|
Centre Palestinien
d'Information
Hamas : son histoire de l'intérieur (28)
Photo CPI
Dimanche 3 mai 2009
Dr. Azzam Tamimi
L’ouvrage
Hamas : Son histoire de l’intérieur
de Dr. Azzam Tamimi s’inscrit dans
une volonté de montrer au monde la vision du mouvement du
Hamas et d’expliquer ainsi son développement. Le département
français du Centre Palestinien d’Information (CPI) a donc
jugé intéressant d’en présenter ici la traduction complète,
diffusée régulièrement en de nombreuses parties.
En Jordanie (8)
La création d’une tension entre le Hamas et
les Ikhwan jordaniens
Le chef des renseignements jordaniens projeta aussi de créer un
désaccord entre le Hamas et les Ikhwan jordaniens. Ceci n’aurait
eu aucune chance d’aboutir s’il n’y avait pas eu la crise que
les Ikhwan en Jordanie subissaient eux-mêmes. Un terrible
conflit de pouvoir interne faisait rage au sein des Ikhwan, qui
prit à ce moment particulier la forme d’un désaccord sur la
participation ou le boycott des élections de 1997 en Jordanie.
Après une conférence interne au début de 1996, suivie par un
plébiscite des membres, la direction décida de boycotter les
élections. Trois raisons étaient mises en avant en faveur du
boycott. La première était l’insistance du gouvernement à
appliquer la loi électorale comme amendée en 1993, qui limitait
le nombre de circonscriptions dans lesquelles les Ikhwan
pouvaient se tenir et qui leur interdisait de créer des
alliances avec d’autres groupes politiques. A cause de
l’amendement, la part parlementaire de du Front de l’Action
Islamique, que les Ikhwan avaient établi comme leur parti
politique en 1992, fut réduit de vingt-deux sièges en 1989 à
seize sièges en 1993. La portion de tous les groupes
d’opposition au parlement fut divisée par deux, de soixante-dix
pour cent à trente-cinq. La seconde raison était la
falsification à grande échelle dont le gouvernement fut accusé
durant les élections de 1993, notamment dans la province d’Al-Zarqa,
une des citadelles des Ikhwan. La troisième raison et la plus
importante était le traité de paix Wadi Araba d’octobre 1994
entre la Jordanie et Israël. Les Ikhwan s’opposèrent avec
véhémence à ce traité, mais ils ne purent rien y faire si ce
n’est exprimer leur objection dans la forme d’un boycott des
élections parlementaires.
En réalité, la querelle était encore plus que juste cela :
c’était une question de pouvoir et d’influence. Le Front de
l’Action Islamique avait commencé à poser une sérieuse menace à
l’autorité de la direction des Ikhwan comme représentée par son
bureau exécutif. Bien qu’il y eût un degré de congruence, les
leaders du Front n’étaient plus directement impliqués dans la
direction même des Ikhwan, même si certains d’entre eux furent
aussi à diverses reprises des membres du bureau exécutif. A
travers leurs activités politiques et médiatiques, les membres
du Front acquirent un niveau de prestige aux yeux du public que
les Ikhwan n’avaient jamais obtenu. Nombre de figures du Front
devinrent des célébrités politiques et devirent naturellement
enviés par leurs frères. Peu de membres du bureau exécutif
pouvaient cacher leur ambition de partager cette renommée.
Certains, toutefois, n’aimaient pas le fait que le Front de
l’Action Islamique prît tout le mérite, alors que les membres du
bureau exécutif restaient cachés du regard du public. Pour la
première fois dans l’histoire des Ikhwan jordaniens,
l’organisation eut vraiment deux directions en compétition. La
seule façon pour que le Front soit placé sous contrôle, et que
son pouvoir croissant soit contrôlé, c’était de le mettre de
côté. Si les leaders du Front n’étaient pas autorisés à prendre
part aux élections, ils n’auraient pas de rôle public. Il est
possible que ce soit une raison pour laquelle le bureau exécutif
soutint un boycott électoral. L’autre raison était liée à une
hostilité interne qui se poursuivait entre deux groupes au sein
des Ikhwan, qui furent connus comme étant les faucons et les
colombes. La direction d’alors des Ikhwan comprenait surtout des
éléments colombins, qui étaient accusés par les membres plus
bellicistes d’avoir une tendance vers le compromis avec le
régime et de diluer les valeurs et les principes sur lesquels le
mouvement avait été fondé. Les faucons, d’autre part, dont
certains étaient des théologiens et des orateurs publics
renommés, s’étaient toujours identifiés avec la cause
palestinienne. Lorsque le Hamas vint en Jordanie, les faucons
des Ikhwan revendiquèrent être ses gardiens, employant leur
association ostensible avec lui comme une source de légitimité
et de crédibilité, et finalement, comme une arme dans leur
rivalité avec les colombes des Ikhwan.
La direction du Hamas en Jordanie, qui était déjà tant
préoccupée, se tint à l’écart de ces rivalités. Cependant, il
fut involontairement tiré dans la querelle à cause de ce qui
semblait devenir une dispute sur les priorités. Des officiels du
Hamas donnèrent au Front de l’Action Islamique le mérite d’avoir
été au premier rang dans la défense du Hamas, et pour avoir
dirigé la critique envers le gouvernement jordanien pour son
attitude négative envers le Hamas. Ils suspectèrent, toutefois,
que les Ikhwans étaient graduellement pris par une tendance dont
la philosophie était que leur organisation devait se focaliser
sur des questions locales plutôt que sur des questions de nature
internationale, dont la Palestine. Cette perception alerta le
Hamas ; jamais auparavant un leader des Ikhwan en Jordanie
n’avait osé reléguer la question palestinienne, pas même à la
seconde place, sans parler de la rétrograder à une basse
position dans leur liste des priorités. Le leader adjoint des
Ikhwan, Imad Abu Dayyad, fut suspecté de diriger cette tendance,
dont l’argument était que comme le champ d’opération du Hamas
était dans les territoires occupés, sa direction devait être à
l’intérieur de la Palestine, non pas en Jordanie. Certains
commentateurs des Ikhwan exprimèrent l’avis que les leaders du
Hamas en Jordanie devaient décider s’ils voulaient être
palestiniens ou jordaniens. S’ils choisissaient la première
option, alors leur place devait être en Palestine, mais s’ils
choisissaient la seconde, ils devaient cesser d’opérer en tant
que membres du Hamas depuis la Jordanie.
De telles idées durent sonner comme une musique aux oreilles du
directeur du département des renseignements généraux Samih Al-Battikhi.
Ils lui fournirent le stimulant pour continuer ses machinations
contre le Hamas.
Hamas: son histoire de
l'intérieur (27)
Hamas: son histoire de
l'intérieur (29)
Traduction réalisée
par le Centre
Palestinien d’Information (CPI)
|