Interview de
Gilles Munier
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Gilles Munier
Dimanche 26 juin
2011
Interview de Gilles Munier (7 Jours – 24/6/11)
Le
rennais Gilles Munier, connu pour son
soutien au peuple irakien lors des
guerres du Golfe et de la période
d’embargo, vient de passer une semaine à
Tripoli, bombardée quotidiennement par
les chasseurs de l’OTAN. Il envisage d’y
retourner « pour
recueillir les témoignages des
dirigeants sur le rôle joué par les
services secrets occidentaux et le
pétrole dans l’éclatement ou
l’étouffement des révolutions arabes »,
et actualiser, dit-il, son dernier
livre : Les espions de
l’or noir.
Q : Comment la France est-elle perçue à Tripoli ?
La France, bien, mais pas
Nicolas Sarkozy. Des affiches apposées
sur les murs de la ville le traitent de
« tueur d’enfants libyens ».
Personne ne comprend pourquoi il s’en
est pris à Kadhafi après l’avoir reçu
avec tous les honneurs à Paris. Les
Libyens, disent-ils, sont capables de
régler leurs problèmes intérieurs seuls.
De plus, ils craignent une irakisation
de la crise. La région de Benghazi est
devenue une terre de djihad pour les
extrémistes proches de l’Aqmi
(Al-Qaïda au Maghreb islamique).
Des armes, des missiles sont entre leurs
mains, et peut être demain du gaz
moutarde. Voilà ce qui arrive quand on
joue aux apprentis sorciers !
Q : Des avocats, notamment
Jacques Vergès et Roland Dumas, veulent
porter plainte contre Nicolas Sarkozy
pour « crime contre l’humanité » ou
« crime de guerre ». Est-ce bien
réaliste ?
Il y a eu environ dix
civiles libyens tués tous les jours
depuis le début de l’intervention, trois
fois plus de blessés. Le 7 juin, la
veille de mon arrivée, une soixantaine
de missiles sont tombés sur Tripoli,
faisant 21 morts et des dizaines de
blessés. C’était la façon de l’OTAN de
fêter l’anniversaire de Kadhafi qui
tombe ce jour-là. J’ai visité un
hôpital : les larmes montent aux yeux
devant tous ces blessés. La justice
internationale instruira le procès
intenté à Sarkozy sans parti pris, du
moins je j’espère.
Q : Pensez-vous que Kadhafi
sera renversé ?
Tout est possible. Mais, le
leader libyen a plus d’un tour dans son
sac. C’est un grand joueur d’échecs.
Cependant, il suffirait qu’un missile
frappe un des ses refuges pour qu’il
disparaisse. Le 30 avril, l’OTAN l’a
raté de peu. Il venait de quitter son
domicile familial avec son épouse. Un de
ses fils et trois de ses petits-enfants
ont été tués. Les Libyens pensent que
les chasseurs étaient français, des
Rafales. Aïcha Kadhafi, qui a perdu dans
l’opération sa fille de 4 mois, a porté
plainte à Paris contre Nicolas Sarkozy
et Gérard Longuet. Aujourd’hui, à
Tripoli, il est question de constitution
démocratique, de liberté de la presse et
d’élection présidentielle. Cela
permettrait de sortir de la crise par le
haut. Hillary Clinton dit que c’est trop
tard. Pourquoi ? Il n’est jamais trop
tard, sauf si l’objectif de l’OTAN n’est
pas la démocratie. J’ai rencontré Ali
al-Ahwal, coordinateur général des 2000
tribus et clans libyens. Pour lui, la
disparition brusque de Kadhafi
déboucherait sur une guerre civile avec
des conséquences de l’autre côté de la
Méditerranée.
© G. Munier/X.Jardez
Publié le 26 juin 2011 avec l'aimable
autorisation de Gilles Munier
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