Opinion
Gilles
Lanneau:
« L'affaire Sakineh est sortie tout droit
du chapeau occidental »
Lundi 13 décembre 2010
« J'ai écrit ce livre dans l'urgence.
Quelques minutes avant l'irréparable. En ce temps où notre monde
bascule à toute allure dans un gouffre de non-sens, d'absurdité,
où le mal se prend pour le bien et fait porter à celui-ci ses
propres tares, j'ose élever une petite voix à contresens. Au
tribunal de ce monde aux valeurs inversées, je plaide la cause
de l'Axe du Mal, et accuse l'Axe du Bien. »
C'est en ces termes que Gilles Lanneau décrit
son ambition et sa volonté de faire triompher la Vérité après la
sortie de son ouvrage Iran, le mensonge (Diffusion
International Edition).
Ce paysagiste de profession, qui a voyagé en
Iran, en Inde et au Pakistan dans le cadre de recherches sur la
naissance des grands mythes fondateurs de la culture
indo-européenne et sur la survivance dans des régions reculées
de traditions s'y rapportant, essaie de briser la propagande
mensongère et criminelle qui s'abat sur l'Iran.
Entretien réalisé par Maurice Gendre
Qui fut le vainqueur de l'élection
présidentielle en Iran ?
Sans équivoque le président sortant, Mahmoud
Ahmadinejad. J'ai détaillé dans mon ouvrage Iran, le
mensonge le déroulement démocratique des élections,
élections supervisées par des "scrutateurs" représentant les
quatre candidats; et ensuite la manière dont furent traitées les
plaintes déposées par les perdants, des plaintes avant tout
destinées à une utilisation par les média étrangers.
Qui est réellement Mir Hossein Moussavi ? Qui le
soutient ?
Le candidat réformateur Mir Hossein Moussavi,
ancien premier ministre de la République Islamique d'Iran, a
vraisemblablement servi de pion dans la stratégie
américano-britannique visant à déstabiliser l'Iran.
J'en profite pour souligner que lesdits
réformateurs sont avant tout des partisans du libéralisme
économique soutenu par les classes aisées du pays alors que les
supposés populistes ou ultra-conservateurs du parti présidentiel
prônent et s'efforcent d'appliquer une répartition équitable des
revenus du pays.
Que faut-il penser de Rafsandjani ?
Rafsandjani, ancien Président de la
République et candidat malheureux contre Ahmadinejad à
l'avant-dernière présidentielle, mais aussi l'un des hommes les
plus riches du pays, vieux renard de la politique, pesant de
tout son poids en tant que Président du Conseil du Discernement
sur les affaires du pays, est le moteur réel du mouvement
réformateur dont Moussavi n'est que la vitrine « présentable ».
Qui étaient les véritables
organisateurs et les soutiens des manifestants ?
Les Etats-Unis bien sûr. Madame Clinton l'a
même affirmé publiquement.
L'Angleterre, de façon plus insidieuse mais
non moins efficace (je vous renvoie à mon chapitre L'affaire
Neda Agha Soltan). La sale besogne revient aux Moudjahidin
du Peuple et autres reliquats malsains de l'après-Révolution.
Quels sont les succès économiques et
sociaux de Mahmoud Ahmadinejad ?
D'abord, à mon sens, la loi-phare instaurée
sous son premier mandat, mal perçue par l'élite cultivée du pays
et complètement occultée par les média occidentaux, déclarant
chaque citoyen actionnaire de la principale ressource iranienne,
le pétrole. D'où la distribution de dividendes chaque année en
fonction des bénéfices réalisés.
Viennent ensuite, dans la continuité de ses
prédécesseurs : l'autosuffisance nationale en produits
alimentaires de base, ce qui n'est pas une mince affaire compte
tenu du climat à dominante semi-désertique; un système de
sécurité sociale performant, un salaire minimum garanti, et la
retraite après 30 ans d'activité professionnelle (25 ans pour
les femmes) garantissant 95% du revenu salarial, plus une prime
de départ.
Où en est le programme nucléaire
iranien?
Le programme nucléaire iranien, civil
précisons-le, découle du constat de l'augmentation croissante
des besoins énergétiques du pays, due à l'augmentation de la
population et à celle du niveau de vie, ainsi que de la
perspective d'un épuisement des ressources en hydrocarbures
estimé à dans dix ans si le rythme de la consommation actuelle
se poursuit.
Le nucléaire allié à l'hydroélectrique, à
l'éolien et au solaire, fait donc partie des alternatives au
« tout hydrocarbure ».
Quant à l'hypothèse du nucléaire militaire,
les Iraniens sont parfaitement conscients que l'envoi d'une
seule bombe A sur un pays tiers signerait l'anéantissement de
leur propre pays.
Que dévoile l'affaire Sakineh ?
Cette affaire Sakineh est sortie tout droit
du chapeau occidental au moment même où l'Iran procédait à la
mise en service de la centrale nucléaire de Boushehr. Une
manière d'occulter l'échec des nombreuses tentatives pour faire
« capoter » cette réalisation. De retour d'un voyage en Iran, je
peux affirmer que l'application de la peine de mort par
lapidation dans ce pays n'est qu'un mensonge supplémentaire à
ajouter au dossier volumineux de la désinformation.
La peine capitale (par pendaison), que je
désapprouve personnellement, n'est appliquée qu'aux meurtriers
sans circonstances atténuantes ainsi qu'aux « gros bonnets » du
trafic de la drogue.
Les querelles entre Ahmadinejad, Larijani et le guide
suprême Khameney sont-elles aussi fortes qu'on le prétend en
Occident ?
Le fait que le pouvoir du pays soit partagé à
des degrés divers entre différentes composantes induit forcément
quelques tiraillements. Rappelons que la Constitution iranienne
a souhaité ces différentes composantes dans le but d'éviter
toute tentation autoritariste. Ceci étant dit, la vision
politique des trois hommes reste la même sur l'essentiel.
Quelle est l'influence de l'Iran dans
les Territoires occupés et au sud-Liban ?
L'Iran aide les Palestiniens et le Hezbollah
libanais, c'est indéniable. Une aide financière et matérielle
laissant libre les parties de l'utiliser à leur convenance,
semble-t-il.
Ainsi que l'Occident vis-à-vis d'Israël ou
des régimes africains qui leur conviennent. Mais pourquoi ne
parle-t-on pas de même de l'aide similaire que procura l'Iran au
commandant Massoud en Afghanistan, ou à l'Arménie chrétienne
lors du conflit du Haut-Karabakh ?
Quelles sont les factions qui
poussent à la guerre ?
Des factions iraniennes ? Aucune à ma
connaissance. Seul l'Occident saurait retirer des bénéfices à un
conflit qui ne peut - au minimum - que rabaisser une puissance
émergente et relancer par là même sa propre machine économique.
Que faut-il craindre pour l'Iran dans
les semaines ou les mois qui viennent?
Le pire... ou rien du tout. Les Iraniens dans
leur ensemble sont convaincus que ces bruits de bottes ne sont
qu'un bluff d'intimidation, et rien de plus, j'ai pu le mesurer
lors de mon dernier voyage.
Ont-ils raison? Saddam Hussein a cru la même
chose... et s'en est mordu les doigts. Je pense que la plus
grande vigilance est de rigueur, ce "pire" pouvant très bien
arriver au moment où l'on s'y attend le moins.
L'Iran aura-t-il les moyens en cas
d'attaque de riposter et d'infliger de lourdes pertes à ses
agresseurs ?
Je n'en sais rien... tout en espérant que
l'Iran -si cette malheureuse hypothèse se réalise - nous
surprenne agréablement.
Quel est le sort des minorités
religieuses en Iran?
J'ai consacré un sous-chapitre à ce sujet.
L'Iran, à la suite de la Perse, a une longue tradition de
tolérance religieuse.
La première déclaration des droits de l'homme
a été dictée au VIème siècle avant notre ère par Cyrus le Grand
et aucun tribunal de l'Inquisition n'a jamais sévi dans ce pays.
Concrètement, à ce jour, les minorités chrétienne, juive et
zoroastrienne sont représentées par cinq députés au Parlement,
la liberté de culte est totale, leurs droits civiques sont ceux
de tout citoyen du pays et l'éducation peut être reçue aussi
bien à l'école publique que dans une école confessionnelle de
leur choix.
Propos
recueillis par Maurice Gendre
Partager
Le dossier
Iran
Dernières mises à
jour
|