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Blog René Naba
Golfe
arabo-persique: les pétromonarchies arabes
face à un triple péril démographique, militaire et domestique
René Naba
Golfe arabo-persique: Bouc émissaire idéal de la
faillite du système financier occidental, les pétromonarchies
arabes face à un triple péril démographique, militaire et
domestique.
Deuxième partie (2/3).
I - les pétromonarchies: Une préfiguration futuriste
des cités marchandes de l’avenir, rivaux contemporains de
Hong-Kong et de Monte Carlo
II- Le péril démographique: Abou Dhabi et Doubaï, les
deux plus jolies villes indiennes du Monde.
Paris, le 7 novembre 2008
I - les pétromonarchies: Une préfiguration
futuriste des cités marchandes de l’avenir, rivaux contemporains
de Hong-Kong et de Monte Carlo
Le basculement stratégique
opéré au sein de la géo-économie mondiale du fait du l’irruption
de Fonds souverains arabes dans le capital des grandes firmes
occidentales a certes témoigné de l’intrépidité des
investisseurs arabes dans leur souci de diversifier leur
économie, mais il a désigné les pétromonarchies arabes comme le
bouc émissaire idéal de la faillite du système financier
occidental, et révélé du même coup leur vulnérabilité, du fait
de leur configuration: Une constellation de micro-états
balançant entre gigantisme économique et nanisme politique, face
au triple péril résultant de leur trop grande dépendance
vis-à-vis de la main d’œuvre étrangère, de leur trop grande
dépendance militaire vis à vis des Etats-Unis d’Amérique et des
incessantes frasques monarchiques au point d’accentuer le
discrédit et de fragiliser les six pétromonarchies du golfe du
fait de leur complet décalage avec le combat mené par les
mouvements contestataires arabes contre l’hégémonie occidentale
tant au Liban (Hezbollah), qu’en Irak (Moqtada Sadr) qu’ en
Palestine (Hamas).
A- L’Arabie saoudite, la «King
City Abdallah» et le pont au dessus de la Mer Rouge pour la
jonction Asie Afrique
Propulsé par le nouveau boom pétrolier,
le nouvel âge d’or du Golfe s’annonce prometteur, sauf fâcheux
contretemps induisant de fortes perturbations. Un pactole de
1900 milliards de dollars (1) est affecté aux investissements de
la zone à l’horizon de l’an 2015 en vue de diversifier les
économies rentières de ces pays et à préparer «l’après pétrole».
Soit des investissements de l’ordre de 271 milliards de dollars
par an sur sept ans pour une zone qui compte 35 millions
d’habitants répartis en six états (Arabie saoudite, Bahreïn,
Etat des Emirats arabes unis, Koweït, Qatar et Sultanat d’Oman).
L’Arabie saoudite prévoit d’injecter
dans son économie 855 milliards de dollars, dont 39 pour cent au
secteur privé, 19 pour cent à l’énergie, 15 pour cent au forage
et aux prospections et 13 pour cent à la pétrochimie. Ainsi le
roi Abdallah d’Arabie saoudite a décidé de créer un million
d’emplois en construisant six villes économiques pour y attirer
des industries diversifiées (2). King Abdullah City, sur la mer
Rouge, au nord de Djeddah, devait être achevée fin 2008, avec un
port et toutes les infrastructures y afférentes pour attirer 2
500 entreprises et leurs cadres. Le coût de ce projet est estimé
à près de 400 milliards de dollars. Le Koweït, pour sa part, a
mis en route un plan quinquennal (2009-2014) de 105, 5 milliards
de dollars en vue de faire de l’Emirat un centre financier de
dimension internationale. Au vu de la précédente expérience, le
premier boom pétrolier où la dilapidation et la gabegie étaient
de pratique courante, le nouveau pactole pétrolier paraît mieux
géré. Le souci de préserver les ressources des générations
futures est plus présent, mais le handicap majeur dont pâtit le
Monde arabe est son absence de seuil critique du fait de sa
balkanisation et sa mise sous tutelle américaine, qui obère son
développement par des projets à dimension régionale. Les
réalisations urbanistiques de Doubaï, du Qatar et des autres
principautés du Golfe, tant vantées pour leur audace
architecturale, se présentent déjà comme la préfiguration
futuriste des cités marchandes de l’avenir. La concentration de
grands conglomérats de dimension internationale, telles la
firme pétrolière américaine «Halliburton», la firme immobilière
américaine «Donald Trump» et d’une kyrielle de
sociétés informatiques, électroniques, automobiles ou de
téléphonie mobile, (Mac Intosh, Apple, Nokia etc..) dans la zone
franche de Djabal Ali, à Doubaï, confirment les principautés
pétrolières dans leur rôle de plaque tournante du commerce
transrégional (Asie-Europe, Asie-Afrique), de carrefour de
l'isthme moyen-oriental à la charnière des trois masses
continentales de l'Afrique, de l'Asie, de l’Europe, des grandes
voies de communications terrestres et maritimes et de passages
stratégiques (Détroit d'Ormuz, Bâb el Mandeb, Canal de Suez).
Parmi les projets phares saoudiens, figure d’ailleurs celui de
Tareq Ben Laden, frère d’Oussama Ben Laden, chef de
l’organisation clandestine pan-islamique «Al-Qaïda», qui prévoit
de relier L’Afrique et l’Asie par un pont surplombant le détroit
de Bab el Mandeb, à la jonction de la Mer rouge et de l’Océan
Indien, pour une liaison directe par la route entre Djibouti et
le Yémen. Ce projet de 200 milliards de dollars prévoit la
mobilisation de 850.000 travailleurs pour la construction de ce
pont de 28 kms.
B) Doubaï et la zone franche de Djabal Ali
Doubaï qui abrite un important marché
de métaux précieux dont les transactions rivalisent déjà par
leur ampleur avec ceux de Singapour et de Suisse, ainsi qu’une
zone franche des Médias où logent une quarantaine de chaînes
satellitaires et leurs services annexes, devrait d’ailleurs
abriter d’ici la fin de la décennie le plus important aéroport
du monde avec une plateforme (HUB) destinée à décongestionner,
en le détournant, le trafic des aéroports européens (Heathrow et
Roissy-Charles de Gaulle notamment). Elle projette l’édification
de la plus importante tour du monde «Bourj al-Arab», d’une
hauteur de 1.200 mètres pour 140 étages, et d’un front de mer
comprenant une importante Marina conquise sur la mer devant
abriter sur un îlot artificiel en forme de palmier un complexe
immobilier de luxe comprenant 200 villas, 40 hôtels haut de
gamme et un gigantesque centre commercial de près d’un millier
de magasins pour la vente de produits détaxés «Duty free shop».
Doubaï ambitionne en effet d’attirer, à l’horizon de l’an 2015,
200.000 visiteurs par jour, pour des voyages d’affaires et de
tourisme, alors que la principauté première, Abou Dhabi, siège
de la Fédération, se lance dans un ambitieux programme
d’hôtellerie de grand luxe confié au conglomérat hôtelier «Al-Jumeirah»
pour la construction de cent hôtels à travers le Monde, dont
certains sept étoiles, une notation de création récente
spécialement conçue pour ce groupe et qui pourrait servir de
norme hôtelière au XXI me siècle.
C) Abou Dhabi,
capitale de la culture, du sport et du cinéma
Abou Dhabi qui
abrite une copie du Musée du Louvre et prévoit la mise en place
d’une copie du Musée Gugunheim, en 2009, s’est également lancé
dans le sport de compétition professionnelle et le Cinéma en vue
de renforcer la position de l’Emirat, comme capitale de la
culture, du sport et du développement économique, et, à travers
cet achat, braquer les projecteurs sur cette principauté
pétrolière. Un Fonds souverain des Emirats
arabes unis, l'Abu Dhabi United Group (Adug), est ainsi devenu
actionnaire majoritaire du club anglais de première division
Manchester City, pour un montant de 245 millions d'euros en vue
de faire de ce club "le plus grand club de la League".
Joignant le geste à la parole, le fonds a annonçé le transfert
de Robinho, qui évoluait la saison passée au Real Madrid, pour
quelque 32,5 millions de livres (42 millions d'euros), un record
pour le championnat britannique.Abou Dhabi s’est également
tourné vers Hollywood où il envisage d’investir un milliard de
dollars pour la production de films. Une compagnie ad hoc a été
constituée à cet effet: «l'Abu Dhabi Media Company » financera
huit films par an pendant cinq ans. (3).
Toutes les principautés pétrolières
confondues, à travers une série de manifestations
internationales de premier plan, cherchent à se doter d’une aura
culturelle (installation d’une annexe de l’Université parisienne
Panthéon-Sorbonne (Paris I) en plus de l’antenne du Louvre à
Abou Dhabi, pour accéder au rang des villes mondes du XXI me
siècle. Elles se vivent déjà et se veulent comme des
rivales de Hong Kong et de Monte Carlo. En guise de produits
d’appel, les Emirats ont mis à la disposition de célébrités du
monde politique et du spectacle de luxueux appartements
notamment au sein d’un des plus grands complexes immobiliers du
monde «Jumeirah Beach Complex». Le champion du monde de la
formule 1, le coureur sportif automobile allemand, Michaël
Schumacher et des célébrités d’Hollywood ont notamment bénéficié
de ces facilités, un geste présenté comme se situant dans la
grande tradition d’hospitalité arabe. En un signe prémonitoire,
Qatar a lancé en juillet dernier un raid financier visant à
s’emparer de la minorité de blocage de la «Société des bains de
mer» de Monaco, gestionnaire des installations portuaires et des
centres de loisirs de la principauté, L’échec de cette tentative
n’exclut pas la récidive. Soixante dix neuf mille (79.000
émiratis possèdent une fortune nette supérieure au million de
dollars, hors résidence principale, soit une augmentation de 14
pour cent en 2008 par rapport à 2007. Dans l’ensemble du Moyen
orient, le nombre de multimillionnaires a augmenté de 200 en un
an, passant de 1.300 en 2007 à 1.500 en 2008, induisant des
modes de consommation ostentatoires (4).
II- Le péril démographique: Abou Dhabi et
Doubaï, les deux plus jolies villes indiennes du Monde.
Certes les «royalties», les recettes
pétrolières, constituent indiscutablement l’élément moteur du
développement économique régional, mais le boom immobilier et la
considérable expansion du secteur tertiaire de ces états
rentiers n’auraient jamais pris une telle ampleur sans le
concours constant des soutiers anonymes de l’économie des
services, les laissés pour compte de la société de l’abondance,
la main d’œuvre étrangère taillable et corvéable à merci,
originaire principalement des pays asiatiques, au point que le
nouvel ambassadeur d’Inde auprès des Emirats s’émerveillait
dernièrement lors de sa présentation de ses lettres de créance,
en avril 2008, que «Abou Dhabi et Doubaï soient les deux plus
jolies villes indiennes du Monde», dans un hommage indirect à la
contribution de ses concitoyens (5).
Les principautés du Golfe présentent
en effet cette singularité unique au monde de compter davantage
de travailleurs expatriés que de nationaux et le nombre
d’ouvriers en bâtiments dépasse de loin le nombre de citoyens au
point que le Koweït a cherché en juillet dernier à se
débarrasser, lui aussi, de ses sans papiers» en proposant aux
Comores d’accueillir quatre mille d’entre eux en échange de
lourds investissements koweitiens dans le secteur économique,
alors que Abou Dhabi, pour décourager l’installation durable des
immigrés asiatiques, proposait de limiter à un séjour unique de
six ans, leur permis de travail et de résidence. L’offre
koweitienne a été rejetée par les autorités comoriennes au motif
qu’elle était périlleuse pour la cohésion nationale, et la
proposition d’Abou Dhabi également rejetée au motif qu’elle
était contre-productive, nuisible à l’attractivité des
investisseurs économiques et démotivante sur le plan de
l’efficacité économique (6). Le problème a d’ailleurs atteint
une telle acuité qu’un haut responsable de la police du Golfe,
voulant secouer la torpeur des dirigeants pétromonarchiques, n’a
pas hésité à braver l’interdit qui frappe ce sujet tabou en
prédisant l’élection à moyen terme d’un Indien à la présidence
de la Fédération des principautés du Golfe:
«Barrack Obama n’est que le prélude à
un vaste changement de la climatologie politique planétaire qui
verra un indien se porter, à moyen terme, candidat à la
présidence de la Fédération» a lancé le général Dhafi Khalfane,
chef de la police de Doubaï, devant un auditoire médusé, lors
d’un «Forum de l’identité nationale» tenu à Abou Dhabi en avril
2008, premier forum du genre sur ce thème depuis l’indépendance
des principautés en 1970, il y a trente huit ans. Le
nombre des travailleurs asiatiques dans le golfe est estimé à
quinze millions de personnes, soit près de la moitié de la
population de la zone, selon un rapport du secrétaire général du
Conseil de Coopération du Golfe, Jamil Hujeilane soumis au
dernier sommet des dirigeants du Golfe, en 2008. La situation
des Emirats est, à cet égard, caricaturale. Les immigrés y
représentent 85 pour cent de la population totale. Sur 3,8
millions d’habitants, les nationaux ne sont que le 3me groupe de
population (640.000), bien après les Indiens (1,2 millions
d’habitants) qui sont sur ce point à égalité avec les
Pakistanais. Toutes nationalités confondues, les asiatiques
représenteraient près de 60 pour cent de la population totale du
Golfe et un pourcentage largement plus élevé que la population
active (7).
Généralement célibataires,
originaires principalement de l’Inde, du Pakistan, du Sri Lanka,
des Philippines et du Bangladesh, et, à ce titre, supposés être
apolitiques en tout cas nullement impliqués par les conflits
interarabes, ils représentent environ 20 % de la population en
Oman, un tiers à Bahreïn et en Arabie Saoudite, deux tiers au
Koweït et au Qatar, qui y subissent de plus en plus les
pressions d’organisations internationales, notamment des
Organisations non gouvernementales telles Human Rights Watch ou
l’Organisation internationale du travail (OIT), en vue d’une
amélioration des conditions de travail particulièrement
déplorables des immigrés asiatiques. La principale hantise des
dirigeants du Golfe est que ces travailleurs étrangers puissent
un jour revendiquer la nationalité de leur pays d’accueil. Un
véritable casse-tête pour les princes du pétrole qui ne peuvent
se dispenser de la main-d’œuvre étrangère s’ils veulent assurer
la croissance économique, mais qui se refusent à leur accorder
néanmoins la nationalité au risque de dénaturer le caractère
arabe des pétromonarchies. Une solution serait de substituer la
main d’oeuvre arabe à la main d’oeuvre asiatique et sa
naturalisation conséquente, mais, dans une telle hypothèse, le
risque d’une contamination politique de la main d’œuvre arabe
pèserait d’un plus grand poids sur la stabilité des régimes
pétromonarchiques. Au-delà de cet aléa, la main d’œuvre arabe
est l’otage des conflits interarabes, Le Koweït a expulsé près
de cinq cent mille Palestiniens en 1990, de même qu’Abou Dhabi,
pour châtier Yasser Arafat, chef de l’Organisation de Libération
de la Palestine, pour avoir privilégié la médiation plutôt que
la confrontation entre l’Irak et le Koweït lors de l’invasion
irakienne de la principauté en Août 1990 et l’Arabie saoudite en
avait fait de même avec près d’un million de Yéménites en
représailles à une position identique du président Ali Abdallah
Saleh.
Première partie
Dernière partie
Références
1-«L’opulence financière incite le Golfe à
la diversification» -par Hassan Chakrani, in le quotidien
libanais «Al-Akhbar» du 23 juillet 2008
2-cf le Monde 14 juin 2006: Le nouveau recyclage des
pétrodollars par Eric le Boucher
3- Les pétrodollars à l'assaut du football et du cinéma. Le
Monde.fr du 3 septembre 20084- Le nombre des personnes
disposant de plus d’un million de dollars d’actifs financiers,
hors résidence principale, a franchi la barre de dix millions en
2007 et le classement des multimillionnaires par zone
géographique s’établissait comme suit, en 2007: Afrique (1000,
en augmentation de 200 par rapport à 2006), Moyen orient (1.500
soit une augmentation de 200 en un an ), Amérique latine (6.200
contre 4.200 en 2006), Europe (10.650 contre 9.400 en 2006),
Amérique du nord (11.700 contre 11.200 en 2006 et pour la
première fois dans l’histoire le nombre des multimillionnaires à
Moscou (74) dépasse celui de New York (71);
4-cf Stefen Theil (Newsweek) et Margaret Colsen (Wall Street
Journal) in Courrier international N° 932 du 11 au 17
septembre 2008.
5-Editorial de Abdel Bari Atwane cf «Al Qods al-Arabi», journal
transnational arabe paraissant à Londres, en date du 19 avril
2008
6-«La limitation du séjour des étrangers dans le Golfe, un coup
fatal à la croissance», cf le journal Al-Ittihad d‘Abou Dhabi en
date du 2 Août 2006
7- «Monarchies du Golfe, les micro-états de la péninsule
arabique», ouvrage collectif dirigé par Rémy Leveau et
Fréderic Charillon, in Documentation Française N° 5217, juin
2005.
René Naba
Auteur « aux origines de la tragédie arabe »
Editions Bachari 2006
« Du bougnoule au sauvageon, voyage dans l'imaginaire français »
Harmattan 2002
« Rafic Hariri, un homme d'affaires premier ministre »
- Harmattan 2000
« Guerre des ondes, guerre des religions, la bataille
hertzienne dans le ciel méditerranéen »- Harmattan 1998
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Publié le 8 novembre 2008 avec l'aimable autorisation de René Naba.
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