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Le Web de l'Humanité
Gérard Coupat « Craignant sa révolte, le pouvoir met la jeunesse
en taule »
Photo L'Humanité
Mardi 23 décembre 2008
Tarnac . La demande de libération de Julien Coupat doit être
examinée aujourd’hui. Son père, Gérard Coupat, dénonce les
raisons politiques de l’incarcération de son fils et de sa
compagne. Aujourd’hui, Julien Coupat et sa compagne Yldune,
les deux derniers inculpés de Tarnac encore incarcérés,
pourraient être libérés. Le père de Julien, Gérard Coupat,
médecin à la retraite, nous donne son analyse de ce qui n’est
pour lui qu’une manipulation politico-policière.
Concrètement, que va-t-il se passer aujourd’hui ?
Gérard Coupat. Le juge des libertés s’est prononcé, vendredi,
pour la remise en liberté de mon fils. Le parquet a aussitôt
fait appel, invoquant un « référé détention » pour le maintenir
en prison, ce à quoi Me Irène Terrel, l’avocate de Julien, s’est
opposée. La chambre va donc se prononcer sur l’opportunité de ce
« référé détention ». Si elle dit qu’il n’a pas lieu d’être,
Julien sera libéré tout de suite. En revanche, si elle estime
que ce « référé détention » est légitime, Julien ne pourra pas
sortir tout de suite mais verra sa demande de remise en liberté
examinée vendredi. Si elle lui est refusée, il passera la fin de
l’année derrière les barreaux, malgré l’avis du juge des
libertés, qui, contrairement au parquet, est un juge
parfaitement indépendant du pouvoir politique. Comme c’est le
politique qui a monté de toutes pièces cette affaire, peut-être
que les blocages vont persister. Mais politiquement, justement,
ce serait parfaitement stupide. Garder en prison Julien et
Yldune sans aucune preuve alors qu’il va y avoir des mouvements
sociaux en janvier, c’est prendre le risque d’en faire des
icônes. Si j’étais à la place des ministres de l’Intérieur et de
la Justice, je les remettrais tout de suite en liberté.
Malheureusement, la clairvoyance ne semble pas être, jusque-là,
la principale qualité de ces dernières…
Comment avez-vous réagi lorsque le juge des libertés
s’est prononcé pour une remise en liberté de Julien ?
Gérard Coupat. Parler de soulagement serait exagéré parce
que, depuis le début, je sais que cette affaire n’est qu’un
montage politique. J’ai néanmoins apprécié qu’un magistrat
indépendant, en son âme et conscience, dise, au vu du dossier,
qu’on ne peut garder mon fils en prison, comme l’ont fait les
précédents juges des libertés à l’égard des autres inculpés de
Tarnac. Cela ne fait qu’infirmer la thèse de Michèle
Alliot-Marie selon laquelle Julien serait un grand chef
terroriste, comme si l’on avait affaire aux Brigades rouges ou à
la Bande à Baader…
Depuis le début, vous dénoncez une manipulation
politique ?
Gérard Coupat. Évidemment. Et pourtant, je suis tout sauf
quelqu’un de politisé : à la dernière présidentielle, j’ai voté
Bayrou puis Royal. Après avoir vu la ferme attaquée par une
centaine de policiers et nous être demandé un instant, sous
l’émotion, si notre fils avait viré de bord, on s’est dit :
depuis quand une opération antiterroriste se fait sous l’oeil
des caméras ? Depuis quand un ministre de l’Intérieur n’attend
même pas la fin des perquisitions pour s’exprimer et crier
victoire ? On a bafoué là toutes les lois de la République, et
je suis encore étonné que des gens comme ça puissent être
ministres. Après avoir vu fonctionner un mois durant le
ministère de l’Intérieur et celui de la Justice, moi qui me suis
toujours pensé comme un républicain, j’en suis arrivé à
comprendre ces jeunes qui ne votent plus : ce personnel
politique ne mérite pas qu’on vote pour lui ! Sans parler du
temps qu’il a fallu à l’opposition - à l’exception de Noël
Mamère, de Patrick Braouezec et Nicole Borvo, pour le PCF, ainsi
que de quelques socialistes à titre individuel - pour s’exprimer
et dénoncer ce qui n’est qu’une magouille.
Vous avez mené votre propre enquête ?
Gérard Coupat. Dans un premier temps, j’ai demandé à l’une de
mes relations, haut placée dans les chemins de fer, de voir si
des ingénieurs pouvaient enquêter sur la faisabilité de ce qui
était reproché aux inculpés de Tarnac. Vu les prises de position
du patron de la SNCF, ils m’ont dit que cela n’allait pas être
possible. C’est donc grâce à des syndicalistes que j’ai pu
rencontrer des techniciens qui m’ont expliqué combien il est
farfelu d’imaginer que Julien et Yldune puissent arriver à
arrimer des fers à béton sur une caténaire. C’est une
manipulation qui ne peut être faite que par des gens très bien
entraînés et en aucun cas à deux personnes. Sans parler des
problèmes d’électricité résiduelle dans des câbles où circule du
25 000 volts. D’où l’hypothèse que la police n’a jamais retenue
- parce qu’elle contrecarre ses plans : celle, connue depuis le
début, des écologistes allemands qui utilisent cette technique
depuis vingt ans. Autre hypothèse : tout cela n’est qu’une
barbouzerie de plus. Cela ne me surprendrait guère car je ne
vois pas d’où peuvent sortir les gilets pare-balles qui ont été
retrouvés à la ferme de Tarnac. Une ferme qui, soit dit en
passant, doit être la seule de Corrèze où il n’y a jamais eu
d’armes à feu ! Heureusement que la personne à qui on a voulu
faire signer les scellés a refusé de le faire.
À votre avis, que vise le pouvoir ?
Gérard Coupat. Depuis le 11 septembre 2001, on a affaire au
marketing de la peur. C’est un mode de gestion politique. Et si,
autour de la jeunesse de banlieue, a été dressé une sorte de
« cordon sanitaire », là, à travers les jeunes de Tarnac, le
pouvoir vise essentiellement les jeunes politisés issus de la
classe moyenne, celle qui est en train de s’en prendre plein la
gueule en ce moment. La classe politique sait qu’en janvier et
en février, ça va péter. Parce qu’on ne peut pas accepter 150
000 chômeurs en plus et, dans le même temps, des milliards pour
sauver les banques, ni des suppressions de postes dans
l’éducation nationale alors que cela fait deux générations que
l’école est en panne. Il va donc y avoir des manifestations dans
lesquelles on trouve cette jeunesse issue des classes moyennes,
qui commence à remuer parce que, ayant fait quelques études,
elle sait qu’on est en train de l’envoyer dans le mur, qu’on est
en train de mettre en place une société inacceptable pour elle.
Comme le pouvoir ne veut surtout pas que cette jeunesse puisse
être l’élément déclencheur d’une révolte, il la met en taule.
Vous avez pu voir Julien ce week-end, comment
va-t-il ?
Gérard Coupat. Physiquement, il va bien. Mais il est comme un
lion en cage. Parce qu’en prison, vous ne pouvez ni vous faire
entendre ni vous défendre. D’autant que nous - ses proches, sa
famille -, nous ne sommes pas des professionnels de la
communication. La preuve ? Là dernière interview que j’ai
accordée à la télé : alors que j’étais en train d’expliquer que
mon fils, c’était tout sauf un terroriste, les images diffusées
étaient celles d’émeutes d’une violence extrême. À votre avis,
qu’ont retenu les téléspectateurs : mes explications ou les
images ? Mais c’est presque normal : en France, la télé
appartient soit à l’État soit à des copains du président de la
République. Résultat : dès le premier jour, les jeunes de Tarnac
ont été présumés coupables, et présentés comme tel. Toutefois,
je n’en veux pas aux magistrats, je sais dans quelles conditions
ils travaillent, et sous quelle pression. Car la première
responsable de la situation dans laquelle on se trouve, c’est la
ministre de l’Intérieur : elle a voulu monter un coup et, voyant
qu’elle s’est plantée, depuis, elle sort ses griffes.
Entretien réalisé par Sébastien Homer
© Journal
l'Humanité
Publié le 24 décembre 2008 avec l'aimable autorisation de
l'Humanité.
Lettre ouverte des parents
des inculpés du 11 novembre
Site
du Comité de soutien
aux inculpés
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