Rapport
Israël verrouille son territoire contre
les critiques
CPI
Photo :
CPI
Samedi 25 novembre 2017
Par Laura Raim
Plusieurs élus
français PCF, FI et Verts sont les
dernières victimes des interdictions
d’entrée pour tout partisan du mouvement
BDS. Au-delà, c’est la liberté
d’expression que l’État d’Israël, de
plus en plus démantèle
méthodiquement. L’élection de
Donald Trump aurait-elle enhardi le
gouvernement d’extrême droite israélien
? La "seule démocratie du Moyen-Orient"
a annoncé la semaine dernière qu’elle
refusait l’entrée sur son territoire à
sept élus français qui s’apprêtaient à
rendre une visite de soutien aux
prisonniers palestiniens.
Le secrétaire
national du PCF, Pierre Laurent, les
députés France insoumise Clémentine
Autain, Danièle Obono, Michel Larive, et
Muriel Ressiguier, les députés européens
Pascal Durand (Verts / Alliance libre
européenne) et Patrick Le Hyaric (PCF),
ainsi que les maires communistes
Azzedine Taibi, Éric Roulot, et Patrice
Leclerc ont par conséquent décidé de
renoncer au déplacement organisé par les
maires membres de l’Association pour le
jumelage entre les camps de réfugiés
palestiniens et les villes françaises
(AJPF).
Raison officielle
invoquée : ces responsables politiques
seraient des partisans du mouvement
international Boycott,
désinvestissement, sanctions (BDS),
qualifié d’ « antisémite » et de «
haineux » par ses détracteurs.
"Menace
stratégique" et représailles
Créé en 2005 par
l’activiste palestinien Omar Barghouti
contre la politique israélienne
d’occupation et de colonisation, le
mouvement n’a cessé de marquer des
points ces dernières années : des fonds
de pension tels que PGGM aux Pays Bas,
FDC au Luxembourg ou Danske Bank au
Danemark ont décidé de se retirer du
pays, Veolia a renoncé à construire le
tramway à Jérusalem, tandis que le
partenaire israélien d’Orange, Partner,
a rompu son contrat en Cisjordanie.
« Une menace
stratégique » qui n’allait pas rester
sans représailles : En août 2016, le
gouvernement a mis en place une équipe
chargée de repérer les boycotteurs afin
de les empêcher de voyager en Israël. Un
an après, la Knesset adoptait une loi
interdisant d’accorder un visa ou un
titre de séjour à tout étranger
défendant le boycott.
S’il s’agit de la
première fois que cette disposition
sanctionne des élus nationaux étrangers,
le nombre d’interdictions d’entrée sur
le territoire avait déjà fortement
progressé. Selon Haaretz, Israël a
refusé l’année dernière 160
Britanniques, 109 Allemands, 52
Italiens, 42 Canadiens, 40 Suédois et 33
Australiens, pour la plupart militants
pro-palestiniens.
Cet été, cinq
Américains n’ont pu embarquer à bord de
leur vol à Washington. Parmi eux, la
femme rabbin Alissa Wise, membre de
Jewish Voice for Peace, qui affirme
ainsi être la première juive américaine
à subir les effets de la loi anti BDS.
"Instrument légal"
La nouvelle
législation vise officiellement les
boycotteurs, mais elle permet en
pratique de bannir plus largement toute
personne apparaissant comme trop
critique d’Israël. Qu’importe, par
exemple, que Pascal Durand n’ait jamais
soutenu BDS, mais seulement relayé sur
Facebook un rapport d’ONG sur les
"liaisons dangereuses de banques
françaises avec la colonisation
israélienne" et signé une pétition en
faveur de la libération de l’avocat
franco-palestinien Salah Hamouri, placé
depuis fin août août en détention
administrative, c’est à dire sans
inculpation ni procès.
Un officiel
israélien interrogé par Libération
reconnaît sans détour que les liens
supposés avec BDS sont un prétexte : «
La loi antiboycott est un instrument
légal qui nous permet désormais
d’empêcher des gens qui cherchent à
porter atteinte à notre pays d’entrer
sur le territoire ».
En l’occurrence, ce
qui heurtait le gouvernement de
Netanyahou, c’était l’intention (peu
réaliste) de la délégation de rencontrer
Marwan Barghouti, le plus célèbre des
6.200 prisonniers palestiniens en
Israël, initiateur au printemps dernier
d’un vaste mouvement de grève de la faim
des prisonniers palestiniens pour
protester contre leurs conditions de
détention.
Condamné à cinq
fois la perpétuité pour son implication
dans l’organisation d’attentats pendant
la seconde Intifada, le "Mandela
palestinien" est la personnalité la plus
populaire du Fatah. L’AJPF ayant pu
effectuer un voyage semblable l’année
dernière sans problème, c’est le
partenariat avec le Réseau des villes et
collectivités pour la libération de
Marwan Barghouti, lancé en 2008 par la
ville de Stains, qui a vraisemblablement
attiré l’attention des autorités
israéliennes.
Un arsenal de lois
liberticides
« Nous
n’autoriserons pas l’accès au territoire
à ceux qui appellent activement à s’en
prendre à Israël, en particulier quand
ils demandent à rencontrer et à
conforter un fieffé meurtrier comme
Barghouthi, incitant ainsi à soutenir le
terrorisme », a indiqué le ministre de
la Sécurité publique Gilad Erdan, en
charge de la réponse de l’État contre le
BDS.
Des propos assez
proches de ceux tenus mercredi dernier à
l’Assemblée par le député UDI
franco-israélien Meyer Habib, qui a
accusé les membres de la délégation de
vouloir « soutenir des terroristes,
Barghouti et Hamouri, les mêmes sur ces
bancs pour lesquels quand on massacre en
France, c’est du terrorisme, en Israël,
c’est de la résistance ».
« Agir pour
l’application des résolutions de l’ONU
et contre la colonisation
constituerait-il désormais un engagement
si insupportable qu’il légitimerait, aux
yeux des autorités israéliennes,
l’interdiction de venir sur leur
territoire, y compris pour des élus
français ? s’inquiètent dans un
communiqué les députés de La France
insoumise. Comment un État qui se dit
démocratique peut-il proférer de telles
menaces ? »
Une interpellation
qui a peu de chance d’émouvoir le
gouvernement le plus droitier de
l’histoire de l’État hébreu, qui ne
cesse d’étoffer son arsenal de lois
liberticides. Dernière en date, une loi
votée en janvier interdit à Breaking the
silence, l’association d’anciens
militaires israéliens témoignant des
violences commises dans les Territoires
occupés, d’intervenir dans les écoles.
L’Association pour
les droits civiques en Israël doit-elle
le rappeler ? « La liberté d’expression
n’est pas juste le droit de s’exprimer,
mais aussi le droit d’exprimer ses
opinions, même si ces opinions
scandalisent et exaspèrent la majorité
des Israéliens. »
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