avec beaucoup d’aplomb ceci : « Il y a actuellement des homosexuels au sein de la direction de la Révolution ». Là aussi, je n’en avais aucune idée.

            SL : Et tout cela était un mensonge car votre père ne vous avait jamais dit cela, n’est-ce-pas ?

            MCE : Mon père n’avait jamais tenu de tels propos. Je les avais inventés.

            SL : Comment ont réagi les autres membres du Comité ?

            MCE : Personne n’avait osé s’opposer à ce que l’on pensait être une volonté de mon père. Ainsi, le seul endroit où les homosexuels ont pu échappés aux mesures discriminatoires fut l’Institut pédagogique.

            SL : Avez-vous raconté cette histoire à votre père ?

            MCE : Je l’ai fait le soir même. En rentrant à la maison, j’ai tout expliqué à mon père et à ma mère, Vilma Espín, qui était à l’époque Présidente de la Fédération des femmes cubaines. Je m’attendais à recevoir une sévère remontrance de la part de mon père non seulement pour avoir utilisé son nom et sa position, mais également pour avoir menti.

            SL : Que vous a-t-il dit ?

            MCE : Figurez-vous que mon père m’a félicité et m’a dit que j’avais bien fait de m’opposer à ce qu’il considérait lui aussi comme était une chose arbitraire et injuste. Je me souviens qu’il a dit quelque chose comme : « C’est n’importe quoi ! ».
            Je dois avouer que j’étais resté pantoise car je pensais réellement que j’allais passer un sale quart d’heure. Mais ce ne fut pas le cas, bien au contraire, car il m’a félicitée.

            SL : Vous aviez donc réussi à imposer votre point de vue au sein du Comité disciplinaire de l’UJC.

            MCE : Oui, mais ce ne fut pas sans mal, car j’ai dû utiliser la figure de mon père. Le dirigeant de l’UJC au sein de cet institut était un homophobe récalcitrant. C’était le plus virulent de tous les membres du comité. Il voulait sanctionner tout le monde. Je tentais de lui expliquer que l’idéologie n’avait rien à voir avec la sexualité, mais il ne voulait rien entendre.
            Plus tard, j’ai découvert qu’il était bisexuel, qu’il avait eu une aventure avec une personne qui avait ensuite émigré au Canada. C’était un homosexuel refoulé. A cette même époque survint l’exode de Mariel et un bon nombre de ces personnes extrémistes, qui demandaient des sanctions exemplaires contre les homosexuels et les lesbiennes, qui prétendaient être plus révolutionnaires que les révolutionnaires, qui croyaient être l’anti-impérialisme personnifié, ont quitté le pays à cette occasion, à destination des Etats-Unis. Lénine avait raison lorsqu’il affirmait que derrière chaque extrémiste se trouvait un opportuniste. Les homosexuels et les lesbiennes, que ce dirigeant voulait sanctionner car il les considérait comme étant des contre-révolutionnaires, quant à eux, sont restés à Cuba, malgré les difficultés et le sectarisme à leur égard. Les dogmatiques et les sectaires  furent les premiers à quitter le navire dès que la possibilité se présenta. Voyez un peu la contradiction.

            SL : Il semble que vous ayez beaucoup été marquée par la discrimination vis-à-vis des homosexuels.

            MCE : J’ai été plus que marquée. J’ai été outrée et choquée. J’étudiais la philosophie marxiste à l’époque, laquelle m’avait permis de prendre du recul sur ces questions. J’ai commencé à m’intéresser aux thèmes de la sexualité, avant d’intégrer le Centre National d’Education Sexuelle, le CENESEX. 

A suivre :

-« Un pays comme Cuba, une nation socialiste, doit défendre l’égalité des droits pour tous ». (3/4)

-« La lutte pour l’égalité et contre toutes les injustices est un devoir universel qui doit concerner l’ensemble des citoyens » (4/4)

 

Docteur ès Etudes Ibériques et Latino-américaines de l’Université Paris Sorbonne-Paris IV, Salim Lamrani est Maître de conférences à l’Université de la Réunion, et journaliste, spécialiste des relations entre Cuba et les Etats-Unis.

Son dernier ouvrage s’intitule État de siège. Les sanctions économiques des Etats-Unis contre Cuba, Paris, Éditions Estrella, 2011 (prologue de Wayne S. Smith et préface de Paul Estrade).

Contact : lamranisalim@yahoo.fr ; Salim.Lamrani@univ-reunion.fr

Page Facebook : https://www.facebook.com/SalimLamraniOfficiel

 

 

   

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Source : Salim Lamrani

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