Les blogs du Diplo
Propagande et
désinformation à l'israélienne (II)
Alain Gresh
Alain Gresh
Mardi 26 janvier 2010 Dans
un
précédent envoi, le 13 janvier, j’avais commencé l’analyse
d’un document publié par The Israel Project, une officine
défendant l’Etat d’Israël. Ce texte d’une centaine de pages, qui
ne devait pas être rendu public, avait été dévoilé au mois de
juillet dernier par Douglas Bloomfield, un ancien et important
responsable du lobby pro-israélien AIPAC, dans un article du
New Jersey Jewish News, sous le titre « Change
the policy or change the subject ? ». Cet article fut suivi
par un autre, écrit par Chris McGreal pour le quotidien
britannique The Guardian (23 août 2009), sous le titre « Pro-Israel
groups accuse Obama of promoting “ethnic cleansing” ». Selon
le journaliste, dans le document mentionné, The Israel Project
affirmait que le démantèlement des colonies israéliennes
équivalait à un nettoyage ethnique et mettait en cause la
sécurité d’Israël.
A la suite d’un coup de fil demandant des précisions,
Jennifer Laszlo Mizrahi, fondatrice et présidente de The Israel
Project, nous a transmis cette précision :
« La version de ce guide qui circulait sur le Web était
une version préliminaire et elle contenait des choses que nous
avons retirées. Par exemple, dans l’ébauche, nous avons utilisé
les mots “nettoyage ethnique” : une grosse erreur qui a été
retirée. Mais l’ancienne version de ce guide a été mise en
ligne : nous avons donc envoyé une explication et des excuses
aux journalistes qui nous ont interrogés à ce sujet. »
Elle m’a aussi envoyé une mise au point allant dans le même
sens qu’elle avait fait parvenir au Guardian et que ce
quotidien avait reproduite le 26 août sous le titre « No
ethnic cleansing ».
J’ai ensuite demandé à Mme Mizrahi de m’envoyer la version
définitive du texte. Elle m’a expliqué que ce document n’était
pas important, qu’elle ne s’en servait pas, qu’elle ne l’avait
pas regardé depuis plusieurs mois, etc.
J’en ai conclu que, bien que The Israel Project ait fait son
autocritique sur la question du « nettoyage ethnique », ce texte
restait significatif de ce que son organisation faisait, et j’en
poursuis donc l’analyse. D’autant que Jennifer Mizrahi écrivait
en introduction du texte dont elle prétend aujourd’hui qu’elle
ne le lit plus :
« Au nom de notre conseil et de l’équipe, nous vous
proposons ce guide destiné aux leaders visionnaires qui sont sur
les lignes de front de la guerre médiatique pour Israël. Nous
voulons que vous réussissiez à gagner les cœurs et les esprits
du public. Nous savons que, en réussissant votre mission, vous
contribuez à la fois à aider Israël et notre famille juive
mondiale. Ainsi, nous vous offrons ces mots avec nos vœux les
plus sincères pour votre succès. Puissent vos paroles aider à
apporter la paix et la sécurité à Israël et au peuple juif ! »
Il faut dire aussi un mot de l’auteur de ce texte, Frank
Luntz, un homme lié à la droite américaine, commentateur sur la
chaîne de télévision Fox et dont on trouvera une intéressante
biographie
sur Wikipedia. Il a notamment joué un rôle actif auprès du
président Bush dans la campagne pour minimiser les risques liés
au changement climatique.
Le chapitre III du document explique comment il faut parler
du « self government » des Palestiniens, alors que la majorité
des Américains et des Européens soutiennent l’idée de deux Etats
vivant côte à côte. Le manuel propose de ne pas aller
ouvertement contre cette conviction, mais de dire que la paix
doit venir avant la définition des frontières :
« “La paix avant les frontières politiques” met en place
la dynamique parfaite pour vous. Ce slogan met en avant la
nécessité d’arrêter les roquettes, arrêter les bombardements, et
de créer un cessez-le-feu, tout en minimisant subtilement
l’importance de d’une solution à deux Etats en l’appelant “les
frontières politiques”. Le slogan de la paix est toujours plus
fort que celui de la politique dans l’esprit de l’élite.
Toujours. »
Plus loin, l’auteur demande de souligner que la lutte est
« une lutte idéologique, pas une lutte pour la terre, une lutte
contre le terrorisme, pas une lutte pour les territoires. C’est
pourquoi vous devez éviter d’utiliser les arguments religieux
d’Israël pour la terre pour justifier le refus d’abandonner la
terre. De telles affirmations font apparaître Israël comme
extrémiste aux yeux de gens qui ne sont pas des croyants
chrétiens ou juifs. »
Il faut aussi apparaître comme « pro-palestinien » (sic),
parce que c’est ce que la gauche européenne ou américaine veut
entendre. Mais un danger surgit du fait que l’opinion américaine
commence à faire la différence entre l’Autorité palestinienne et
le Hamas. « C’est une évolution très inquiétante parce que
cela peut l’amener à excuser ou à écarter le terrorisme et la
culture de la haine propagée par l’Autorité palestinienne
elle-même. » Quoi qu’il en soit, conclut ce chapitre,
apparaître comme soutenant les Palestiniens est la manière la
plus crédible de défendre Israël...
(La suite dans un prochain envoi, si j’ai le courage de
continuer...)
Les analyses d'Alain
Gresh
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