L’empire américain
s’affaiblit. Ce constat que les maîtres de l’empire rejettent,
le peuple américain l’appréhende.
Un sondage d’opinion d’août 2010 a mis en évidence que 65% des
Américains pensaient que leur pays était désormais « en état de
déclin » (3). Il est
malheureusement exclu que l’empire s’effondre de lui-même, tout
doucement, sous le poids de ses dettes et de ses contradictions
internes. L’empire ottoman a été démembré après sa défaite au
cours de la Grande guerre. Le IIIe Reich allemand a été écrasé
après avoir mis l’Europe à feu et à sang. L’Empire britannique a
connu son dernier sursaut suite à sa mise en échec en Inde et
devant le Canal de Suez. L’empire français a saccagé l’Indochine
et l’Algérie avant de déclarer forfait.
L’empire américain
s’accroche, s’arme et résiste à sa mise au rancart. C’est de la
bête blessée dont il faut se méfier le plus (*).
2.1 La stratégie américaine
Les partenaires
commerciaux des États-Unis se sont fait flouer par le dollar. La
spéculation sur les marchés monétaires internationaux, la
gestion frauduleuse de valeurs boursières fumeuses (dont on
verra la mécanique dans le chapitre sur les produits dérivés),
le surendettement des divers paliers de gouvernement fédéral,
états et municipalités – le déficit budgétaire fédéral devrait
être de 1 580 milliards en 2010 – a entraîné la dévaluation du
dollar et donc la dépréciation des immenses réserves de tous
les pays créditeurs des États-Unis, notamment la Chine.
En décembre 2010,
la Réserve fédérale américaine
(Fed) a annoncé un deuxième cycle d’assouplissement quantitatif
(« quantitative easing ») – l’impression de mille
milliards de dollars américains – une démarche agressive et
unilatérale, largement perçue par les rivaux économiques des
États-Unis comme un acte d'hostilité.
Cette dévaluation de fait
du dollar a pénalisé tous
les détenteurs de devises américaines (notamment tous les pays
producteurs de pétrole qui effectuent leurs transactions
en dollars).
Les pays concurrents des États-Unis
cherchent à
défendre leurs industries d’exportation en intervenant pour
bloquer l’augmentation de leur taux de change et contenir les
investissements spéculatifs qui font monter leur monnaie en
provoquant une surchauffe de leur économie (4). En effet,
quand une monnaie comme le dollar se dévalue, les investisseurs
convertissent leurs avoirs en monnaies fortes, plus rentables et
plus sécuritaires. Ainsi, le Brésil a dû faire face à un afflux
de capitaux qui a poussé le gouvernement à en taxer l’entrée
pour éviter une flambée du real, sans grand succès
d’ailleurs. Malgré des taux d’intérêt proches de zéro, le Japon
voit sa monnaie monter en flèche, bien qu’il ait dépensé 24
milliards de dollars, au cours du mois de septembre 2010, afin
de tenter de maintenir la valeur du dollar et d’arrêter
la montée du yen.
Selon les statistiques officielles, les
banques centrales de Corée du Sud, Malaisie, Indonésie,
Thaïlande et Taiwan ont racheté près de 30 milliards de dollars
en moins d’un mois (entre le 27 septembre et le 11 octobre
2010), afin de soutenir la devise américaine et éviter ainsi la
dépréciation de leurs réserves en dollars et une montée de leurs
propres monnaies.
En effet, la
réévaluation de leur monnaie entraîne par
voie de conséquence une hausse des prix des produits
exportés, et tous ces pays sont essentiellement tournés vers
les marchés étrangers (5). Ce n’est pas tant la
concurrence des manufacturiers américains ou européens qui les
inquiète que celle de la Chine qui, à son tour, manipule les
taux de change de sa monnaie pour la maintenir à un bas niveau
et se protéger de ses
concurrents.
2.2
Paradis fiscaux et produits dérivés
Les
capitalistes modernes, maîtres d’une
économie qu’on pourrait penser dématérialisée,
sont ainsi
emprisonnés dans une spirale
de crises économiques à répétition n’offrant aucune solution,
d’autant plus que la
moitié des flux financiers internationaux sont invisibles,
non taxables, non imposables, non contrôlables. Ils transitent
via des paradis fiscaux (Bermudes, Caïmans, Barbade, Seychelles,
Monaco, Macao, etc.). Ce
stratagème permet à ces capitalistes financiers de se soustraire
aux taxes, aux impôts et aux autres redevances fiscales de leur
pays respectif. On comprend maintenant pourquoi chacun
d’entre nous doit payer plus de taxes et d’impôts
à la place de tous
ceux-là qui n’en payent pas.
Ces derniers
bénéficient de surcroît d’un « congé » législatif et juridique.
En
effet, à partir de ces paradis, tout leur est permis, y compris
de blanchir l’argent sale et de le mêler aux capitaux licites
dérobés au fisc et aux
appareils juridiques. Cette
situation provoque des contradictions au sein du camp
“capitaliste” : ceux qui se
soumettent aux règles fiscales et judiciaires acceptent mal la
concurrence déloyale de ceux qui s’y soustraient dans ces États
de complaisance.
Il faut savoir
qu’une grande part de ces flux financiers concernent des
produits dérivés constitués de CDS (Credit Default Swap),
des dettes (créances), souvent non solvables, que des assureurs
obligataires garantissent et transforment en titres financiers
selon le principe d’une pyramide de Ponzi
(**). En
effet, des dettes, souvent non solvables, deviennent ainsi du
crédit, de l’argent fantôme! Ces produits financiers dérivés
totalisaient 690 000 milliards de dollars au début de l’année
2008 et 444 000 milliards de dollars en 2009. Cette diminution a
reflété le retrait de nombreuses banques européennes et
asiatiques qui entendent se
dégager peu à peu de ces produits spéculatifs sulfureux; alors
que les banques américaines, dont quatre des plus grandes (JP
Morgan, Bank of America, Citibank et Goldman Sachs), continuent
à spéculer sur cette monnaie virtuelle, engrangeant 211 850
milliards de dollars de ces actifs de « Monopoly », soit presque
3,7 fois le PIB (Produit intérieur brut) de tous les pays de la
planète (6).
Force est de
constater que le rôle du dollar comme monnaie de réserve pour
les échanges internationaux tire à sa fin. À telle enseigne que
récemment la Chine et la Russie se sont mises d’accord
pour utiliser leur monnaie respective au lieu du dollar dans
leurs transactions commerciales bilatérales. Auparavant la Chine
avait conclu le même accord avec le Brésil. Dès que les pays de
l’OPEP cesseront d’utiliser le dollar pour le commerce du
pétrole, c’en sera fini de l’hégémonie du dollar (7).
Retenons bien cette observation, car elle nous permettra de
mieux comprendre la politique américaine vis-à-vis de l’Iran.
Tous ces pays
tentent d’échapper au carcan du dollar. En effet ils se font
escroquer deux fois par les Américains : en dévaluant son dollar
d’une part, le gouvernement étatsunien déprécie les réserves de
dollars de ses concurrents, devise qu’il leur a pourtant imposée
lors des accords de Bretton Woods (8);
d’autre part, il
déprécie également la valeur des obligations gouvernementales
qu’il leur a vendues. La Chine et le Japon détiennent de très
importantes réserves de « débentures » américaines
libellées en dollars. Il en est de même pour les pays
exportateurs de pétrole dont l’Iran.
À la mi-2009, les banques
centrales des pays créditeurs des
É-U détenaient
un montant astronomique de 4.000 milliards de dollars en bons du
Trésor américain. Le Président russe Dimitri Medvedev a alors
insisté sur le fait qu’il était temps de mettre fin au système
unipolaire artificiellement maintenu et basé sur «
une devise de réserve
qui avait été forte dans le passé » (9).
C’est cette
gabegie que le président du Fonds monétaire international
appelle «
La
guerre des monnaies
». Suite à la grande
dépression des années trente, les pays impérialistes s’étaient
lancés dans une telle guerre des monnaies qui a abouti à la
Deuxième guerre mondiale. Nous prépare-t-on
une Troisième guerre mondiale ?
2.3 La crise financière et monétaire
Comment et pourquoi
cette « guerre des
monnaies »? Pour comprendre, examinons la crise de l’euro.
Depuis un an l’Union européenne est ébranlée par la crise de sa
monnaie. La guerre de l’euro a débuté par l’attaque concertée
des agences de notation américaines Standard & Poor’s, Moody’s
et Fitch Ratings
contre notamment la Grèce,
l’Irlande et le Portugal; l’Espagne devrait suivre incessamment.
L’abaissement des
cotes de crédit de ces pays par ces agences
étasuniennes
les a relégués dans la catégorie des investissements
spéculatifs, ce qui a augmenté considérablement le coût de leurs
emprunts sur les marchés obligataires. Comme ces pays sont déjà
lourdement endettés,
une hausse de trois ou de quatre points du coût de leurs
emprunts a fait bondir
leur
service de la dette déjà surchargé et a réduit considérablement
les sommes disponibles pour les services de santé, d’éducation
et le reste, d’où les mesures d’austérité qui leur sont imposées
par l’Union européenne et par le FMI.
Cette attaque des
agences de notation a été appuyée, selon le professeur Paye, par
l’appareil d’État américain qui a relayé les déclarations
alarmistes du conseiller économique du président Obama, Paul
Volcker,
lequel
a suggéré une future désintégration de la zone
euro.
Pourtant, les États-Unis sont,
toute chose étant égale par
ailleurs, aussi endettés que ces pays mis au pilori par les
banquiers.
Cette offensive
contre l’euro visait à ramener aux États-Unis les capitaux
étrangers qui avaient commencé à fuir l’ombrelle du dollar pour
se réfugier sous le parapluie de l’euro.
Ces capitaux étrangers sont nécessaires à la couverture du
déficit de la balance
financière
(entrée
moins sortie des argents et des valeurs des États-Unis
– 398 milliards de dollars en
2009), déficit qui s’ajoute au colossal
déficit de la balance
commerciale (achat moins vente de marchandises et de
services – 990 milliards en 2009) lequel s’ajoute à une partie
du déficit budgétaire
des gouvernements
américains (– 1 409 milliards de dollars en 2009 pour l’État
fédéral seulement) (10).
L’objectif américain pour l’ensemble de
cette opération de déstabilisation de l’euro est de créer les
conditions pour une intégration du marché commun européen (UE)
au marché commun nord américain (ALENA) en un très vaste
bloc transatlantique,
d’ailleurs prévu, après un vote du Parlement européen, à
l’horizon 2015.
Les États-Unis
envisagent-ils
le retrait de l’euro et son remplacement par le dollar
pour l’ensemble de la
zone transatlantique?
La
chose est possible. Il
s’agirait alors de renflouer le dollar ou la « nouvelle
monnaie commune » pour
la maintenir en tant que
devise de réserve internationale. Pour ma part je crois plutôt
que la tactique américaine est d’attacher solidement l’économie
nord américaine à l’économie européenne, sans toutefois se
défaire de l’euro, de façon qu’une attaque contre le
dollar déclenche une réaction américano-européenne sur tous les
marchés. Cette option est préférable pour
les banquiers américains qui ne souhaitent pas partager la
gestion de leur monnaie avec Bruxelles.
L’économiste Jean-Claude Paye
décrit ainsi le but de l’opération de sauvetage de l’euro
: « L’enjeu fondamental, en mettant la pression sur la monnaie
commune, est de faire payer la crise aux salariés et ainsi
d’effectuer un gigantesque transfert de revenus des
ménages vers les entreprises, principalement les institutions
financières. (…) La politique budgétaire de diminution accélérée
des déficits des États causée par leurs déboursés en faveur des
banques et des entreprises, va se faire au détriment du pouvoir
d’achat des populations européennes et ne peut se faire sans une
récession économique». (11).
2.4 Le transfert
L’idée du transfert est
de rejeter le coût de la crise sur
le dos de la population en réduisant les dépenses des ménages et
les dépenses gouvernementales affectées à la reproduction de
la force de travail (école, soins de santé, médicaments,
services sociaux, services municipaux, loisirs et culture) Les
sommes ainsi « économisées » seront versées via le service de la
dette et les subventions directes au grand capital spéculatif,
aux entreprises, et surtout aux banquiers, comme l’a souligné
Marc Fiorentino (12).
C’est ce phénomène que l’économiste Paye appelle le transfert
d’immenses sommes d’argent des ménages vers les entreprises (13).
Mais cette pseudo solution ne sera pas viable à moyen
terme et ses limites sont déjà perceptibles. Les mouvements
sociaux qui s’annoncent, et dont la population grecque nous a
donné un avant goût en décembre dernier, sont les signes
précurseurs de l’irréalisme d’une telle politique.
Explicitons
maintenant la mécanique de ce
transfert. Le prix
d’une marchandise correspond à la somme des facteurs de
production auxquels s’ajoute la plus-value produite par les
travailleurs et source unique de profit. Une façon de contrer la
baisse des taux de profit est de réduire les coûts du facteur de
production appelé main-d’œuvre, en d’autres termes de réduire
le coût de reproduction de la force de travail. C’est la
raison pour laquelle on observe un parfait consensus chez les
capitalistes internationaux pour inciter leurs gouvernements à
réduire les dépenses en éducation, en santé, en services
sociaux, en culture et en loisir et à attaquer les régimes de
retraite des
travailleurs
(qui est en fait une attaque contre les salaires) ces
fonds que les travailleurs ont mis de côté pour assurer leurs
vieux jours. Les coupures dans les régimes de retraite et
l’augmentation du nombre d’années de travail requis pour obtenir
une pension complète visent à maintenir ces ouvriers sur le
marché du travail afin d’accroître la concurrence entre les
travailleurs et ainsi réduire la pression à la hausse sur les
salaires que crée la pénurie de main-d’œuvre. Les mesures de
gestion des flux d’immigration – émigration complètent cette
stratégie afin de s’assurer que le coût de la force de travail
(salaires et bénéfices marginaux) et le coût de reproduction de
la force de travail (éducation, santé bien-être et loisir)
soient réduits à leur minimum.
Phénomène étonnant, les taux de chômages
élevés pourraient laisser penser que la main-d’œuvre est en
surabondance alors qu’en réalité la main-d’œuvre qualifiée est
une denrée rare et donc coûteuse. Le système capitaliste n’a
jamais su planifier adéquatement le développement de la
main-d’œuvre parce qu’il est impossible dans ce système
anarchique de développement économique d’anticiper quels
secteurs économiques seront les plus profitables pour le
grand capital dans les années à venir. L’armée de réserve des
travailleurs est donc sans cesse transférée d’un secteur
industriel et commercial à un autre.
Comme un
malheur ne survient jamais seul, ces compressions relatives
des salaires et des bénéfices marginaux – en définitive des
dépenses des ménages et des déboursés gouvernementaux en biens
et en services – entraînent une contraction de la demande
intérieure à laquelle le capital n’a pas d’autre moyen de
répondre que de tenter d’accroître ses parts de marchés
extérieurs. Afin d’être concurrentiels sur ces marchés
extérieurs, les capitalistes doivent réduire davantage les coûts
de main-d’œuvre et stabiliser le taux de change de leur monnaie.
C’est ce que l’on appelle la spirale de la misère,
la spirale
déflationniste, qui succède très souvent à une spirale
inflationniste. Comme ce processus a cours dans plusieurs pays
capitalistes à la fois, ce sont des centaines d’entreprises qui
se retrouvent en concurrence féroce pour s’accaparer des marchés
de plus en plus éloignés et exigus (14).
2.5
La stratégie chinoise
Les États-Unis font
des remontrances à la Chine et prétendent qu’elle devrait
réévaluer sa monnaie afin de renchérir le prix de ses produits
et permettre une relance de l’industrie américaine.
Dans une lettre envoyée au
vice-Premier ministre Wang Qishan (avant la visite du président
chinois Hu Jintao aux États-Unis prévue en janvier 2011), 32
sénateurs américains ont déclaré qu’il était « impératif » que
les deux pays « travaillent ensemble de manière constructive ».
« Nous demandons à la Chine de prouver son engagement à adopter
un taux de change déterminé par le marché en laissant sa monnaie
s’apprécier de manière significative avant la visite du
président Hu », ont écrit les sénateurs américains (15).
Il faut plutôt comprendre que cette prise
de position des sénateurs est une fumisterie destinée à tromper
les travailleurs américains qui souffrent de la délocalisation
de leurs usines, voulue
par les capitalistes américains que représentent ces 32
sénateurs
?
Les entreprises
occidentales sont justement celles qui ont
délocalisé leurs
usines des États-Unis, du Canada, d’Europe occidentale en partie
vers l’Europe orientale et les pays
baltes, et en partie vers
la Chine et vers l’Inde
(informatique, pharmaceutique, etc.); alors elles ne souhaitent
certainement pas nuire au développement de leurs filiales
étrangères et leur couper
l’accès aux marchés
occidentaux qu’elles desservent désormais à partir de la Chine
notamment. En 2010, la Chine a connu une hausse importante de
ses exportations et ce sont les sociétés à capitaux
étrangers qui furent la principale source de l’excédent
commercial, ont indiqué les douanes chinoises, précisant que
sur les 11 premiers mois de l’année, elles ont compté pour 112,5
milliards de dollars sur un excédent total de 170,4 milliards de
USD (16).
L’effet pervers
qu’aurait la réévaluation du yuan chinois serait
d’augmenter le prix des millions de produits, babioles et
vêtements importés de Chine. Ce sont donc les consommateurs
américains, européens, canadiens et australiens qui en
définitive paieraient le prix de cette hausse de la valeur du
yuan.
De toute façon, un renchérissement du
yuan n’entraînerait pas une hausse significative des ventes
des entreprises américaines, car dans la plupart des cas les
moyens de production ont été détruits lors de la
délocalisation des
usines vers la Chine, l’Inde, le VietNam ou les Philippines. À
titre d’exemple, l’usine de la General Motors en banlieue de
Montréal a été démantelée lors de sa délocalisation; on ne
reconstruit pas rapidement une usine de montage d’automobiles et
toutes les entreprises
sous-traitantes qui en dépendent.
La
délocalisation a entraîné une baisse
dramatique
des effectifs industriels dans la population active américaine
qui est passée de 32,6 % en 1974 à 18 % environ en 2009. Avec un
PIB de 14 600 milliards de dollars, l’industrie américaine ne
représente plus que 2 993 milliards de dollars (20% du total)
dont la majeure partie dépend de l’industrie de l’armement (30%
des exportations mondiales). La consommation représente 70 % du
PIB des Américains. Les USA ne produisent pas, ils consomment.
Les États-Unis sont de moins en moins un pays industriel et de
plus en plus un État parasitaire
et
prédateur spécialisé dans la consommation de masse de
produits importés achetés à crédit, en quelque sorte la Rome
dégénérée des temps modernes.
De plus, un
renchérissement de 10 % ou de 15 % du prix des produits chinois
ne serait pas suffisant pour permettre aux entreprises
occidentales de concurrencer la Chine. Il faudrait une hausse de
probablement 25 ou 50 % des prix pour que les usines
canadiennes, américaines ou françaises puissent produire à
meilleur marché. Par contre, suite à une telle hausse de prix
les
dragons
asiatiques et l’Inde seraient à même de s’emparer des marchés et
d’y malmener leurs concurrents chinois. On le voit, les guerres
commerciales inter impérialistes sont féroces et perpétuelles.
Si les grands capitalistes internationaux font consensus pour
rejeter le fardeau de la crise sur le dos des travailleurs, en
revanche, ils se déchirent comme des chiffonniers pour
s’approprier les ressources naturelles et les marchés.
Ce refus de
réévaluer sa monnaie semble étrange de la part de la Chine. Ses
coûts de production sont si bas qu’elle pourrait hausser ses
prix de dix ou de quinze pour cent sans perdre ses marchés
étrangers au profit de l’Inde ou d’autres pays asiatiques. Alors
pourquoi ne réévalue-t-elle pas sa monnaie pour empocher ce
bénéfice facile ? C’est que les impérialistes chinois sont de
fins renards. Cette hausse de prix entraînerait une baisse de la
demande pour les produits chinois de la part des consommateurs
pauvres que desservent tous les Walmart de ce monde (70 % de
tout ce que vend cette chaîne américaine, première entreprise
mondiale, provient de Chine) et provoquerait une spirale
inflationniste catastrophique dans les pays importateurs. Étant
donné que 80 % des ménages occidentaux sont déjà très
lourdement endettés, une soudaine hausse des prix
entraînerait le défaut de paiement et la faillite personnelle de
nombreux consommateurs comme
ce fut le cas en 2008 aux États-Unis lors du crash de
l’immobilier, une crise dont l’économie mondiale ne s’est pas
encore remise (17).
L’intérêt présent
de la Chine est de résister à la cupidité des multinationales
occidentales installées sur son sol et de maintenir le pouvoir
d’achat des consommateurs occidentaux en attendant qu’elle ait
développé son marché intérieur et
conquis
les marchés africain et sud
américain et consolidé ses positions sur les marchés
occidentaux. Le gouvernement chinois vient d’annoncer 1 500
milliards de dollars d’investissement afin de développer de
nouveaux secteurs de production. C’est donc la Chine qui
présentement jugule les poussées inflationnistes sur les marchés
occidentaux. Quand le temps sera venu, les capitalistes chinois
passeront à la caisse, et alors les temps seront très difficiles
pour leurs concurrents occidentaux. C’est alors que la
bourgeoisie nous serinera à l’oreille le chant raciste et
sinophobe
de la guerre impérialiste contre
les Chinois, contre les Coréens et contre tous ces « jaunes
hypocrites » qui appauvrissent « nos » misérables
riches.
À suivre…
*
Il va
de soi que nous sommes sortis du “capitalisme” primitif,
concurrentiel, tel que le Marx et Engels en ont effectué
l’analyse et la critique: il s’agit d’une forme mutante et
tératologique du capitalisme d’antan (qui fut d’abord un
capitalisme patrimonial), à savoir un anarchocapitalisme
d’actionnariat, oligarchique, intégré (capital industriel et
capital bancaire) et internationaliste en phase impérialiste.
**
Une telle pratique financière est basée sur le principe
de la pyramide, le spéculateur financier devant sans cesse
trouver un plus grand nombre de nouveaux investisseurs
spéculateurs dont l’argent lui sert à payer les intérêts des
spéculateurs précédents jusqu'à ce que la pyramide s’écroule
faute de nouveaux investisseurs spéculateurs (18).
À suivre vendredi le 14.01.2011
La guerre contre l’Iran