|
Opinion
Libye: Kadhafi,
portrait total 3/3
René Naba
Samedi 5 mars 2011 Bilan de 42 ans de narcissisme: Du
fossoyeur de la cause nationale arabe au fossoyeur de son
peuple.
Le fossoyeur de son peuple ou la Révolution comme alibi.
Objet d’une tentative de renflouement de la part des pays
occidentaux en raison du fabuleux marché que représente son pays
et du possible rôle de gendarme qu’il est destiné à jouer aux
portes de l’Europe contre l’immigration clandestine africaine,
le «Guide de la révolution», vu de la rive sud de la
Méditerranée, est un homme qui n’inspire ni de bons sentiments,
ni de beaux souvenirs.
Pays méconnu, longtemps mis au ban de la communauté
internationale, dirigé par un homme qui a longtemps encombré
l’inconscient collectif par ses extravagances, la Libye a fait
son grand retour sinon sur la scène internationale à tout le
moins sur la scène médiatique avec la permanence des
contorsionnements qui ont fait sa réputation et les malheurs du
monde arabe. Au point de l’accuser de cultiver «l’alibi comme
révolution», tant les officiels libyens sont passés maîtres dans
l’art de triturer la réalité, de torturer la vérité dans
l’unique but de s’exonérer de tout ce gâchis.
A- La reddition à l’ordre israélo américain
Six ans après le raid américain contre Tripoli et Benghazi,
la Libye était en effet frappée d’embargo par l’ONU, en avril
1992, à la demande des Etats-Unis qui avaient attendu la fin de
la 1ère guerre contre l’Irak (1990-1991) pour activer la
machinerie diplomatique internationale en vue de remettre la
pression sur le Colonel Mouammar al-Kadhafi, considéré alors
comme un chef de file révolutionnaire dans le tiers-monde et
commanditaire d’attentats de type terroriste. Pendant sept ans
(12 avril 1992- 11 décembre 1999), la Jamahiriya vivra en
autarcie économique et en réclusion médiatique, comme zappée des
écrans mondiaux. Le trublion ne faisait plus recette, faute de
ressources, faute de recette miracle pour amuser la galerie.
Hagard, livide, Kadhafi errait de campement en campement dans
son grand désert libyen, subitement déserté par la cohorte des
satrapes en manque de sinécures.
La Libye n’était pas d’un abord facile. Elle est devenue d’un
accès difficile. Douze heures de route depuis Djerba en Tunisie,
même en limousine climatisée, même à travers une route
goudronnée, pouvaient rebuter le plus endurci des voyageurs:
Tripoli est l’une des villes les moins riantes du pourtour
méditerranéen et le discours libyen d’une indigence soporifique.
Et puis la Libye n’était pas l’Empire du milieu ni Kadhafi le
centre du Monde, dont le centre de gravité s’était déplacé
depuis le début de la décennie 1980 vers l’Asie occidentale, la
zone Afghanistan Irak, l’autre point d’endiguement du camp
antioccidental.
L’Irak, fort de son exploit d’avoir fixé la Révolution chiite
khomeyniste pendant dix ans (1979-1989) sur le champ de bataille
irako iranien dans la plus longue guerre conventionnelle de
l’histoire moderne, convoitait le Koweït en guise de butin de
guerre pour renflouer sa trésorerie défaillante. Une «tempête du
désert» soufflée par l’Amérique pulvérisera et ses rêves et ses
projets, renvoyant l’Irak à un âge quasi-néolithique, en marge
de l’Histoire et Saddam Hussein, le Nabuchodonosor des temps
modernes, réduit au rang de simple mercenaire des
pétromonarchies du Golfe. Un constat d’autant plus amer que la
tempête chamboulant tout sur son passage rompait la logique des
blocs en cimentant dans une même alliance d’anciens adversaires
irréductibles (Nord-Sud, producteurs et consommateurs de
pétrole, Arabes et Israéliens), un bouleversement stratégique
préfigurant les alliances du XXI me siècle qui se reproduira
lors de l’invasion américaine de l’Irak, en 2003, qui se
reproduira une troisième fois en 2007-2008 contre l’Iran en
phase de nucléarisation.
L’Afghanistan, l’autre volet de la stratégie américaine, avait
lui aussi cloué au sol pendant dix ans (1980-1990) la glorieuse
«armée rouge», accélérant la décomposition de l’Empire
soviétique, mais les Talibans wahhabites, fruits de la
copulation américano saoudienne, désormais en déshérence de
pouvoir, procédaient au meurtre symbolique de leurs parrains
respectifs par une série d’actions d’éclats politique et
militaire contre le royaume saoudien et les Etats-Unis
d’Amérique. Alors que l’ancien agent de liaison entre Américains
et combattants islamistes, Oussama Ben Laden, ancien
ressortissant saoudien, revendiquait la constitution d’une
«République islamique du Hedjaz» sur le périmètre des lieux
saints de l’Islam pour châtier la dynastie «impie» des
Wahhabites pour sa connivence avec l’Amérique lors de la guerre
contre l’Irak, ses poulains se livraient en 1995 à des attentats
contre des objectifs américains en Afrique (attentats contre les
ambassades américaines de Dar es-Salaam (Tanzanie) et Nairobi
(Kenya), ainsi que contre le QG de la garde nationale
saoudienne, en prélude au grand exercice de pyrotechnie aérienne
du 11 septembre 2001.
La Libye était aux abonnés absents, à dire vrai, le cadet des
soucis des Américains. En butte comme eux à l’opposition
islamiste, Kadhafi retrouvera les attraits d’autant plus
rapidement qu’il avait rendu de signalés services aux
occidentaux durant sa période faste, pourchassant les
communistes soudanais, décapitant le mouvement chiite libanais
Amal, apparaissant de surcroît comme un utile contrepoint à
l’Algérie et à la Russie, deux pays hors de la sphère
occidentale, fournisseurs exclusifs de gaz à l’Europe
continentale. Le blocus de la Libye a duré sept ans (12 avril
1992-11 décembre 1999), le plus court blocus de l’histoire
contemporaine. En comparaison, Cuba résiste depuis cinquante ans
au blocus américain. Malgré toutes les privations, le régime
castriste continue de tenir tête à la première puissance
militaire de la planète pourtant située à quelques encablures de
l’Île. Fidel Castro assumera la transition du pouvoir après
s’être assuré de la relève révolutionnaire en Amérique latine,
Hugo Chavez au Venezuela et Evo Morales en Bolivie.
Saddam Hussein, pour sa part, aura résisté 13 ans à la
pression américaine et tombera dans la dignité, faisant de son
supplice un exemple de courage dans l’adversité, transcendant
son passé dictatorial au point de passer pour un «martyr» au
regard d’une large fraction de l’opinion arabe et musulmane.
Kadhafi, lui, sacrifiera deux de ses subordonnés en guise de
solde de tout compte aux attentats aériens qu’il est accusé
d’avoir commandité à Lockerbie (Ecosse) et au Ténéré (désert
africain). Il sacrifiera également dans la foulée son programme
nucléaire dévoilant du coup tout un pan de la coopération
atomique avec les pays arabes et musulmans pour la survie de son
régime.
B – Le renflouement occidental
Premier déplacement officiel en Europe occidentale depuis un
quart de siècle, la visite du Mouammar al-Kadhafi en France, le
10 décembre 2007, se voulait un acte de réhabilitation
solennelle du dirigeant libyen par la communauté occidentale par
suite de son ralliement à sa stratégie tant en ce qui concerne
son désarmement, que la lutte contre le fondamentalisme
islamique, l’immigration clandestine africaine ou la politique
énergétique mondiale. Mais ce processus de respectabilisation
semble s’être retourné contre ses concepteurs tant les objectifs
divergeaient sur le sens et la portée de ce voyage, leur
conception respective de l’hospitalité, les pesanteurs du pays
hôte, la fulgurance de l’autre.
Tout pourtant avait été méticuleusement réglé pour que le séjour
français du dirigeant libyen soit vécu comme une apothéose, la
justification a posteriori de ses reniements successifs et sa
mise conformité avec les standards occidentaux. Tout jusques et
y compris la date de la visite qui ne devait rien au hasard. En
perfectionniste, le protocole français avait fait coïncider la
visite avec la date commémorative du 8 me anniversaire de la
levée des sanctions de l’Onu le 11 décembre 1999. Manque de
chance ou de perspicacité? Cette date là coïncidait aussi avec
la célébration annuelle de la Journée internationale des Droits
de l’Homme. Un hasard de calendrier malheureux qui donnera
l’occasion à d’anciens commensaux de Kadhafi de se démarquer à
bon compte, en un pur exercice de démagogie et d’opportunisme
politique. Ce fut notamment le cas de Rama Yade, une
participante aux agapes de Juillet à Tripoli avec le Colonel
Kadhafi, qui n’hésitera pourtant pas à s’indigner opportunément
lors de la venue du dirigeant libyen à Paris. Ainsi se forgent
les légendes par le maniement d’une indignation sélective.
Chef d’un Etat à la richesse convoitée, Kadhafi se vivait à
Paris de plain pied comme un négociant majeur de la scène
mondiale, non comme un marginal. Sa visite au château de
Versailles casqué en peau de lapin et botté n’avait pas d’autre
sens. La où ses détracteurs, nombreux, décelaient des
excentricités, Kadhafi ancrait sinon son authenticité du moins
son originalité: Installer une tente dans l’enceinte du Palais
Marigny, la résidence officielle des hôtes de la France, pouvait
accentuer l’image caricaturale des Arabes, déjà passablement
dégradée dans un pays en pleine poussée xénophobe. Et beaucoup
se sont gaussés de ce Camp du Drap d’or, de ce camp du drap d’or
griffé Dior, qui a accentué dans l’opinion l’idée d’un Roi
d’opérette, ce qu’il peut être par moment, souvent,
passionnément même devant la cohorte de ses flagorneurs.
Le dîner a minima à l’Elysée d’où s’exonérèrent de personnalités
de premier plan, tel Bernard Kouchner, en charge de la
diplomatie et à ce titre un ancien commensal de Kadhafi en
juillet à Tripoli, achèvera de convaincre le libyen que ce
voyage prenait l’apparence d’un attrape-nigaud. Là où Sarkozy
faisait miroiter centrales nucléaires, avions de combat rafale
invendables, le bédouin du désert libyen comptabilisait les
manquements à son égard. L’Espagne, deuxième étape de la tournée
européenne du dirigeant libyen, fera une abondante moisson de
onze milliards de dollars de contrats. La France, un maigre
kopeck. La mauvaise alchimie entre un dirigeant libyen erratique
et un président français impulsif et compulsif a fait de ce
voyage la plus grosse plaisanterie planétaire de l’histoire
diplomatique récente. Une mascarade qui tire son origine de
l’expression arabe une «Maskhara», une risée universelle.
C – La Révolution comme alibi
Fraîchement dégagé de l’embargo qui l’étranglait, le pouvoir
libyen s’est empressé une nouvelle fois de se vautrer dans ses
habitudes si abusivement corrosives tant pour la Libye que pour
l’image de l’Arabe dans l’opinion internationale. A l’image des
princes du pétrole qu’il dénigre mais dont il est l’égal.
Un tel comportement s’apparente à une imposture doublée d’une
calamité, tant ce révolutionnaire de pacotille ne témoigne la
moindre considération pour l’austérité endurée par le peuple
libyen du fait de la politique erratique de son père, les
souffrances du peuple palestinien, les privations des peuples
libanais et irakiens, la précarité du monde arabe et sa
vassalisation à l’ordre israélo américain.
Le guide de la Révolution avait pourtant assuré dernièrement
qu’il avait commis des erreurs et qu’il avait changé. Ce n’est
assurément pas le cas, tant aura été brève la rémission et le
remords absent. Pas un mot de regret pour tous ses forfaits
antérieurs au point que la justice libanaise vient de lui
administrer une douloureuse piqûre de rappel par une citation à
comparaître, pour lui rafraîchir la mémoire dans son implication
dans la disparition du dignitaire religieux libanais. Justifiant
son virage et ses multiples reniements, Le colonel Kadhafi a
confessé dernièrement, en guise d’excuse absolutoire, qu’il
s’était trompé durant la première tranche de son règne. Il se
murmure à Tripoli, Benghazi, Sebha et Syrte qu’un cauchemar
hante les Libyens, celui de se réveiller un jour avec un Kadhafi
leur confessant à nouveau qu’il s’est une nouvelle fois trompé
les trente années suivant de son règne.
Trônant sur une nappe de pétrole (1), le doyen des dirigeants
arabes contemporains, la trésorerie débordante de devises
fortes, a manqué singulièrement de crédit. Nul n’était dupe. Nul
ne sera plus dupé. La Fondation Kadhafi pour les droits de
l’homme, la structure ad hoc chargée de recycler le dirigeant
libyen dans l’honorabilité en réglant au plus fort coût le prix
de ses turpitudes passées, notamment l’indemnisation des 288
victimes de Lockerbie ou la libération des otages occidentaux de
Mindanao (Philippines) a relevé du domaine du rafistolage. Par
ses foucades et ses rebuffades, ce militaire d’apparat et de
parade, ce théoricien révolutionnaire de la troisième voie
universelle, s’est mû en bouffon des sommets arabes qu’il
menaçait régulièrement de quitter, la risée universelle de
l’opinion internationale, le désespoir des peuples arabes lassés
par ses frasques à répétition.
Le déclic libyen s’est produit dans la foulée de sa défense de
son compère tunisien, Zine el Abidine bel Ali, déboulonné après
23 ans de dictature. Un plaidoyer pro domo injustifié pour celui
qu’il désignera «le meilleur dirigeant que la Tunisie pouvait
avoir», une provocation qui encouragera les Libyens à lui
réserver le même sort qu’a son partenaire en affaires. Kadhafi a
longtemps été un rescapé politique sans pour autant être assuré
d’une pérennité historique. Un parfait exemple d’un naufrage
politique. Un parfait contre-exemple d’une éthique du
commandement illustré par le comportement de l’héritier du clan,
présumé libéral, Seïf Al Islam, qui menacera de partition son
pays, pilonnant son peuple au mortier.
D- De «l’Etat des masses populaires» en «Etat des massacres
populaires».
La démesure de sa riposte suscitera une levée de boucliers de
l‘armée, l’ossature du régime, et la défection de certaines des
figures les plus emblématiques du groupe historique des
«officiers libres», artisan en 1969 du renversement de la
monarchie: Le colonel Abdel Moneim Al-Houni, le colonel Al
Khoueildy al Houeidy, le général Abou Bakr Jaber Younes,
inamovible commandant en chef de l’armée depuis 30 ans, le
général Abdel Salam Awad Al-Hassy, chef opérationnel des forces
spéciales et, dernier et non le moindre, son propre cousin,
Ahmad-Kadhaf-Ad Dam, l’ancien chef des services de
renseignements et émissaire auprès de la France lors du conflit
tchado-libyen.
Deux des anciens membres du groupe prendront même la tête de
la contestation populaire, l’un à Tripoli, Le colonel Abdel
Moneim Al-Houni, et, le second le capitaine Al Khoueildy al
Houeidy à Misratah, à l‘Ouest de la capitale, alors que le
commandant en chef de l’armée était mis en résidence surveillée.
L’un des rares survivants du groupe révolutionnaire, le
colonel Abdel Moneim Al-Houni, abandonnera son poste au Caire de
représentant de la Libye auprès de la Ligue arabe dans une
démarche de défiance contre les abus de son ancien compagnon
d’armes. Joignant le geste à la parole, il prendra la tête de la
manifestation anti Kadhafi à Tripoli, le centre névralgique du
pays, pour «rallier la Révolution», la vraie, la révolution du
peuple, pas celle des charlatans
La défection de son propre cousin, Ahmad Kadhaf ad-Dam, au
mépris des règles de la solidarité clanique, fait unique dans
les annales tribales, se superposant à la démission en cascade
du corps diplomatique libyen à l’étranger, de même que la prise
de distance de son ancien secrétaire particulier, Abdel Rahman
Chalgham, délégué de la Libye aux Nations Unies, accentueront
l’isolement du régime libyen et feront vaciller ses assises.
Ancien ministre des Affaires étrangères et ancien ambassadeur à
Rome, M. Chalgham a été l’un des artisans du rapprochement entre
la Libye et les pays occidentaux, le négociateur de l’accord
accordant cinq milliards de dollars à la Libye par l’Union
Européenne en vue de lutter conte l’immigration clandestine
africaine à destination de l’Europe.
Au terme de deux semaines de contestation, l’état des lieux
de la configuration tribale présentait un paysage complètement
bouleversé avec plusieurs provinces en état de sécession ouverte
(2), notamment la zone orientale autour de Bengazi et le Fezzan.
Seule la zone de Syrte, région natale de Kadhafi et zone de
déploiement de la tribu des Kazzafa ainsi que Sebha, qui abrite
une forte proportion des membres de la tribu de Kadhafi, dans le
sud du pays, n’avaient pas rallié le camp des adversaires du
Colonel.
Jouant de la duplicité tout au long de son règne, l’homme qui
avait saturé les ondes de la planète de discours à tonalité
panafricaniste et pan arabe, attisant le tribalisme sur le plan
interne, fondant son pouvoir sur l’antagonisme inter tribal, a
été piégé à son propre jeu. La quasi totalité des tribus du pays
rallieront le nouveau pouvoir transitoire sans tergiversations,
ni état d’âmes tant était profonde la phobie que le guide
inspirait.
Dans cette épreuve de force avec ses opposants, le Colonel
Kadhafi sera de surcroît handicapé par le bouleversement de la
géo stratégie régionale, avec la chute de ses deux alliés
naturels, Hosni Moubarak (Egypte) et Zine El Abidine Ben Ali,
ainsi que l’absence d’un clair et ferme soutien d’un quelconque
pays arabe. La sécession des Touareg, le groupement tribal le
plus solidement implanté dans le sud de la Libye, à proximité
des frontières de quatre pays africains, (Mali, Niger, Tchad,
Soudan), devrait réduire la marge de manœuvre de la branche
africaine d’Al Qaeda, l’AQMI, et ses éventuelles interférences
sur le théâtre libyen. Auteurs de plusieurs enlèvements dans la
zone sahélienne, le verrouillage de la zone frontalière pourrait
relancer, à moyen terme, la traque de ses combattants par un
meilleur contrôle de ce secteur saharienne réputé pour sa
porosité saharienne.
Lors du printemps des peuples arabes, l’hiver 2011, lâché par
la quasi totalité de ses anciens compagnons de route, arcbouté
sur son noyau familial, Kadhafi, ivre de fureur et de rage,
donnera toute la mesure de sa férocité, paradoxalement, à
Benghazi même, point de départ de son coup d’état contre la
dynastie Senoussi et berceau du héros de l‘indépendance
libyenne, Omar Al-Mokhtar, ainsi qu’à Al Bayda (1), siège d’Al
Zaouiya Al Bayda, la Confrérie blanche, du nom du siège de la
confrérie senoussie.
Arcbouté sur sa proie, épaulé par la garde prétorienne du
régime, une milice de 30.000 hommes dirigée par ses quatre fils,
Seïf Al-Islam, Mou’tassem Billah (Hannibal), Saadi et Khamis,
secondé par un duo de collaborateurs sulfureux, son chef des
services secrets Abdallah Senoussi, impliqué dans l’attentat
anti français de l’UTA au dessus du Ténéré, et de son ministre
des affaires étrangères, Moussa Koussa, le colonel Mouammar
Al-Kadhafi subit le dernier quart d’heure de son long mandat.
Retranché dans la caserne militaire d’Al Azizya, à Tripoli,
qui lui tient lieu de résidence, abandonné par ses anciens
frères d’armes, y compris le commandant en chef de l’armée, le
commandant opérationnel des forces spéciales et son ministre de
l’intérieur, le colonel Mouammar Al-Kadhafi ploie sous l’assaut
de son peuple dans une véritable guerre de libération populaire
contre sa dictature.
A l’aide de mercenaires recrutés aux confins de l’Afrique,
principalement des Kenyans, de raids aériens incessants menés
par des mercenaires de l’Europe de l’Est (Biélorussie, Ukraine,
Serbie), il noiera dans un bain de sang et sa révolution et ses
compatriotes qui ont bravé son autorité, après en avoir tant
bavé pendant 42 ans. Près de six mille tués en deux semaines de
contestation, selon la ligue libyenne des droits de l’homme,
infiniment plus que le nombre de Tchadiens tués lors des dix ans
de la guerre tchado-libyenne dans la décennie 1980.
Tout au long du weekend end du 26 au 27 février 2011, un
spectacle surréaliste s’est offert aux observateurs arabes: En
direct sur la chaîne transfrontière arabe «Al Jazira», chefs
d’unités combattantes des forces spéciales, de la police, de
l’administration centrale, des villes, des bourgades et des
villages annonçaient leur ralliement à la révolution du 17
février, dans une extraordinaire démonstration de rejet du clan
Kadhafi, rejoint, paradoxalement, par le Cheikh d’Al Azhar,
l’autorité suprême musulmane d’Egypte, plus timoré lors de la
chute du président égyptien Hosni Moubarak, qui invitait les
Libyens à se rebeller contre l’autorité de leur guide.
L’annonce samedi 25 février 2011 par l’ancien ministre de la
justice de Libye, M. Moustapha Abdel Jalil, de la formation à
Benghazi d’un comité national, sorte de Haut comité de salut
public, représentatif de toutes les provinces du pays et de ses
couches socio politiques en vue de piloter la transition de
l’ère post Kadhafi a porté le coup de grâce à la légitimité et à
la représentativité du guide de la Jamahiriya.
L’homme tentera de conjurer le sort funeste le 2 mars.
Prenant prétexte du 34 me anniversaire de l’instauration de sa
Jamahiriya, la populocratie, il reprendra sa vieille antienne
d’un pays gouverné par son peuple, qu’il jugera pourtant prudent
de gratifier de 500 euros exceptionnelles à titre de bonus pour
obtenir sa neutralité dans le conflit. D’un guide sans pouvoir,
ni attributs, alors que ses placements à l’étranger sont estimés
à près de cent trente milliards de dollars. Il tentera un coup
de bluff, en reprenant temporairement une localité à proximité
de Benghazi, le terminal pétrolier d’Al-Braiga, dans le golfe de
Syrte, le fief de sa tribu, avant d’en être délogé. Pratiquant
la dénégation, l’homme parie en son for intérieur sur une
intervention américaine dont il espère qu’elle ressouderait la
population autour da sa personne ou lui redonnerait l’image d’un
martyr: Flambeur impénitent, Kadhafi joue à la roulette russe le
sort de son pays.
Revanche posthume de tous les suppliciés innocents du fait
pathologique du prince, la chute du tyran, à n’en pas douter, va
être accueillie avec une particulière satisfaction par les
chiites arabes et l’Iran dont il avait ravi leur chef
charismatique à son envol, à l’orée de la décennie 1980.
Sous Kadhafi, pendant 42 ans, La Libye a été l’Albanie de la
décennie 1950, la Corée du Nord de la décennie 2000. Arme de
destruction massive contre son propre peuple et contre les
intérêts généraux du Monde arabe, nulle larme n’a été versée,
nulle ne le sera pour ce fossoyeur de la cause nationale arabe,
le garde chiourme de l’Europe, le fossoyeur de son peuple dans
l’unique guerre qu’il aura véritablement menée. Contre son
peuple, le peuple de la Jamahiriya, littéralement «l’état des
masses populaires», qu’il transformera, en guise d’épilogue de
son bilan sanguinaire, en «Etat des massacres populaires».
Références 1- Quatrième producteur de pétrole
en Afrique, avec près de 1,8 million de barils par jour, la
Libye possède des réserves évaluées à 42 milliards de barils. Le
pétrole libyen représente plus de 20 % des importations d’or
noir de l’Irlande, de l’Italie et de l’Autriche et des parts
significatives des approvisionnements de la Suisse, la Grèce ou
l’Espagne, selon l’Agence internationale de l’Énergie. Sur les
1,8 million de barils par jour (mbj) de pétrole brut produits,
la Libye en exporte 1,49 mbj, en immense majorité (85 %) vers
l’Europe. Voici les pays qui dépendent le plus du pétrole
libyen: Irlande 23,3%, Italie 22,0%, Autriche 21,2%, Suisse
18,7%, France 15,7%, Grèce 14,6%, Espagne 12,1%, Portugal 11,1%
Royaume-Uni 8,5% Allemagne 7,7% Chine 3%, Australie 2,3%,
Pays-Bas 2,3%, États-Unis 0,5%. Grâce à ses réserves de pétrole
et de gaz naturel, la Libye a une balance commerciale en actif
de 27 milliards de dollars annuels et un revenu moyen-haut par
habitant de 12 mille dollars, six fois plus élevé que celui de
l’égyptien. Environ 1,5 million d’immigrés en majorité
nord-africains travaillent en Libye.
Une intervention humanitaire ou militaire américaine,
conjuguée ou non avec l’Otan, avec ou sans l’accord de l’ONU,
permettrait aux États Unis de mettre la main sur le robinet
ravitaillant l’économie européenne, dans un contexte marqué par
l’exacerbation des rivalités entre les Occidentaux et la Chine
pour la répartition des ressources africaines. La Chine, 2me
puissance économique mondiale, est déjà présente au Soudan,
voisin de la Libye.
Avec environ 5 millions d’entrepreneurs et ouvriers en
Afrique, elle a déjà supplanté la France et le Royaume Uni comme
2 me investisseur sur le continent africain. Pour contrer
l’influence chinoise, les pays occidentaux ont scellé un
partenariat militaire avec l’Union africaine, dont le quartier
général sera installé à Addis Abéba. Les États Unis s’appuient
en effet sur le Commandement Africa (AfriCom) pour s’en servir
comme principal instrument de pénétration en Afrique.
2- La zone orientale du pays, sous influence culturelle
égyptienne, (Benghazi et Al-Bayda), a été la première à faire
sécession. Jamais véritablement acquise à Kadhafi, la zone
rebelle Benghazi, la grande ville portuaire de l’Est du pays, a
même repris l’ancien emblème national en vigueur du temps de la
Monarchie. L’Emirat de Barka, qui s’étend de la frontière
égyptienne au Golfe de Syrte est demeuré fidèle aux traditions
de la dynastie senoussie, particulièrement Al Bayda, La Blanche,
ville des 250 000 habitants, au cœur du Djebel El Akhdar, La
Montagne Verte, est à égale distance à vol d’oiseau (800 km) de
Tripoli et d’Alexandrie, mais elle est plus proche par la route
de la métropole égyptienne que de la capitale libyenne. Son nom
était Al Zaouiya Al Bayda, La Confrérie blanche, du nom du siège
de la confrérie senoussie, dont le siège domine la ville. Elle
mérite aussi son nom par les abondantes chutes de neige qui la
recouvrent en hiver. Vendredi 18 février 2011, Al Bayda aurait
été libérée du régime kadhafiste, et la population, appuyée par
la police locale, y aurait pris le pouvoir, au terme
d’affrontements qui auraient fait près de 200 tués du côté des
contestataires.
3- La zone loyaliste: Le centre du pays, autour de Syrte
abritent les deux grandes tribus qui se sont partagé le pouvoir
sous l’ère post monarchique: Al Kazazafa (la tribu de Kadhafi)
et Al Moukarfa (la tribu d’origine du numéro du régime libyen le
commandant Abdel Salam Jalloud, évincé du pouvoir en 1993 et
d’Abdallah Senoussi, le plus proche collaborateur du Colonel
Kadhafi et d’un des inculpés de l’attentat de Lockerbie Al
Moukreif. Province choyée et cible d’une expédition punitive de
l’aviation américaine, dans la décennie 1980, pour châtier
Kadhafi de son soutien au terrorisme, la zone centrale s’est
divisée entre partisans et adversaires de Kadhafi. La
configuration tribale de la zone qui comporte douze tribus
parait partagée entre loyalistes et contestataires. La tribu Al
Moukarfa du commandant Jalloud ayant rejoint les contestataires
après l’intervention de l’aviation contre la population civile
ainsi que les tribus Wazen, Kaba, al Badr, Tiji.
La région capitale qui va de Tripoli à Ghadamès, dans la zone
frontalière méridionale. Elle abrite les tribus de Zentane et
Ourfala, ralliées à la révolution populaire.
La zone du Fezzan, elle, a, dès le début des troubles,
tranché en faveur de la contestation. Les Touaregs, longtemps
objet de vexations et de brimades, privés de passeport pour
s‘assurer leur soutien, ont rallié très tôt la contestation
populaire. Zone frontalière du Mali, du Tchad, du Niger, le
trafic à destination de ces pays a été fermé. Abritant la ville
de Sebha, base arrière de la guerre du Tchad, dans la décennie
1980, la zone a beaucoup souffert des hostilités et des
variations d’humeur du colonel Kadhafi dans sa politique à
l’égard de la main d’œuvre africaine.
4- La confrérie «Al Sannoussia» est une confrérie religieuse
musulmane fondée à La Mecque, en 1837, par le Grand Senoussi
Sidi Mohamad Ben Ali Al-Senoussi Senoussi (1791–1859) qui s’est
implantée en Libye et les pays limitrophes (Algérie, Egypte,
Soudan, Niger, Soudan et au Tchad). Elle a combattu la présence
italienne et française et son chef d’alors, Sidi Mohamad Idriss
Al-Mahdi Al Senoussi (1916-1969) avait accédé au trône sous le
nom du Roi Idriss Ier. Il sera renversé en 1969 par le coup
d’état du colonel Mouammar Kadhafi. Réfugié au Caire, il mourra
en 1983. Depuis 1992, son descendant, Sidi Mohamad Ben Al Hassan
Al-Senoussi est le prétendant au trône.
Sur le plan religieux, la confrérie se propose d’opérer un
retour aux sources du Coran et à l’unité de l’Islam, d’une part,
et, de résister à l’occupation européenne du monde arabe et plus
particulièrement en Afrique du nord. Son fondateur Mohammed Ben
Ali As-Senoussi naquit en Algérie en 1780. Après des études à
Fez, qu’il approfondit à La Mecque et à Médine, cet ascète
rassembla ses premiers disciples, prêchant dans les pays qu’il
traversa. En 1843, ne pouvant rentrer en Algérie, occupée par
les Français, il s’établit en Cyrénaïque, dans l’actuelle Libye,
où il fonda Zaouïa Al-Beida (le monastère blanc), la première
cellule religieuse de la confrérie. Il s’est implantée en Libye
et les pays limitrophes (Algérie, Egypte, Soudan, Niger, Soudan
et au Tchad). Elle a combattu la présence italienne et
française. Son chef d’alors, Sidi Mohamad Idriss Al-Mahdi Al
Senoussi (1916-1969) avait accédé au trône sous le nom du Roi
Idriss Ier. Il sera renversé en 1969 par le coup d’état du
colonel Mouammar Kadhafi. Réfugié au Caire, il mourra en 1983.
Depuis 1992, son descendant, Sidi Mohamad Ben Al Hassan
Al-Senoussi est le prétendant au trône. Peu avant de mourir le
18 Juin 1992, le prétendant au trône, Hassan Al Rida a nommé son
second fils, Sayed Mohammed (né le 20 0ctobre 1962), son
héritier. Le Prince vit à Londres. Il hérite d’une situation
politique inconfortable. L’opposition libyenne n’a que peu de
voix à l’extérieur de son pays et aucune dans son pays. Crée en
1981 à Londres par Mohamed Ben Ghalbon, l’Union
Constitutionnelle Libyenne lutte ouvertement pour le
rétablissement de la monarchie en faveur des Senoussis.
Omar Al Mokhtar: Héros de l’indépendance libyenne
(1862-1931), surnommé « Cheikh des militants », est né en Libye
à Zawia Janzour de la tribu arabe Al Abaidi de Mnifa. Omar El
Mokhtar est le fils de Mokhtar Ben Omar et d’Aïcha Bent Mohareb.
A 16 ans, orphelin de son père, il se rendit en pèlerinage à la
Mecque et grandi dans les mosquées des Senoussie. Ses études
seront couronnées par sa nomination comme cheikh de la mosquée
Al-Okour. Au départ d’Idris Al-Senoussi vers l´Egypte en 1922,
Omar Al-Mokhtar prendra la relève du chef de la confrérie,
menant pendant vingt ans la guérilla contre l’Italie qui tentait
de reconquérir la Libye au prétexte que ce pays constituait une
province de l’Empire romain et qu’elle revenait à l’Italie en
vertu de ses droits historiques découlant de la succession
d’états.
© Toute reproduction intégrale ou
partielle de cette page faite sans le consentement écrit de René
Naba serait illicite (Art L.122-4), et serait sanctionnée par
les articles L.335-2 et suivants du Code.
Publié le 5 mars 2011 avec l'aimable autorisation de René Naba.
Libye: Kadhafi, portrait
total 1/3
Libye: Kadhafi, portrait
total 2/3
Les
textes de René Naba
Le dossier Libye
Les dernières mises à
jour
|