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Bellaciao
Interview de Maître Bastardi Daumont par Héraclès Productions
Me Bastardi Daumont
Mercredi 10 février 2010
Me Bastardi Daumont: "Faurisson, Moix,
Blanrue, Frèche, Dieudonné: l’ère de la répression des
mots !"
Bonjour
Maître Bastardi-Daumont et merci d’accepter cet entretien. Vous
êtes aujourd’hui l’un des avocats les plus controversés en
France sur Internet. Que ressentez vous par rapport à cela ?
Rien.
Le monde s’en fout, et moi aussi. Ca fait rire les oiseaux.
Controversé, pourquoi ?
C’est
simple : vous avez d’abord contribué plus que largement à la
diffusion de l’ouvrage polémique « Sarkozy
Israel et les Juifs », de Paul Eric Blanrue, livre que
vous préfacez, vous êtes en 30 ans le premier avocat du pays à
obtenir la relaxe du négationniste Robert Faurisson, et vous
rejoignez les avocats de Dieudonné, tout en participant à la
demande de dissolution de la LDJ. Ca fait beaucoup. N’avez-vous
pas peur de vous coller une étiquette ?
Certes,
j’en défends d’autres encore, et alors ? Pour information,
Robert Faurisson est révisionniste. Nuance. Il ne nie pas les
souffrances ni les persécutions, il révise la l’Histoire de la
seconde guerre mondiale. Quant à la LDJ, c’est un groupuscule
violent et xénophobe sur le site duquel on pouvait lire "Gaza
doit pleurer des larmes de sang", et, surtout, certains membres
revendiquent des agressions physiques. A ma connaissance les
milices sont interdites en France depuis 1936. Pour autant, le
Ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux détourne le regard de la
LDJ et dissout le mouvement de Kemi Seba, non violent. Allez
comprendre. Plus de 3750 français ont demandé la dissolution de
cette milice, silence du gouvernement. J’ai fait partie des
premiers signataires, avec d’autres avocats, avec le MRAP, c’est
le devoir d’un Républicain que de préserver la paix sociale de
ce genre de groupuscules.
D’autres
clients, aussi sulfureux?
D’autres
clients heureusement, mon cabinet gère pléthore d’affaires de
tout type. Sulfureuses? Secret professionnel, mais vous risquez
d’être surpris dans les mois qui viennent. Une étiquette ? tiens
donc. Quelle étiquette ?
Celle
de l’avocat des antisémites ?
Ah,
celle là, la fameuse (rires). Non, je n’ai pas peur. Je m’en
fiche. J’exécute froidement un travail qu’aucun confrère de
France n’a le courage de réaliser aujourd’hui. Même Jacques
Verges a refusé de défendre Robert Faurisson. Il en faut bien
un. Et en plus, nous avons gagné. Comme quoi rien n’est
indéfendable. Ce faisant, je rend hommage à ma Robe. Si on me
demandait de défendre d’autres axes, j’irai sans aucun état
d’âme.
Vous
rendez hommage à votre robe en défendant des antisémites ?
Je
vous arrête tout de suite : pour information, aucune des
personnes que vous nommez n’est antisémite. Au pire, quand bien
même le seraient elles, cela ne fait pas d’elles des assassins,
des pédophiles ou des braqueurs. Je défends également ce type
d’individus depuis des années. Curieusement, aucun ne suscite
autant d’émotion que des personnes qui ne font qu’écrire, ou
parler. Un avocat qui défend ses clients, quels qu’ils soient,
rend toujours hommage à sa robe. Triste France.
Triste
France ?
Oui,
triste France que celle qui fait d’une simple opinion, ou, en
l’espèce, d’un soupçon sur l’opinion d’un tiers un élément plus
choquant qu’un crime ou que des agressions physiques. Voltaire
doit se retourner dans sa tombe en voyant la France de 2010.
C’est tellement ridicule que ça en devient amusant. Notre
système est devenu une piteuse et servile oligarchie de la
pensée unique. On ne peut plus parler de rien. L’ère de la
délinquance des mots est à son apogée.
C’est-à-dire
?
Que
le processus de censure dans lequel nous sommes engagés
contamine jusqu’à la sémantique de base. Aujourd’hui on ne peut
plus dire aveugle, ou sourd. Il faut dire "mal voyant", "mal
entendant". On ne dit plus handicapé, mais "personne à mobilité
réduite". On ne peut plus dire bonne à tout faire, comme disait
Audiard, mais, "technicien de surface". On ne peut pas
caricaturer de religion sans s’exposer à des réactions
extrémistes. On ne peut pas critiquer Israël sans être traité
d’antisémite, même l’ONU y a droit. On ne peut plus se moquer de
rien, avoir de vrais débats d’idées, décomplexés, nous sommes en
pleine dictature molle de la bien pensance. Même dire « Sarkozy,
je te vois », envoie le justiciable en correctionnelle. C’est
pitoyable.
On
vous soupçonne tout de même d’appartenir au GRECE, un mouvement
politique extrémiste d’extrême droite dirigé par Alain de
Benoist.
Alain
de Benoist ? (rires) Je n’ai aucun maître en politique, et
surtout pas la xénophobe et racialiste nouvelle droite. Vous
voulez peut être parler de ces articles diffamatoires ayant
circulé sur mon compte ? Ils émanent de sites internet tout
aussi extrémistes et violents que l’extrême droite. Et bien non
figurez vous. Je suis profondément antiraciste, dans chacun de
mes actes. Pour tout vous dire, je suis même radicalement à
gauche.
Radicalement
de gauche ! Bien. On postera cet entretien sur Bellaciao !
Tant
mieux, j’aime beaucoup ce site. Bon contenu.
Dieudonné
a annoncé récemment son intention de saisir la Halde pour
discrimination par votre intermédiaire. Pouvez vous nous en dire
plus ?
Bien
sûr. C’est une action symbolique, un simple avertissement, comme
les trois coups au théâtre, pour annoncer ceci : désormais, nous
poursuivrons au pénal toute personne le discriminant de près ou
de loin pour ses opinions politiques. Dieudonné est devenu dans
le pays de la liberté d’expression un paria. D’autres
humoristes, tels qu’Arthur, Frédéric Martin, Siné, ou Patrick
Timsit ont également, comme Dieudonné, été condamnés pour
injures publiques. Certains se sont moqués des handicapés
mentaux, des musulmans, d’autres de la mucoviscidose d’un
gagnant de la Star Ac, certains ont injurié publiquement. Bref,
aucun ne subit le traitement spécial, le nettoyage par le vide
que subit Dieudonné. Or, sur un plan judiciaire, ils sont sur un
pied d’égalité. Les uns peuvent se produire ou écrire partout,
ont pignon sur rue, lui est contraint de donner ses spectacles
dans la rue, dans un bus, à cause des arrêtés municipaux
d’interdiction à répétition que les maires prennent contre lui.
Récemment mon excellent confrère Jacques Verdier en a encore
fait annuler un, mais que voulez vous, les maires s’entêtent.
Sans parler des salles de spectacles qui annulent uniquement
après avoir appris que l’artiste s’appelle « Dieudonné ». La
Fnac est allé jusqu’à retirer des bacs unilatéralement un DVD
réalisé par le journaliste Olivier Mukuna s’appelant
« est il permis de débattre avec Dieudonné ? »,
et dont le contenu est parfaitement légal, le tout malgré un
contrat régulier. Cette façon de faire, deux poids deux mesures,
est scandaleuse. Pire, elle est contreproductive, car elle
accroît les frustrations.
Vous
voulez dire que Dieudonné a décidé d’attaquer en justice ceux
qui le censurent ?
Tous,
systématiquement. On change de style.
Sur
quel fondement ?
Celui
de la discrimination pour opinion politique, entre autres. Au
pénal. La loi protège le justiciable contre toute discrimination
dans l’accès aux services qui serait fondée sur la race, la
religion ou….les opinions politiques. Or c’est de cela dont il
s’agit. Dieudonné est discriminé car il revendique son opinion
antisioniste. Or cette opinion est parfaitement légale en
France, il n’y a aucune raison qu’il paie un tel prix pour ses
convictions personnelles. Ces convictions ne sont d’ailleurs
même pas évoquées dans son nouveau spectacle, Sandrine, qui
traite d’un divorce. Pourquoi, dès lors, censurer ce dernier ?
Très drôle d’ailleurs, je vous invite à vous y rendre. Pour
revenir à notre sujet, ma conclusion est simple : les autorités
françaises n’ont pas pour vocation la correction politique des
justiciables. Dans l’inverse nous serions en plein système
fasciste, un fascisme qui ne dit pas son nom.
Il
a tout de même été jusqu’à recevoir Robert Faurisson sur scène
au Zénith, en lui remettant le prix de l’infréquentabilité.
Oui,
et alors ? y a-t-il un paradoxe ?
Que
voulez vous dire ?
Robert
Faurisson, pour qui on a été jusqu’à créer une loi afin de
l’empêcher de développer publiquement ses théories, est il
infréquentable, selon vous ?
Oui.
Et
bien voilà. Dieudonné remet le prix de l’infréquentabilité à un
infréquentable. Pas de quoi fouetter le début de la queue d’un
chat. Et pour autant, nous avons eu droit à un défilé
d’associations au procès, et à un an de prison avec sursis
requis. C’est une honte. Desproges faisait dix fois pire il y a
vingt ans. La France régresse.
Il
a fait appel ?
Naturellement.
Considérez
vous que Robert Faurisson est infréquentable ?
Non,
puisque je l’ai fréquenté en tant que client. C’est un homme
doté d’un bel humour face à la pression qu’il subit. Plus
sérieusement, au sujet de Robert Faurisson, j’ai le même avis
que la Cour d’appel de Paris, qui décidait, mot pour mot, le 26
avril 1983 : les accusations de légèreté
formulées contre M. Faurisson manquent de pertinence et ne sont
pas suffisamment établies ; il n’est pas davantage permis
d’affirmer qu’il a écarté les témoignages par légèreté ou
négligence, ou délibérément choisi de les ignorer ;en outre
personne ne peut en l’état le convaincre de mensonge lorsqu’il
énumère les multiples documents qu’il affirme avoir étudiés et
les organismes auprès desquels il aurait enquêté depuis plus de
quatorze ans ; la valeur des conclusions défendues par M. Faurisson
relève donc de la seule appréciation des experts, des historiens
et du public. C’est pour moi la dernière phrase qui est la
plus importante. J’en conclue la chose suivante : un Etat
démocratique et confiant en sa capacité de débat n’a pas besoin
de loi pour proclamer l’histoire. En ce sens les Américains et
leur premier amendement sont un exemple à suivre. Heureusement
pour elle que la Loi Gayssot n’a jamais subi un contrôle
constitutionnel. Comme de nombreux juristes et professeurs
d’université, je pense qu’elle n’y survivrait pas. Le
remaniement de l’article 61-1 de la constitution prévu par la
loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 offre des
possibilités inédites.
C’est-à-dire
?
Tout
simplement qu’il permet d’invoquer l’inconstitutionnalité d’une
loi devant les premiers juges. Il ne faudra donc pas se gêner en
la matière, si l’occasion se présente. A mon avis, les premières
salves partiront en direction des conditions déplorables de la
garde à vue française.
Dans
un journal local, vous avez qualifié Robert Faurisson de
« dernier des punks ». Que vouliez vous
dire ?
Que
c’est un révolté. Seul contre un système entier. Par nature,
j’ai de l’empathie pour les luttes inégales.
Vous
adhérez à ses théories ?
Je
suis né en 1979, plus de trente ans après la guerre. Le sujet ne
me passionne pas et pour tout vous dire je ne m’y intéresse que
peu. Ma seule connaissance précise sur ce sujet est concerne les
batailles auxquelles mes grands parents ont participé en versant
leur sang pour la France libre, dont Monte Cassino. Ca, ça
m’intéresse, pour des raisons personnelles évidentes. En
revanche, dans ces dossiers, ce qui me passionne, c’est la
défense de la liberté d’expression. Pour moi Robert Faurisson
devrait avoir le droit d’exprimer ses théories, tout comme Siné
a parfaitement le droit de caricaturer l’Islam. Tout comme,
d’ailleurs, Mathieu Kassowitz a le droit d’avoir des doutes sur
le 11 septembre sans être vilipendé comme un délinquant
idéologique, Dieudonné d’être antisioniste et de le dire sans
être maudit, Paul Eric Blanrue d’écrire sur Sarkozy et ses
rapports avec les réseaux pro israeliens, ou Yann Moix de
critiquer la Suisse, même en des termes violents. Au sujet du
Polanskiste Moix, le ministre de la Culture m’a bien faire rire
en le comparant à Baudelaire. Je trouve Moix trés talentueux,
mais Mitterrand devrait relire ses classiques. Baudelaire a
pondu de nombreuses phrases antisémites ultra violentes, alors
que Moix reproche à la Suisse la façon dont elle traite les
juifs.
Baudelaire,
antisémite?
C’est
bien Baudelaire qui écrivait cette horreur dans son journal
intime, en 1887 "belle conspiration à imaginer
pour exterminer la race juive" Sans doute les voyages
touristiques de Mitterrand lui prennent trop de temps pour
relire Baudelaire. Enfin bon. Pour revenir à la diffusion des
idées, quelles qu’elles soient. Les gens adhèrent, ou non, peu
importe. Mais la police de la pensée progressive que l’on
instaure dans notre pays génère in fine le mal que l’on veut
soigner. C’est un effet pervers. Plus vous interdisez aux gens
de parler, plus le public se dit : « Pourquoi ?
si on les censure, ils doivent avoir raison, il doit y avoir
complot ». Ce faisant, la censure n’est pas un moyen
efficace pour régler les débats. Elle a un effet cocotte minute.
Tôt ou tard, la frustration peut l’emporter. Alors que la
confrontation paisible d’opinions, au contraire, permet de
dépassionner le tout. Prenons les Etats-Unis. Le premier
amendement garantissant la liberté d’expression totale a permis
aux pires thèses racistes d’être développées. Cela a-t-il
empêché un homme de couleur d’être triomphalement élu à la
Présidence ? Non. La France a trop peur d’elle-même. Les vrais
Républicains devraient livrer le combat pour la libération de la
parole, au lieu de relever les petites phrases. Regardez Martine
Aubry avec Georges Freche. Elle s’est ridiculisée. Freche est un
des plus fervents amis d’Israël. Alors, l’assimiler à un
antisémite, c’est d’une bêtise sans nom. Il gagnera et ce sera
justice pour le PS.
Vous
soutenez donc Freche et Moix ?
Bien
sûr, je soutiens leur totale liberté d’expression. La répression
politique de Frèche est une hérésie, quant aux avocats suisses
qui comptent poursuivre Moix, ils feraient mieux de relire leurs
codes.
Avez-vous,
comme vos clients, subi des pressions ?
Oui,
parfois, mais rien qui ne mérite une quelconque attention ma
part.
Entretien réalisé par Guillaume Sanjorge, le 9
février 2010 Pour Heracles productions.
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