Interview
Gilad Atzmon :
C'est très important pour moi de jouer
en France

Lundi 26 mars 2012
Gilad Atzmon
(et son groupe The Orient House
Ensemble) se produisait au festival A
Vaulx Jazz. un homme engagé, tant dans
sa musique que dans ses réflexions sur
la société. Fraîchement arrivé au centre
culturel communal Charlie Chaplin pour
la soirée métisse à Vaulx-en-Velin en
compagnie d’Abraham Inc., l’artiste et
militant palestinien, n’ayant même pas
eu le temps de poser ses bagages, a pris
le temps de converser un moment avec
nous. Un beau moment.
ZYVA : Merci pour le temps que
vous nous accordez, vous venez juste
d’arriver ! D’où venez-vous ?
Gilad Atzmon :
Aujourd’hui... Hier de Paris,
avant-hier, à New York , je fais aussi
la présentation de mon nouveau livre aux
Etats-Unis le mois dernier.
ZYVA : D’accord. Donc une double
expérience avec, d’une part, votre
livre, et le concert, n’est-ce pas trop
difficile ?
G.A. : C’est très dur.
C’est très dur, je prévois même de me
diviser en deux parce que je ne peux
tout simplement plus gérer ça tout seul.
C’est difficile, mais en même temps
c’est très important, c’est très
important pour moi et pour les gens qui
me suivent. Surtout en France
actuellement. J’ai vu ce qui c’était
passé, était-ce hier ? Il y a deux jours
à Toulouse. Je suis la seule personne
dans le monde qui ait soit deviné, ou
qui soit assez stupide pour appliquer
cet évènement à la question de
l’identité juive. C’est dramatique ce
qui s’est produit, c’est une tragédie,
mais il y a des tragédies comme celle-ci
quotidiennement en Palestine. Et alors
que nous parlons, le lobby juif aux
Etats-Unis fait pression pour une
attaque en Iran qui pourrait conduire à
des centaines de milliers, si ce n’est
des millions de morts. Et nous devons
faire tout ce que nous pouvons pour
amener un peu de sens dans notre système
politique, dans notre société. Et c’est
ce que je fais. C’est... Voilà je viens
juste de l’avoir, je l’amène à un ami,
c’est mon nouveau livre en français. Il
sort cette semaine ou la semaine
prochaine, je ne sais plus.
ZYVA : « La parabole d’Esther »,
bravo.
G.A. : C’est à propos
de l’identité juive et j’essaye
d’expliquer pourquoi, et non pas pour
justifier, d’expliquer, de comprendre,
ce qui s’est passé. De façon à ce que
les Français et la communauté juive
soient en paix. C’est très important
vous savez, parce que nous ne cherchons
pas la paix actuellement. Nous courrons
seulement après les guerres. Ca prend de
fait beaucoup de mon temps, beaucoup de
mon énergie, ça détruit d’ailleurs
probablement ma santé, mais c’est très
très important.
ZYVA : Vous
vous sacrifiez à votre manière pour...
G.A. : Quelqu’un doit
le faire. Les politiciens ne le font
pas, les académiciens non plus,
terrifiés à l’idée de perdre leurs
positions, les journalistes non plus...
Il ne reste donc plus qu’un saxophoniste
! Avec moi que peuvent-ils faire ? S’ils
détruisent mon saxophone, ce n’est pas
grave, j’en aurais un gratuit !
ZYVA : Quelque
part c’est aux artistes d’envoyer des
messages...
G.A. : C’est très
difficile pour les artistes d’envoyer
des messages puisqu’ils sont eux-mêmes
régis par les maisons de disques. Ils
sont inquiets pour leurs carrières. De
fait, j’en paye le prix fort. En France,
j’ai été rejeté pendant longtemps. J’ai
beaucoup combattu en France et c’est une
honte parce que ce que je fais est très
important pour les Juifs plus que pour
quiconque d’autre ! Ils pensent que tout
ceci est antisémite, ça ne l’est pas !
Dans mon groupe il y a toujours eu des
Juifs, ma femme est juive. Il est
évident pour moi que la communauté juive
ne peut pas se sauver elle-même. Mais
nous devons les aider.
ZYVA : Mais sont-ils prêts à
entendre ce que vous avez à leur dire ?
G.A. : Pas vraiment.
Non. Et c’est un gros problème parce
qu’aux Etats-Unis, j’étais à la
télévision et à la radio tous les jours,
quelque chose comme cinq fois par jour.
Beaucoup de gens m’écoutent aujourd’hui,
beaucoup de gens supportent ce que je
dis. Vous pouvez voir sur les premières
pages leur soutien. Ca vient de
quelques-uns des plus grands professeurs
et d’académiciens dans le monde. Mais
s’ils n’écoutent pas, ils s’excluent
eux-mêmes d’un discours plus important
qu’eux-mêmes. C’est donc un gros
problème. Mais nous devons faire tout ce
que nous pouvons. Actuellement nous
vivons sur une bombe prête à exploser.
Et ma musique est ma force. Alors je
viens ici, hier j’étais à l’hôtel, on a
fait un petit meeting, des gens sont
venus me parler, beaucoup de personnes
venant d’Algérie. Ils voulaient savoir
ce que j’avais à dire. Vous savez, les
gens veulent savoir ! Nous vivons dans
une société qui est sur le point de se
désintégrer. C’est vraiment effrayant.
ZYVA : Comme vous l’avez dit,
c’est une honte que les académiciens ne
puissent rien faire...
G.A. : L’institution
académique est morte. L’université est
morte. Elle est tellement loin de ce que
nous définissions comme étant
l’université. Elle ne correspond plus à
la réponse que nous attendons à la
question « qu’est-ce que l’université à
la base ? ». Ce que nous faisons
maintenant ? Nous ne donnons pas toutes
les réponses. Mon approche, je suis
philosophe de profession, mon approche
dans quelque problème humaniste est de
commencer, est de tenter de comprendre
la question d’origine. La retrouver.
Aller au plus loin possible dans la
compréhension de la plus profonde
question. Maintenant à l’université, on
n’apprend plus à poser des questions, on
apprend des réponses. En Occident, on
doit savoir que la Deuxième Guerre
mondiale était comme ça, qu’Hiroshima
était comme ça. Non ! Nous devons poser
la question du pourquoi ? Pourquoi la
Deuxième Guerre mondiale, pourquoi
Hiroshima ? Pourquoi des holocaustes se
produisent régulièrement ? Pourquoi
Israël s’octroie le droit de prendre
possession de la Palestine, et
maintenant c’est la plus grande menace
sur la paix. Nous devons répondre à ces
questions ou cela va finir en un grand
désastre. D’ailleurs ce désastre est
déjà là. 1 500 000 de personnes sont
mortes en Irak. 1 500 000 Irakiens. A
cause de nous, à cause de moi. Je n’en
veux pas. Si l’on tue une personne, on
se tue nous aussi.
ZYVA : Il y a toujours un
retour.
G.A. : Oui, c’est
curieux.
ZYVA : Un autre artiste me fait
particulièrement penser à vous, Marcel
Khalife
G.A. : Oui.
ZYVA : Ces textes sont aussi
plein de sens, il porte aussi un message
fort.
G.A. : Oui, absolument.
Il vient du même endroit que moi (rires)
!
ZYVA : Il vient du même endroit
que vous ?
G.A. : Oui, il vient de
Palestine (NDLR : en fait il se trompe,
Marcel est Libanais)
ZYVA : Vous le connaissez ?
G.A. : Je ne l’ai
jamais rencontré. Mais je l’ai déjà
entendu. Je suis très timide quand
j’arrive quelque part. Je ne parle pas.
Si quelqu’un nous présente, alors oui.
ZYVA : C’est bizarre.
G.A. : Non vous savez,
j’ai toujours été comme ça. Avec les
femmes comme avec les musiciens ! Si une
femme voulait de moi, bon maintenant je
suis marié, elle devrait me violer ! Et
elles n’ont jamais voulu me violer,
alors il ne s’est rien passé !
ZYVA : Et à propos de musique ?
Bien sûr vous jouez ce soir, ce n’est
pas la première fois que vous venez à
Lyon...
G.A. : Je pense que
c’est la première fois. C’est très
important pour moi de jouer en France. A
chaque fois que je viens en France c’est
plein à craquer, les gens aiment ce que
nous faisons parce que ça combine de la
musique européene avec du Jazz, de la
musique arabe, et la France est un
melting pot. La France est probablement
la plus importante société européene en
termes de culture. Un des instrument qui
représente ce mélange c’est le Bandonéon
(NDLR ou Accordéon). Pourquoi ? Parce
que l’accordéon s’inscrit dans les
cultures d’Europe et d’Afrique du Nord.
C’est très important pour moi !
ZYVA : Je ne
sais pas si les gens comprennent
vraiment ce que vous voulez dire...
G.A. : Les gens
viennent, ils écoutent ma musique et
s’ils ne la comprennent pas, ce n’est
pas très grave. Mais en général les gens
aiment ma musique.
Titre d’un
artiste ou d’un groupe qui pourrait vous
représenter vous ou votre musique :
Gilad Atzmon :
Ma musique, non, pas vraiment, mais
je peux vous donner quelques morceaux
qui me plaisent beaucoup. Pour moi, ma
musique est une tentative pour célébrer
la beauté. Alors je dirais un mélange de
John Coltrane, Astor Piazzolla
et Oum Kalthoum
Date : 21/03/2012
Lieu : A Vaulx Jazz 2012
Par : Blast, HMK
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