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UJFP
ISESCO. Rabat.
Israël: crimes de guerre et génocide
Mireille Fanon-Mendes-France
Mireille Fanon-Mendes-France.
Photo Festival.com - Remi Boisseau
Rabat, 14-15 février 2009
Intervention de Mireille
Fanon-Mendes-France (membre du Bureau National de l’UJFP, membre
du Tribunal permanent des peuples) au colloque organisé par
ISESCO
Je voudrais remercier l’ISESCO pour cette initiative qui arrive
à point nommé; nous avons besoin d’unir et de fédérer nos
efforts dans la lutte contre l’impunité et particulièrement
contre l’impunité dont est victime le peuple palestinien depuis
plus de 60 ans.
Nous sommes ici pour revendiquer le droit à la paix et la
sécurité internationales pour l’ensemble des peuples, y compris
ceux qui sont sous occupation pour lesquels la communauté
internationale a obligation d’assurer sa protection au regard de
la 4ème Convention de Genève.
Mais il faut commencer par rappeler que l’article 2 § 4 de la
Charte des Nations Unies interdit de manière absolue, sauf
exception, la menace de l’utilisation de la force armée ainsi
que l’utilisation de la force armée. Cette interdiction est une
garantie normative visant la paix et la sécurité internationales
pour tous les Etats et les peuples. L’interdiction du recours à
la force vise l’emploi de la force armée sous toutes ses formes
: guerre, représailles ou toute autre forme d’utilisation des
armes y compris lorsqu’elle prend la forme d’une agression.
Le droit international ne prévoit, en effet, que deux cas de
recours licite à la force armée :
a. les mesures de coercition armées décidées par le Conseil de
sécurité sur la base de l’article 42 de la Charte des Nations
Unies en cas de menace contre la paix, d'une rupture de la paix
ou d’un acte
d’agression (chapitre VII de la charte) ;
b. la légitime défense sur la base de l’article 51 de la Charte
des Nations Unies. Cet article reconnaît à tous les Etats le
droit inhérent d’utiliser la force armée dans le cas où ils
seraient l'objet d'une agression armée.
La lecture et l’interprétation de l’article 2 § 4 de la Charte
des Nations Unies doit être faite à la lumière de l'obligation
de régler par des moyens pacifiques les différends, tel que le
dispose l’article
33. L’obligation de rechercher par tous les moyens un règlement
pacifique des différends fait partie du droit coutumier et est
en relation étroite avec l’interdiction – d’une très large
portée- de
l’utilisation de la force dans les relations internationales.
D’ailleurs, au mépris de l’article 51 de la Charte de l’ONU,
Israël n’a pas même informé le Conseil de Sécurité, et a fait fi
des demandes de ce dernier.
L’interdiction l’utilisation de la force armée est une des plus
grandes conquêtes de l’humanité
depuis la deuxième guerre mondiale, et la condition de la paix.
Or, Israël a décidé par son libre arbitre – dans le contexte
d’un gouvernement démissionnaire et d’une campagne électorale
opposant ses principaux ministres - de régler par les armes les
rapports avec son peuple riverain.
Il s’agit de l’utilisation de la force armée de la part de
l’Etat d’Israël contre le peuple palestinien maintenu enfermé
dans la Bande de Gaza et sous embargo imposé par l’Etat
israélien depuis 18 mois.
Dans le cas des actes de guerre d’Israël, la notion de légitime
défense n’est pas applicable. La rédaction de l'article 2 § 4
est sans ambiguïté sur le contenu et la portée de l’interdiction
de la menace et de l’utilisation de la force armée : « Les
Membres de l'Organisation s'abstiennent, dans leurs relations
internationales, de recourir à la menace ou à l'emploi de la
force, soit contre l'intégrité territoriale ou l'indépendance
politique de tout Etat, soit de toute autre manière
incompatible avec les buts des Nations Unies ».
En déclenchant une guerre massive et en attaquant de manière
généralisée et à grande échelle l’ensemble du territoire de la
Bande de Gaza, l’Etat israélien viole cette disposition
fondamentale de la charte des Nations Unies.
Les autorités israéliennes – agissant en tant qu’organes de
l’Etat en droit international – ont ordonné l’exécution
d’opérations militaires d’envergure qui enfreignent les
dispositions de la Charte des Nations Unies. Elles violent l’une
des normes les plus fondamentales du droit international,
mettant directement en danger la paix et la sécurité
internationales.
Ces faits d’un particulière gravité s’inscrivent dans un
contexte criminel connu : l’Etat d’Israël occupe le territoire
palestinien en violation du droit international et des
résolutions de l’ONU.
Faut il aussi rappeler que, selon le droit international, les
Palestiniens ont le droit légitime de résister à la domination
coloniale, à l’occupation et aux forces occupantes. L’État
d’Israël
commettant les pires violations du droit international et ne
respectant ni les Conventions de Genève ni les autres règles
découlant des conventions tels que les deux pactes de 1966, dès
lors, les actes de
résistance sont des actes licites et légitimes. Sans parler des
décisions du Conseil de sécurité dont n’a cure l’État d’Israël.
Rappelons aussi le principe inaliénable du peuple palestinien à
disposer du droit des peuples disposer d’eux mêmes consacré par
la Charte des Nations Unies et réaffirmé par la résolution 2625
(XXV) de l’Assemblée générale. Selon cette résolution –faisant
partie du droit coutumier-, « tout État a le devoir de
s’abstenir de recourir à toute mesure de coercition qui
priverait de leur droit à l’autodétermination … les peuples
mentionnés…».
Il est opportun de rappeler, avec force, à l’État d’Israël et
aux pays occidentaux qui cautionnent la politique d’apartheid et
de domination coloniale du peuple palestinien que la Résolution
1514 de l’Assemblée générale- affirme que «…la sujétion des
peuples à une subjugation, à une domination et à une
exploitation étrangères constitue un déni des droits
fondamentaux de l’homme, est contraire à la Charte des Nations
Unies et compromet la cause de la paix et de la coopération
internationales…».
Dès lors, nous devons envisager toutes les possibilités
juridiques dont nous disposons, même si nous sommes conscients
qu’elles ont des limites et qu’elles restent en l’état des
outils pensés à la disposition des Etats puissants et
dominateurs qui ainsi exercent leur violence sur les Etats dont
ils assurent et assument la domination.
Une de ces possibilités est la Cour pénale internationale qui
est un outil imparfait et qui a tendance à ne considérer les
crimes de guerre que s'ils sont commis par des responsables de
pays non occidentaux.
Dans le cas de l'agression israélienne -au sens entendu par le
Statut de Rome-, il est important que l'accès à un tribunal pour
les responsables des crimes de guerre soit rendu possible afin
que ces
derniers soient jugés pour avoir utilisé la force armée contre
le peuple palestinien enfermé dans les limites de la Bande de
Gaza depuis plus de 18 mois, par un blocus imposé par l'Etat
israélien. Quadruple enfermement: celui imposé par l'occupation
depuis 60 ans, celui dessiné
par les frontières et les murs érigés autour de la Bande de
Gaza, celui de l'embargo imposé depuis 2007, décidé pour encore
mieux coloniser, réduire au silence et enfin, la décision de
bombarder durant 22 jours pour détruire toute velléité de
résistance du peuple palestinien.
En ce qui concerne, la Bande de Gaza, la plainte des
associations est possible au titre de l'article 15.1, mais reste
sa recevabilité qui dépend des termes du Statut de Rome.
Le Procureur se trouve devant le fait, d'une part que l'Etat
israélien a signé le Statut mais ne l'a pas ratifié et que
d'autre part, l'autorité palestinienne qui, évidemment n'a pu
signé le statut -seul les Etats peuvent le faire-, vient, et
cela est une première, de transmettre aux instances de la CPI
une demande de reconnaissance de la compétence de cette Cour, en
ce qui concerne l'agression sur la Bande de Gaza.
L'argumentation fait valoir que de facto le territoire de Gaza
est un Etat, depuis que l'Etat d'Israël l'a quitté . Il faut
rappeler que la Palestine n'ayant pas d'Etat, est placée, de par
son statut de sujet de
droit international, ainsi que l'ensemble de sa population, sous
la protection des instances internationales. Cela devrait
pouvoir aider la CPI à en tirer les conclusions spécifiques.
Il faut aussi tenir compte du fait qu'il s'agit de violations
graves des normes impératives du droit international et des
normes coutumières concernant les conflits armés ainsi que les
normes relevant de la protection internationale des droits
humains en général et du droit humanitaire en particulier et
considérer que le préambule du statut de la Cour pénale
internationale exprime, sans ambiguïté, que des crimes d'une
telle gravité menacent la paix, la sécurité et le bien-être du
monde et que ces crimes, parmi les plus graves, touchent
l'ensemble de la communauté internationale et ne sauraient
rester impunis.
Notons que si le Procureur devait rejeter la requête, le droit
au juge passerait par le dépôt de plaintes au pénal contre des
individus aussi bien du gouvernement que de l'armée israélienne,
auprès de juridictions nationales et européennes,
particulièrement en Allemagne, en Grande-Bretagne, en Espagne et
au Danemark. Une autre voie sérieuse est celle d'un lobbying
intensif auprès des délégations étatiques siégeant à l'Assemblée
générale des Nations Unies pour obtenir le vote d'une
résolution créant un Tribunal Pénal International ad hoc sur le
modèle de ceux de l'ex-Yougoslavie et du Rwanda. Le Conseil de
sécurité l'a fait en utilisant la possibilité de créer des
organes subsidiaires. L'AG a aussi cette possibilité et le veto
n'est pas en pratique. Dès
lors, il ne paraît pas illusoire d'espérer dégager une majorité
dans ce sens. Il suffirait que la société civile, les mouvements
sociaux fassent pression sur leurs gouvernements respectifs pour
que ceux-ci relaient cette demande auprès de l'Assemblée
générale. En faisant cela, les Etats ne feraient que mettre en
action leurs obligations internationales qui leur demandent de
respecter le droit international et le droit humanitaire mais
aussi de les faire respecter.
Il est impératif de mettre un terme à l'impunité des auteurs de
tels crimes et d'agir en faveur de la prévention de nouveaux
crimes. Le droit international -en soi- ne peut rien, son
applicabilité sera, et plus encore son effectivité, sera le
résultat d’un rapport de forces. A nous de tenter d’en faire
bouger les lignes et de ne l’utiliser que comme un outil au
service des luttes politiques menées.
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