Syrie
L'Occident doit cesser
de
couvrir le terrorisme en Syrie
Bachar al-Assad
Photo:
D.R.
Jeudi 23 avril 2015
Entretien du Président syrien avec le
quotidien suédois Expressen
[Texte intégral de la 1ère partie et de la 2ème
partie]
Le Président syrien,
Bachar al-Assad, a accordé une entrevue
télévisée au quotidien suédois Expressen.
Une première partie a été publiée en
anglais et en arabe par l’Agence
syrienne Sana ce 17 avril, le tout
n’ayant été publié que le lendemain.
Voici la traduction
du texte intégral des deux parties
à
partir de la version anglaise originale.
1ère
PARTIE
Question 1:
Monsieur le
Président, je tiens à vous exprimer mes
plus sincères remerciements et ceux du
quotidien Expressen pour nous
avoir accordé cet entretien. Merci
beaucoup. En ce moment même,
l'organisation terroriste EIIL, et même
Al-Nosra, ont envahi le camp de réfugiés
d’Al-Yarmouk, alors qu’Al-Nosra qui
contrôlait la frontière syro-jordanienne
a pris le contrôle de Idleb. Comment
décririez-vous la gravité de la
situation actuelle ?
Le Président Al-Assad :
Lorsque vous parlez de terrorisme, c’est
toujours grave, parce que le terrorisme
est toujours dangereux, n’importe quand,
n’importe où, et peu importe comment il
se manifeste. Il en est toujours ainsi,
non seulement pour l’exemple que vous
venez de mentionner qui n’est finalement
que l’une de ses manifestations. C’est
un long processus qui a commencé depuis
des années, bien avant la crise en
Syrie. Le terrorisme est grave et
dangereux car il n’a ni frontières, ni
limites. Il pourrait frapper n’importe
où. Ce n’est pas un problème local. Ce
n’est même pas un problème régional.
C’est un problème mondial et c’est
pourquoi il est toujours dangereux. Dans
notre cas, disons que le danger est pire
qu’ailleurs, non seulement à cause de la
situation militaire que vous évoquez
dans votre question, mais parce que le
fait est qu’il bénéficie d’une
couverture politique de la part de
nombreux pays, de nombreux dirigeants et
hauts fonctionnaires, notamment en
Occident. Au tout début, nombre de ces
responsables n’ont pas vu la réalité de
la situation. Et aujourd’hui, cette
réalité est devenue encore plus
dangereuse, en raison du non respect du
droit international et faute d’une
organisation internationale efficace qui
protégerait un pays contre un autre pays
utilisant des terroristes pour le
détruire par procuration. C’est ce qui
se passe en Syrie. Par conséquent, je
vous répondrai par l’affirmative. Oui,
la situation est dangereuse mais, en
même temps, réversible. Aussi longtemps
qu’elle restera réversible, il ne sera
pas trop tard pour y remédier. Avec le
temps, elle deviendra d’autant plus
grave que les terroristes auront
endoctriné les cœurs et les esprits.
Question 2 :
Sauf qu’ils
envahissent davantage de zones en Syrie.
L’Armée et les Forces syriennes
seraient-elles affaiblies ?
Le Président Al-Assad :
C’est là une répercussion naturelle et
normale pour n’importe quelle guerre sur
n’importe quelle armée, aussi forte et
moderne soit-elle. Elle sape et
fragilise n’importe quelle société dans
tous ses aspects, son économie, son
moral, et évidemment son Armée en tant
que partie de cette société.
Question 3 :
Mais
l'Armée est-elle plus faible qu'avant ?
Parce que l'année dernière, nous avions
constaté du gagnant-gagnant en votre
faveur, du côté de l’Armée. Vous
contrôliez davantage de zones du
Qalamoun et ailleurs. Et aujourd’hui,
par exemple, ils ont pris Idleb.
Le Président Al-Assad :
Ceci n’est pas directement lié au fait
que l’Armée soit plus ou moins forte ou
affaiblie. Comme je viens de le dire :
toute guerre sape n’importe quelle
armée, c’est le cours normal des
événements. Dans notre cas, si vous
analysiez la situation sur les quatre
dernières années, vous constateriez des
hauts et des bas. Parfois vous gagnez,
parfois vous perdez, et cela dépend de
nombreux critères ou facteurs, certains
spécifiquement nationaux d’ordre interne
ou militaire, d’autres en relation avec
le niveau de soutien dont bénéficient
les terroristes. S’agissant du récent
exemple d’Idleb, le facteur déterminant
a été l'énorme support fourni par la
Turquie aussi bien du point de vue
logistique que militaire et, bien sûr,
le soutien financier fourni par l'Arabie
saoudite et le Qatar.
Question 4 :
C’est là
une information ou une opinion ?
Le Président Al-Assad :
Une information. Ils sont tous apparus
comme une seule armée. Dans cette
bataille d’Idleb, les terroristes d’Al-Nosra
faisant partie d'Al-Qaïda, le
gouvernement ou les institutions et les
services du renseignement turcs, ont agi
comme une seule et même armée. Par
conséquent, votre exemple ne dépendait
pas de l'affaiblissement de notre Armée,
mais du soutien apporté aux terroristes
par la Turquie.
Question 5 :
Il y a
quatre ans, la Turquie, le Qatar et
l'Arabie saoudite, avaient leur agenda.
Est-ce que cela a changé ? Ont-ils
changé cet agenda ?
Le Président Al-Assad :
Tout d'abord, ce ne sont pas des pays
indépendants, de sorte qu'ils ne peuvent
pas avoir leur propre agenda. Ils ont
leur propre comportement borné,
vindicatif ou haineux, parfois mis à
profit pour servir d’autres agendas.
Ici, soyons francs, et disons qu’il
s’agit plus particulièrement de celui
des États-Unis. Nous ne pouvons donc pas
dire qu’ils ont leur propre agenda. En
revanche, nous pouvons dire qu’ils n’ont
pas changé. Ils soutiennent toujours les
mêmes terroristes, leur comportement
n’étant pas lié à la crise en Syrie. Ils
ont soutenu les terroristes en
Afghanistan, ils ont soutenu l'idéologie
wahhabite et l'extrémisme qui a
récemment conduit au terrorisme en
Europe. Depuis des décennies, ils
soutiennent la même idéologie et les
mêmes factions sous différents noms et
labels en Syrie. Rien n’a donc changé,
car c’est leur comportement naturel.
Question 6 :
De quelle
idéologie parlez-vous ?
Le Président Al-Assad :
De l'idéologie wahhabite qui constitue
la base de tout terrorisme dans le
monde. Ces dernières décennies, aucune
opération terroriste au Moyen-Orient et
dans le monde n’a échappé à cette
idéologie. Tout terroriste fonde sa
doctrine sur l'idéologie wahhabite.
Question 7 :
L'idéologie
wahhabite est liée au « 11 septembre »
ainsi que tous les groupes terroristes.
Les États-Unis ne sont-il pas au courant
de ce lien et continuent à soutenir
l’Arabie saoudite ?
Le Président Al-Assad :
C’est une question très importante
puisque dans les années 1980, les
États-Unis désignaient ces mêmes groupes
d'Al-Qaïda et de Talibans, en
Afghanistan, de « Saints combattants » [Holy
fighters]. C’est ainsi qu’ils étaient
présentés par le Président Bush. Ce
n’est qu’après le 11 Septembre 2001
qu’ils les ont qualifiés de terroristes.
Le problème avec les États-Unis et, bien
sûr avec certains responsables
occidentaux, c’est qu'ils pensent
pouvoir utiliser le terrorisme comme une
carte en poche, une carte politique. En
fait, le terrorisme est tel un
scorpion ; dès qu’il aura une chance de
vous mordre, il le fera. Par conséquent,
ils sont au courant, mais n’ont pas
mesuré le danger de l’usage du
terrorisme comme carte politique.
Question 8 :
Monsieur le
Président, une délégation officielle
syrienne et une partie de l'opposition
se sont récemment réunies à Moscou.
Cette rencontre a-t-elle débouché sur un
quelconque résultat positif ?
Le Président Al-Assad :
Oui. Nous pouvons dire oui, parce
qu’alors que, comme vous le savez, elle
a été précédée de nombreuses autres
rencontres, c’est la première fois que
l’on est parvenu à un accord sur
certains principes de base pour le futur
dialogue inter-syrien. Nous ne les avons
pas encore finalisés, le calendrier
étant très chargé et faute de temps.
Deux jours de dialogue entre les
représentants de l’opposition, suivis de
deux jours de dialogue avec les
représentants du gouvernement, d’où
quatre jours qui n’ont pas été
suffisants pour finaliser le calendrier.
Mais une percée, même partielle,
signifie que la prochaine rencontre sera
prometteuse quant à un accord complet
sur les principes du dialogue en vue
d’une solution syrienne au conflit.
Question 9 :
Ce que vous
dites, Monsieur le Président, est très
important étant donné que l’Envoyé
spécial des Nations Unies, M. Staffan de
Mistura, est en train de planifier une
série de consultations qui devraient
débuter en mai, ou en Juin, pour tenter
de trouver un terrain d'entente entre
les principaux États ayant un intérêt
dans le conflit. Qu'en pensez-vous ?
Le Président Al-Assad :
Je suis d'accord avec De Mistura sur ce
point, parce qu’il n’est ni logique, ni
objectif, de considérer que le conflit
est purement interne et entre factions
syriennes. En fait, le problème n’est
pas très compliqué, mais il l’est devenu
en raison de l'intervention extérieure,
et tout plan que vous voudriez appliquer
dans le but de le résoudre sera voué à
l’échec à cause de cette ingérence
extérieure. C’est ce qui s’est passé à
Alep quand les Turcs ont invité les
factions de terroristes, qu’ils
soutiennent et dirigent, à refuser de
coopérer avec De Mistura. Je pense donc
qu’il est parfaitement conscient que
s’il n’arrive pas à convaincre ces pays
de cesser leur soutien aux terroristes
et de laisser les Syriens résoudre leur
problème, il ne réussira pas.
Question 10 :
Quelle est
votre opinion sur les efforts de De
Mistura ?
Le Président Al-Assad :
Nous avons discuté ensemble de son plan
pour Alep, lequel s’est révélé
compatible avec nos efforts pour la
réconciliation [Mousalaha] dans
plusieurs régions syriennes. C’est un
domaine où nous avons pu réussir et où
nous pouvons mieux faire encore, à
partir du moment où les gens reviennent
vers la normalité, bénéficient de
l’amnistie gouvernementale et déposent
leurs armes… Le plan de De Mistura
repose donc sur ce même principe de
réconciliation. C’est pour cela que nous
l’avons soutenu dès le début et que nous
continuons à le soutenir.
Question 11 :
Monsieur le
Président, la Suède est le seul pays
d’Europe qui accorde un droit de séjour
permanent aux personnes qui fuient la
guerre en Syrie. Qu'est-ce que cela
signifie pour vous, et comment
voyez-vous la politique suédoise ?
Le Président Al-Assad :
Sur ce sujet ou en général ?
Question 12 :
Sur ce
sujet précis.
Le Président Al-Assad :
Je pense que la position de la Suède
face à plusieurs conflits dont le
conflit syrien, est appréciée partout
dans le monde, non seulement dans notre
pays. Maintenant, c’est une bonne chose
d’accorder un refuge à ces personnes qui
fuient la guerre, mais si vous demandiez
à ces Syriens ce qu’ils souhaitent, ils
vous répondront qu’ils veulent qu’on
mette fin à cette guerre. C’est leur
objectif et c’est par conséquent le
nôtre. Comment ? La Suède étant un pays
important de l’Union européenne, je
pense qu’elle peut jouer un rôle majeur
dans la levée des sanctions, car nombre
de Syriens qui ont rejoint la Suède ou
d’autres pays n’ont pas quitté en raison
des seules actions terroristes, mais
aussi à cause de l’embargo qui les prive
de leurs moyens de subsistance au
quotidien. Donc : lever cet embargo qui
affecte chaque Syrien et, en même temps
interdire à tout pays européen de servir
de couverture aux terroristes, qu’ils
soient présentés comme une opposition
pacifique ou une opposition modérée.
Aujourd’hui, il est prouvé et
parfaitement clair que cette dite
opposition revient au même qu’Al-Nosra,
Al-Qaïda ou les Frères Musulmans.
Troisièmement, faire pression sur les
pays qui soutiennent les terroristes et
empêchent la mise en œuvre de tout plan
de paix en Syrie -comme dans le cas
d’Alep et du plan de De Mistura que vous
venez d’évoquer- principalement l'Arabie
saoudite, le Qatar et la Turquie. Je
pense que c’est la meilleure aide
humanitaire et politique que la Suède
pourrait offrir au peuple syrien.
Question 13 :
Embargo,
guerre, des millions de déplacés ou de
réfugiés qui ont fui le pays. Ceci a été
décrit comme la pire crise de réfugiés
depuis la Seconde Guerre mondiale. Dans
ces conditions, quelle est votre part de
responsabilité, Monsieur le Président ?
Le Président Al-Assad :
Même d’un point de vue humanitaire, je
pense que comparer ce qui se passe en
Syrie à ce qui s’est passé pendant la
Seconde Guerre mondiale est une
énorme exagération. Pour des raisons
politiques, il n’y a pas de comparaison
possible. Mais indépendamment de cela,
les opérations terroristes font que nous
avons des millions de personnes
déplacées d’une région à une autre et
c’est une énorme charge, dont nous avons
assumé la plus grosse part jusqu’ici.
Vous entendez beaucoup parler des sommes
qu’offriraient les organisations
internationales et ceux qui
s’autoproclament « Amis de la Syrie »
pour soutenir les Syriens. Au cas où la
réalité vous intéresse, en 2014, ces
pays n’ont contribué qu’à 22% de ce que
l’État syrien a assuré en temps de
guerre. C’est une énorme différence, le
rapport étant de 1/5.
Question 14 :
À
l'intérieur du pays ?
Le Président Al-Assad :
Oui, à l’intérieur de la Syrie. Quant au
secteur de la Santé, ce rapport passe à
1/18. Ici aussi, nous portons le plus
gros poids. En sachant qu’en plus de
tout cela, nous continuons à verser les
salaires, à envoyer les vaccins pour
enfant, et à fournir les nécessités de
base aux hôpitaux, même en zones
contrôlées par les terroristes. Donc,
nous dirigeons le pays et en assumons la
charge.
Question 15 :
Selon SAPO,
l'Agence du renseignement suédois, il y
aurait actuellement beaucoup de
djihadistes suédois en Syrie, leur
retour en Suède étant considéré comme la
plus grande menace nationale. Êtes-vous
d'accord?
Le Président Al-Assad :
Comme je l’ai déjà dit, je ne regarde
pas le terrorisme sous l’angle national
ou régional, mais sous un angle mondial.
S’il est vrai que la Suède fait partie
de l’Europe ou du groupe des pays
scandinaves en Europe, sachez que les
plus dangereux des dirigeants de l’EIIL
qui se trouvent en Syrie, sont
scandinaves.
Question 16 :
C’est une
information ?
Le Président Al-Assad :
Oui, c’est une information. C’est ce que
nous possédons comme information. Vous
ne pouvez pas isoler le groupe des pays
scandinaves ou la Suède de l’Europe et,
par conséquent, tant que le terrorisme
se développe dans différents pays
européens, la Suède n’est pas en
sécurité. De même, tant que
l’arrière-cour de l'Europe -notamment la
zone méditerranéenne et l’Afrique du
Nord- est plongée dans le chaos
grouillant de terroristes, l'Europe
n’est pas en sécurité. Oui, je suis donc
d'accord avec vous sur le fait que la
Suède est face à une menace de première
importance, mais vous ne pouvez pas en
parler comme d’une menace strictement
nationale.
Question 17 :
Est-ce que
la Suède vous a demandé de lui
communiquer vos informations sur ces
combattants de l’EIIL ou d’autres
djihadistes ?
Le Président Al-Assad :
Non, il n'y a aucun contact entre nos
agences de renseignement.
Question 18 :
Monsieur le
Président, en Décembre 2010, Taimour
Abdulwahab, un terroriste suédois formé
en Irak et en Syrie, a mené une attaque
suicide à Stockholm. Récemment, le même
scénario s’est produit à Paris contre
Charlie Hebdo, puis à Copenhague.
Pensez-vous que les pays occidentaux
devront faire face à un tel scénario
dans le futur?
Le Président Al-Assad :
Tout ce qui s’est passé en Europe -je
parle des attaques terroristes- nous
l’avions appréhendé dés le tout début de
la crise. J’avais dit : « La Syrie
est une ligne de faille. Si vous jouez
avec, les vibrations engendrées par le
séisme se propageront dans plusieurs
directions dont l’Europe et non
seulement dans notre région ». À
l’époque, ils ont répondu : « Le
Président syrien menace… ». En fait, je
ne menaçais pas. Je décrivais ce qui
risquait d’arriver. Il ne fallait pas
être un génie, car vu l’ensemble des
événements que nous avons vécus à
plusieurs reprises, nous avons
l’expérience de ce type de terroristes
depuis bientôt cinquante ans. Ils n’ont
donc pas écouté, mais ils avaient été
prévenus. Et ce que nous avons vu en
France contre Charlie Hebdo, les
attentats suicide récents à Copenhague,
les attentats à Londres et en Espagne il
y a dix ans, n’est que la pointe de
l'iceberg, le terrorisme étant une
énorme montagne. Ce ne sont donc pas des
événements isolés. Lorsqu’ils se
produisent, vous devez savoir que la
montagne existe sous la mer et que vous
ne la voyez pas. Par conséquent, oui,
aussi longtemps que cette montagne est
là et que nombre de responsables
européens continuent à aduler des pays
comme l'Arabie saoudite et le Qatar,
juste pour leur argent, et vendent leurs
valeurs, permettant à l’obscurantisme de
l'idéologie wahhabite d’infiltrer
certaines communautés en Europe, nous
devons nous attendre à davantage
d'attaques de ce genre.
Question 19 :
Quel est le
moyen le plus efficace pour lutter
contre le terrorisme ?
Le Président Al-Assad :
Premièrement, le terrorisme ce n’est pas
la guerre. C’est avant tout un état
d’esprit, une culture à laquelle vous
devez faire face. Vous devez composer
avec de manière idéologique, notamment
par l’éducation et la culture.
Deuxièmement, le terrorisme exploite les
pauvres. Vous devez donc traiter la
pauvreté en portant une attention
particulière à la croissance économique
et au développement. Troisièmement, vous
devez régler la question politique que
les terroristes utilisent pour
endoctriner les jeunes en prétendant
résoudre les problèmes politiques de
notre région. Par exemple, la question
de la paix est l’une des principales
raisons exploitées pour leur
recrutement.
Question 20 :
Quelle paix
? Vous voulez dire le processus de paix
?
Le Président Al-Assad :
Je veux parler de la résolution du
problème entre Arabes et Israéliens,
parce que c’est l'une des raisons du
désespoir de ces jeunes qui veulent
mourir pour aller vers le paradis et une
vie meilleure. C’est ainsi qu’ils
raisonnent et vous devez régler les
causes de ce désespoir. Et enfin, un
dernier moyen de lutte contre le
terrorisme est l'échange d'informations
entre les services de renseignement.
Pour conclure, vous ne pouvez pas lutter
contre le terrorisme par la guerre. La
guerre ne peut servir qu’à vous défendre
contre le terrorisme armé.
Question 21 :
Monsieur le
Président, l’EIIL a demandé à tous ses
partisans à travers le monde de se
rendre en Syrie et en Irak pour peupler
son soi-disant califat. Comment
voyez-vous l'avenir de l’EIIL ?
Le Président Al-Assad :
Bien que l’EIIL ne soit pas un problème
spécifiquement syrien et qu’il est
présent en Irak, au Liban, en Égypte et
dans beaucoup d’autres pays,
permettez-moi de parler de la Syrie en
premier, car je ne peux pas parler au
nom d’autres sociétés de la région.
Concernant la Syrie, je pense que l’EIIL
n’a toujours pas réussi à se construire
un milieu réellement incubateur dans
notre société. À court terme, il n’a
donc pas de futur en Syrie. En revanche,
à moyen et long termes, quand il aura
endoctriné les cœurs et les esprits, en
particulier les jeunes et les enfants,
cet espace n’aura qu’un seul avenir ;
l’avenir d'Al-Qaïda, de l’EIIL, d’Al-Nosra
et des Frères Musulmans à la fois. Ce
sera votre arrière-cour. Ce sera
l’arrière-cour de l’Europe.
Question 22 :
À moyen et long termes ? C’est très
dangereux.
Le Président Al-Assad :
Bien sûr que c’est dangereux, parce que
vous pouvez contrôler beaucoup de
choses, mais pas une idéologie. Une fois
qu’elle a été instillée, il est très
difficile de s’en débarrasser. Et quand
elle le sera suffisamment, elle sera le
seul avenir de la région.
Question 23 :
L’EIIL et Al-Nosra sont aidés et
bénéficient d’un soutien extérieur, vous
avez cité la Turquie, le Qatar, l'Arabie
saoudite et d’autres qui les couvrent.
Mais c’est pareil de votre côté, vous
avez le Hezbollah qui se bat pour vous.
Avez-vous besoin du Hezbollah ici, en
Syrie ?
Le Président Al-Assad :
En tant que citoyen suédois, vous
n’accepteriez pas que quiconque compare
un terroriste tel que Taimour Abdulwahab,
par exemple, à votre gouvernement, que
vous soyez d’accord ou pas avec ce
dernier. Idem, pour les terroristes
ayant attaqué Charlie Hebdo et le
gouvernement français. Vous ne
l’accepteriez pas. En tant que Syriens,
nous non plus, nous n’acceptons pas que
l’on compare notre État aux
organisations terroristes. Notre mission
est d'aider le pays et de défendre ses
citoyens, alors qu’il ne me semble pas
que ce soit la mission de l’EIIL, d’Al-Nosra
ou des Frères Musulmans. Dans les faits,
leur rôle se résume à tuer des gens et à
les terroriser. Vous ne pouvez donc pas
comparer. Deuxièmement, en tant que
gouvernement, nous avons le droit de
demander le soutien de tout État,
organisation ou entité, qui nous
aiderait dans notre guerre contre le
terrorisme. Troisièmement, si vous
admettez que le terrorisme n’est pas un
strict problème interne, la bonne
solution devient la coopération entre
les différentes forces de la région. Par
exemple, une coopération entre Syriens
et Irakiens, au niveau des services du
renseignement et des Armées, a existé
bien avant l’émergence de l’EIIL à
Mossoul, l'année dernière. Et cela pour
l’unique raison que les Irakiens étaient
conscients que le terrorisme en Syrie
pourrait s’étendre à l'Irak ; ce qui est
arrivé à Mossoul. La même chose avec le
Liban ; le Hezbollah étant conscient que
le terrorisme en Syrie signifie le
terrorisme au Liban et que le chaos ici
signifie le chaos là-bas. Par
conséquent, ce type de coopération
régionale est très important pour nous
tous.
Question 24 :
Monsieur le Président, une fois de plus
vous êtes accusé d'avoir utilisé des
armes chimiques en Syrie. Deux séries de
tests effectués pour le The Times
et un organisme médical de bienfaisance
révèlent que vos forces ont usé de
chlore et de cyanure. C’est ce que dit
le The Times et, je crois,
Amnesty International. Que répondez-vous
à ce sujet ?
Le Président Al-Assad :
Depuis le premier jour, nous disons
qu’il s’agit d’une propagande contre la
Syrie, visant à diaboliser l’État et le
Président, dans le but d'amener les
cœurs et les esprits du peuple syrien à
adhérer à leur agenda. Cela n'a pas
fonctionné. Si vous voulez comparer,
c’est pratiquement la même propagande
que celle qui sévit en Occident à la
faveur de la crise ukrainienne :
diabolisation de Poutine et fabrication
d’un tas de vidéos et de mensonges dans
ce seul but. C’est la réalité. Les
peuples occidentaux devraient en être
conscients. Ce qui ne veut pas dire
qu’il n’y a ni erreurs, ni méfaits de
notre côté, mais plutôt que cette
propagande médiatique ne reflète pas la
réalité de notre région. Ainsi,
concernant les armes chimiques, ils ne
disposent toujours pas d’une seule
preuve en faveur de leurs accusations et
les chiffres publiés par de nombreuses
organisations européennes, dans le cadre
de cette propagande, varient de 200 à
1400 victimes sans rien qui prouve que
ces chiffres correspondent réellement à
ceux ayant succombé à cause de ce type
d’attaque. Ils ne sont donc ni précis,
ni objectifs. La seule preuve dont nous
disposons, depuis la visite d’une
délégation de l'Organisation des Nations
Unies, c’est que du gaz sarin a été
utilisé sur le territoire, sans pouvoir
dire qui l’a utilisé ni comment. Mais
ils ont quand même continué à accuser la
Syrie, alors que ce n’est franchement
pas réaliste de vouloir utiliser une
arme de destruction massive, censée tuer
des dizaines de milliers de personnes,
pour n’en tuer que quelques centaines et
à la limite de votre capitale de
surcroît, au risque de toucher tous ses
habitants. Un : toutes ces histoires qui
circulent sont donc inexactes. Deux :
c’est la Syrie qui a demandé aux Nations
Unies d'envoyer une délégation pour
vérifier cette allégation.
Question 25
: Et c’est ce que vous faites encore ?
Le Président Al-Assad :
Nous l'avons fait. La Syrie l’a fait.
C’est la Syrie qui a demandé aux Nations
Unies de venir vérifier et nul autre
pays ; en sachant que même lorsqu’ils
avaient eu la preuve que les terroristes
avaient déjà utilisé ce type d’arme dans
le nord de la Syrie, ils n’avaient même
pas essayé de vérifier, ni même voulu le
faire savoir. Cela fait donc partie de
l'agenda politique contre la Syrie.
Question 26 :
Comme vous le savez, des accusations
graves concernant des violations des
droits humains sont formulées contre
votre gouvernement. Que savez-vous des
tortures commises dans vos prisons ?
Le Président Al-Assad :
Concernant la torture, nous devons faire
la différence entre une politique de
torture et des cas de tortures commis
incidemment par n’importe quel individu.
Ce qui s’est passé à Guantanamo en est
le meilleur exemple. À Guantanamo,
l’Administration américaine a pratiqué
une politique de torture approuvée par
le Président Bush et par son ministre de
la Défense ; ce qui n’a jamais été la
politique de la Syrie. S’il y a
violation des droits, torture,
vengeance, ou quoi que ce soit de cet
ordre, ce seraient des incidents commis
par des individus qui doivent en
répondre. Cela arrive partout dans le
monde, comme n’importe quel autre crime.
Question 27 :
Amnesty International ou la Croix-Rouge
peuvent visiter vos prisons ?
Le Président Al-Assad :
Beaucoup de journalistes et de
nombreuses organisations sont venus en
Syrie. Mais si vous vous intéressez à
une organisation en particulier, cela
dépend de la nature de sa coopération
avec notre gouvernement et de sa
crédibilité. En principe, nombreuses
sont les organisations et les personnes
qui peuvent visiter nos prisons.
Question 28 :
Monsieur le Président, j’ai couvert la
guerre en Syrie durant ces quatre
dernières années. J’ai rencontré
différents groupes de militants
impliqués dans le conflit. J’ai même
rencontré des soldats de votre armée.
Certains de ces militants ne sont pas
des islamistes et disent se battre pour
la liberté. Que voudriez-vous leur dire
?
Le Président Al-Assad :
Nous n’avons jamais dit que tous les
combattants étaient des islamistes.
Cela, nous le savons. Mais ceux qui
dominent actuellement sont les
terroristes de l’EIIL et d’Al-Nosra.
Quant à la liberté, c’est un besoin
naturel et quelque chose de divin qui
habite tout être humain depuis notre
ancêtre, Adam. Dès lors, nous devons
nous poser quelques questions simples.
Est-ce que tuer les gens fait partie de
cette liberté ? Est-ce que détruire les
écoles et interdire aux enfants de s’y
rendre fait partie de cette liberté ?
Est-ce la liberté que de détruire
l'infrastructure, les lignes
électriques, les communications, les
Services de la santé ? Est-ce la liberté
que de décapiter et de démembrer ses
victimes ? C’est cela la liberté ? Je
pense que les réponses à ces questions
sont claires pout tout un chacun, quelle
que soit sa culture. Je dis que nous
soutenons toute personne qui agit pour
plus de liberté, à condition qu’elle
travaille dans le cadre des institutions
et de la Constitution de la Syrie, non
par la violence, le terrorisme et la
destruction du pays. Cela n’a rien à
voir avec la liberté.
Question 29 :
Pourtant, ils accusent l'Armée syrienne
de commettre ces mêmes crimes, comme les
assassinats et tout le reste.
Le Président Al-Assad :
Ils doivent le prouver. Je veux dire que
l'Armée se bat depuis quatre ans.
Comment aurait-elle pu résister dans une
guerre menée par autant de pays si
puissants et si riches en tuant son
peuple ? Comment se fait-il qu’elle est
autant soutenue par ce même peuple ?
C'est impossible, irréaliste et même
indigeste.
Question 30 :
Si vous pouviez remonter le temps au
tout début de la crise en 2011 et avec
le bénéfice du recul, en quoi
auriez-vous agi différemment ?
Le Président Al-Assad :
Nous devons commencer par les priorités,
c'est-à-dire les deux décisions que nous
avons adoptées dès le début : combattre
le terrorisme et instaurer le dialogue
en même temps. Un dialogue que nous
avons démarré dès la première année et
dans les premiers mois du conflit. Nous
y avons invité toutes les parties et
nous avons coopéré avec l'Organisation
des Nations Unies, la Ligue arabe et de
nombreux pays. Nous avons pris en
considération toutes les initiatives,
quel que soit leur degré de crédibilité,
pour ne rater aucune chance de réussite
et aussi pour ne donner à quiconque
l'excuse de prétendre que n’aurions pas
fait ceci ou cela. Nous avons tout
essayé. Donc, en ce qui concerne ces
deux priorités, je pense que personne ne
peut dire que nous aurions dû agir
autrement. Combattre le terrorisme et
promouvoir le dialogue sont les
principaux piliers de notre politique
depuis le début de la crise. Maintenant,
l’exécution et la mise en œuvre de toute
politique peut toujours comporter
certaines erreurs. C’est dans la nature
des choses. Par conséquent, agir
différemment pourrait éventuellement
porter sur certains détails, mais je ne
pense pas que les Syriens vous diraient
que nous ne voulons pas du dialogue ou
que nous ne voulons pas combattre le
terrorisme.
2ème
PARTIE
Question 31:
Monsieur le Président, la Suède vient de
se brouiller avec l'Arabie saoudite.
Quel est votre analyse de la crise
diplomatique entre ces deux pays ?
Le Président Al-Assad
: À chaque
fois que vous avez à discuter des
relations entre deux pays, vous devez
commencer par vous demander quels sont
leurs points communs et quelles sont les
valeurs qu’ils partagent. Dans le cas de
l’Arabie saoudite et de la Suède, je
demanderais simplement : « Partagent-ils
des valeurs communes en matière de
système politique, de démocratie, de
systèmes électoraux, de droits humains
ou de droits des femmes qui n’ont même
pas celui de conduire une voiture ? Ou
encore, est-ce que les décapitations sur
les places publiques et les
flagellations pour simple délit
d’opinion, sur Twitter ou tout autre
réseau social, sont des valeurs
partagées entre ces deux pays? ». Tant
que les Saoudiens resteront tels qu’ils
sont et que vous vous en tiendrez à vos
valeurs, nous nous attendons à ce type
de brouille avec eux. Le seul moyen de
l’éviter est de les aduler ou de leur
vendre les valeurs qui font votre fierté
contre leurs pétrodollars.
Question 32 :
Vous n'êtes pas surpris ?
Le Président Al-Assad
: Non, pas
du tout. Pour être franc, nous avons été
plutôt agréablement surpris, car nous
sommes habitués à ce que les
fonctionnaires européens, qui parlent de
démocratie en Syrie, glorifient et
comptent les Saoudiens ainsi que leur
état médiéval parmi leurs meilleurs
amis. C’est un des exemples de leurs
doubles standards. D’où notre agréable
surprise face au standard unique adopté
par la Suède.
Question 33 :
Vous voulez dire que la Syrie et la
Suède, par exemple, partagent davantage
de valeurs que l'Arabie saoudite et la
Suède?
Le Président Al-Assad
: Je ne
veux pas exagérer et prétendre que notre
système politique est au même niveau que
la Suède, car nous avons notre propre
société et nos propres circonstances.
Mais le moins que je puisse dire est que
la Syrie est sur le chemin de la
démocratie. Vous ne pouvez donc pas
comparer la Syrie à l’Arabie saoudite.
Nous avons un Parlement depuis huit
décennies avec des parlementaires femmes
depuis sa création ; les femmes ayant
acquis le droit de vote depuis le début
du siècle dernier. Quant à la
démocratie, elle ne se prescrit pas et
ne se résume pas à des lois et des
décrets. C’est un long processus
naturel, social et législatif, à la
fois. Nous allions dans cette direction,
alors que les Saoudiens n’ont jamais
bougé et ignorent tout de ce
vocabulaire. Ils n’ont jamais essayé de
le comprendre et le refusent par
principe. Voilà ce que je peux dire à ce
sujet.
Question 34 :
Vous venez de dire une chose très
importante. La Syrie était sur le chemin
de la démocratie. L'Occident n'aurait
donc pas compris cela avant la guerre ?
Le Président Al-Assad
: Beaucoup
l’avaient compris. Mais le fait est
qu’au début de la crise ils ont été
influencés par la propagande qatarie
ainsi que par la propagande et les
services de renseignement saoudiens.
Donc, certains le savaient et d’autres
l’ignoraient. Et ceux qui savaient
qu’avant la crise nous allions dans
cette direction ont été trompés par ce
que leur racontaient ces deux pays. Le
problème avec les Occidentaux est qu'ils
regardent la démocratie comme un
objectif. Ce n’est pas un objectif.
C’est un processus. L'objectif est la
prospérité. La démocratie est un outil
pour atteindre cette prospérité, outil
que nous utilisons pour avancer dans ce
sens. Par conséquent, il faut du temps,
et c’est normal.
Question 35 :
Et c’est toujours le cas ?
Le Président Al-Assad
: Avec
cette crise, la priorité du peuple
syrien est de survivre parce que c’est
leur existence qui est menacée. Le
terrorisme est une menace existentielle.
Les gens pensent d'abord à leur sécurité
et à celle de leur pays. Comment
pourriez-vous promouvoir la démocratie
sans qu’ils restent en vie ? Vous avez
d’abord besoin d’assurer leur sécurité,
ensuite vous pourrez parler de
démocratie. Vous ne pouvez pas inverser
l’ordre des choses.
Question 36 :
Que conseillerez-vous à la Suède en ce
qui concerne cette brouille avec
l’Arabie saoudite ?
Le Président Al-Assad
: Nous
aimerions que tous les pays du monde
s’accrochent à leurs valeurs comme la
Suède, surtout en Occident, où nous
sommes habitués aux deux poids deux
mesures. Nous aimerions que la Suède
persiste dans cette voie, car c’est dans
ces valeurs que résident vos intérêts de
citoyen suédois, comme c’est dans nos
propres valeurs de pays en développement
que résident les nôtres. Il en est de
même pour nous tous, alors que les
doubles standards ne garantissent pas
nos intérêts et qu’il faudra en payer le
prix. C’est mon seul conseil. Nous
voulons qu'ils s’en tiennent à leurs
valeurs.
Question 37 :
Revenons à l'Arabie Saoudite qui a
récemment tenté une politique de censure
sur les médias locaux et la télévision
d’État au Liban, de même que sur les
chaînes de télévisions syriennes.
Serait-elle devenue une puissance clé
dans le monde d’aujourd’hui ? En Suède,
au Liban, en Syrie, partout ?
Le Président Al-Assad
: Dire d’un
pays qu’il est une puissance clé
implique que vous vous intéressiez à sa
position géopolitique, à son histoire et
à son degré d’indépendance ; s’il n’est
pas indépendant, il ne peut être une
puissance clé. En quatrième lieu, vous
devez vous intéresser à son héritage.
Qu’en est-il de son Histoire et de ce
qu’il laisse en héritage ? Revenons
quelques décennies en arrière : soutien
du terrorisme en Afghanistan à l’origine
de problèmes dont nous payons encore
aujourd’hui le prix en Afghanistan, mais
aussi au Pakistan et dans le monde
entier ; l’Algérie dans les années
quatre-vingt-dix ; et maintenant la
Syrie et la Libye. Toujours la même
idéologie. C’est cela leur héritage :
décapitation, obscurantisme et ainsi de
suite. C’est le seul héritage qu'ils
aient offert, avec récemment leur
agression contre le Yémen, tuant de
pauvres gens, détruisant les
infrastructures, les usines alimentaires
et les aéroports. Le Yémen est un pays
très pauvre. Qu’est-ce que vous gagnez
en vous attaquant aux biens publics ?
Ces biens n’appartiennent pas aux
Houthis ou à tout autre. Ce sont des
biens du peuple. Qu’attendez-vous d’un
pays qui a un tel héritage ? Je ne
dirais pas d’un pays qui déstabilise sa
région qu’il est une puissance clé.
N’importe quel terroriste peut en faire
autant, n’importe où. Nous ne pouvons
pas qualifier des terroristes, qu’ils
s’agissent d’individus, d’organisations
ou d’États, de puissance clé. Je ne
qualifierai pas l’Arabie saoudite de
puissance clé.
Question 38 :
Selon les déclarations de votre
gouvernement, l’Arabie saoudite
soutenait et soutient toujours les
terroristes en Syrie. Maintenant, elle
est officiellement en guerre au Yémen.
Comment voyez-vous cette situation ?
Le Président Al-Assad
: Je viens
juste d’aborder ce sujet. Lorsque vous
attaquez illégalement un pays et que
n’avez pas de mandat du Conseil de
sécurité parce qu’il n'y a aucune menace
contre la sécurité mondiale ou
régionale, il s’agit d’une agression,
sans plus. C’est ainsi que nous voyons
cette situation. Une agression qui va
créer, sans aucune raison et entre deux
peuples qui vivent côte à côte, une
animosité durable qui engendrera plus
d’instabilité dans tous les pays de la
région. Tous en paieront les frais,
d’autant plus que tous les plans
politiques de l’Arabie saoudite se
fondent sur un discours de division dans
un contexte sectaire. C’est leur seul
discours, notamment depuis les années
quatre-vingt du siècle dernier, alors
qu’il est très dangereux pour notre
région de susciter, de promouvoir et
d’attiser n’importe quel type de
sectarisme.
Question 39 :
Que pensez-vous de l'avenir de l'Arabie
saoudite, maintenant, qu’elle est donc
officiellement impliquée dans cette
guerre au Yémen ?
Le Président Al-Assad
: En bref,
cet avenir n’est pas seulement lié à
cette seule guerre contre le Yémen, mais
à l’ensemble des comportements de
l’Arabe saoudite depuis des décennies.
Quand vous adoptez la vengeance haineuse
et que vous nourrissez l’extrémisme
ainsi que le terrorisme, nuisibles
partout dans le monde, vous ne pouvez
que vous détruire.
Question 40 :
Ces comportements vont détruire l'Arabie
Saoudite ?
Le Président Al-Assad
: Oui,
terrorisme, extrémisme, haine et
comportement vindicatif la détruiront.
Question 41 :
Et le pays sera divisé ?
Le Président Al-Assad
: Personne
ne le sait, mais ces comportements les
détruiront. Comment ? Les scénarios sont
nombreux. Je ne peux prédire, mais le
résultat de tout cela est qu’ils
finiront par se détruire.
Question 42 :
Monsieur le Président, la guerre en
Syrie est entrée dans sa cinquième
année. Nous avons parlé de Idleb, de la
zone frontalière entre la Jordanie et la
Syrie. Quelle est la surface demeurant
sous votre contrôle ? Certains parlent
de 10 % du territoire.
Le Président Al-Assad
: Ce
pourcentage n’est pas réaliste. Si tel
était le cas, vous ne seriez pas à Damas
avec moi, mais avec l’un des leaders de
l’opposition qui dirigerait le pays.
Encore une fois, ces chiffres ne sont
pas significatifs qu’il s’agisse de 50%,
60% ou 70%. Ce n’est pas une guerre
conventionnelle entre deux armées
régulières, l’une ayant fait incursion
dans le territoire de l’autre. C’est une
guerre non conventionnelle où les
terroristes peuvent combler le vide là
où l’Armée et les Forces de sécurité ne
sont pas sur place. Comme vous le savez,
l’Armée ne peut se déployer partout et
dans chaque région du pays. Par
conséquent, les terroristes peuvent
exister partout où l’Armée est absente.
Ceci dit, presque à chaque fois que
l’Armée a lancé une bataille pour
reconquérir un territoire, elle a gagné.
Il n’empêche que, là aussi, les
terroristes pourraient s’être rendus
ailleurs dans le pays. Voilà à quel type
de guerre nous avons affaire. Elle a
commencé par une propagande médiatique
extérieure, très vite suivie d’attaques
terroristes, son seul objectif étant de
gagner les cœurs et les esprits pour se
débarrasser du gouvernement, de l’État
et du Président. C’est là qu’ils ont
échoué. Je pense que s’ils ont échoué
jusqu’ici, c’est parce que le peuple
syrien l’a bien compris, une majorité
soutenant le gouvernement contre ces
interventions étrangères. C’est de ce
type de contrôle dont vous pourriez
parler.
Question 43 :
L'Armée irakienne s’est effondrée quand
l’EIIL a lancé son attaque contre
Mossoul l’été dernier. Vous savez que
l'Armée syrienne est plus solide. Pour
ne prendre qu’un exemple, pourquoi
n’avez-vous pas repris la ville de Raqqa
à l’EIIL ? Pourquoi vous contentez-vous
d’attaques aériennes ?
Le Président Al-Assad
: Parce que
quand vous faites face à une guerre
aussi vicieuse, menée sur votre
territoire par l’intermédiaire de
terroristes recrutés dans une centaine
de pays, alors que vous n’êtes qu’un
petit pays aux moyens limités, vous
devez dresser une liste de priorités
fondée sur des critères militaires.
Sinon, vous vous disperseriez sans
gagner aucune bataille. Vous fixez vos
priorités dans le but ultime de regagner
tout le territoire syrien, que ce soit
une grande ville ou un petit village,
une zone peuplée ou inhabitée. Et la
ville de Raqqa est une ville que nous
voulons regagner.
Question 44 :
Permettez-moi de passer à un autre
sujet. Comment décririez-vous la
relation entre la Syrie et l'Iran
aujourd'hui ?
Le Président Al-Assad
: La même
relation que nous aurions pu décrire
quand la Syrie a soutenu la révolution
islamique en Iran en 1979, il y a 35
ans, alors que de nombreux pays,
principalement en Occident et parmi les
Pays du Golfe, ont pris position
contre ; puis, plus tard, quand nous
l’avons soutenu alors que Saddam Hussein
l’avait attaqué. Aujourd’hui, l'Iran
soutient la Syrie. C’est donc une
alliance mutuelle. C’est ainsi que je
décrirais cette relation.
Question 45 :
Certains critiques disent que vous avez
vendu votre pays à l'Iran, et que vous
ne pourriez pas survivre sans l'aide de
l'Iran et du Hezbollah. Est-ce vrai ?
Le Président Al-Assad
: Si
j’étais parti de ce principe et si
j’avais été prêt à vendre mon pays, je
l'aurais vendu aux États-Unis, ou
peut-être à Israël, ou peut-être encore
à l'Arabie Saoudite ; car depuis
l'indépendance de la Syrie [17 avril
1946, NdT] nombreux sont les pays qui
aimeraient contrôler la Syrie pour des
raisons géopolitiques. Autrement dit, si
je voulais vendre mon pays, je le
vendrais en premier aux États-Unis.
Donc, et c’est le premier point, puisque
j’ai refusé de le vendre à qui que ce
soit, je ne voudrais pas le vendre à
l’Iran. Le deuxième point est que l'Iran
n'a jamais essayé de contrôler mon pays.
Jamais. Sans oublier que, par nature, le
peuple syrien ne l’acceptera pas. Par
conséquent, que l’Iran soutienne la
Syrie ne signifie pas qu'il la contrôle
ou qu’il tente d'imposer ses quatre
volontés au gouvernement syrien. Quant à
dire que nous ne pourrions pas survivre
sans l'Iran et le Hezbollah, la question
est hypothétique, pour la bonne raison
qu’un petit soutien dans une grande
guerre peut vous mener à de grands
résultats. Que ce soutien ait été petit
ou grand, le résultat est là, et nous ne
pouvons pas nier qu’il a été vital pour
nous. Qu’en serait-il si nous n’en
n’avions pas bénéficié ? Les choses
auraient été probablement plus
difficiles, ce qui ne veut pas dire que
nous n’aurions pas pu survivre.
Question 46 :
Quelle influence l'Iran a-t-il en Syrie
?
Le Président Al-Assad
: Cela
dépend comment nous comprenons ce terme,
une influence pouvant être positive ou
négative. Ainsi, si nous nous
intéressions à la France et à
l’Allemagne, il est clair que l’une est
une puissance politique et que l’autre
est une puissance économique. L'Iran est
un pays important pour notre région.
C’est un grand pays. C’est en tout cas,
un pays développé par rapport à
d’autres. Je considère que son influence
est positive, parce qu’il cherche plus
de stabilité pour ses propres intérêts.
Tout pays a des intérêts. Donc si l’Iran
est influent, son influence est
positive.
Question 47 :
Je comprends que l'Iran est un pays
important pour la Syrie, mais avez-vous
besoin de l’aide du Hezbollah ?
Le Président Al-Assad
: Encore
une fois, un petit soutien dans une
grande guerre peut vous mener à de
grands résultats. Par ailleurs, le
Hezbollah a une bonne expérience en
matière de guerre non conventionnelle ;
ce dont nous pouvons avoir besoin.
Cependant, son aide est avant tout
qualitative. Par conséquent, vous ne
devez pas le comparer à l’Armée
syrienne. Ses effectifs sont moindres en
effet, mais son expérience pourrait
avoir un grand impact.
Question 48 :
Désormais, on sait bien que le Hezbollah
est présent en Syrie. Quel contrôle
avez-vous sur ses combattants ?
Le Président Al-Assad
: Tous les
combattants de toutes les factions qui
se battent aux côtés de l’Armée,
certaines n’en faisant pas partie mais
la soutiennent, travaillent sous sa
direction. Ils n’ont pas leur propre
bataille ou leur propre front. Nous
n’avons donc aucun problème.
Question 49 :
Khaled Mechaal [dirigeant politique du
Hamas, NdT] a vécu entre 11 et 12 années
en Syrie. Aujourd’hui, il se retrouve au
Qatar. Où en est cette relation
aujourd'hui ?
Le Président Al-Assad
: Nous
n’avons aucune relation et à aucun
niveau. Les événements récents au camp
de Yarmouk ont prouvé qu’une partie des
cadres du Hamas, qui est essentiellement
une organisation des Frères musulmans,
soutient Al-Nosra à l’intérieur du camp.
Question 50 :
Ils soutiennent une organisation
terroriste ?
Le Président Al-Assad
: Oui, une
partie d’entre eux collabore avec Al-Nosra.
C’est pourquoi leurs dirigeants
appellent, depuis le Qatar, les
organisations palestiniennes séculaires
à venir en Syrie, pour secourir leurs
factions présentes dans le camp de
Yarmouk, aux côtés d’Al-Nosra, contre
l’attaque de Daech.
Question 51 :
Donc le Hamas en Syrie, c’est désormais
de l’histoire ancienne ?
Le Président Al-Assad
: Oui.
Je pense que désormais le peuple
syrien ne leur fera plus confiance.
Question 52 :
Monsieur le Président, passons aux
États-Unis et à Aïn al-Arab. Les
États-Unis attaquent l’EIIL par les
airs. En fait, ils vous soutiennent.
Comment décririez-vous cette coopération
militaire avec un pays censé être votre
ennemi ?
Le Président Al-Assad
: Mon
ennemi, c’est d’abord les terroristes.
Ensuite, il n’y a pas de coopération
entre la Syrie et l'Armée américaine.
Question 53 :
Même indirectement ?
Le Président Al-Assad :
Aucune
coopération, même si parfois nous menons
des raids aériens dans une même zone et
sur un même endroit.
Question 54 :
Pas même une coordination ?
Le Président Al-Assad
: Non, pas
de coordination. Mais revenons sur votre
hypothèse consistant à dire qu’ils nous
soutiennent. Disons qu’ils le font
théoriquement et sur papier, mais
certainement pas dans la réalité. Si
vous voulez une comparaison, sachez que
cette alliance de 60 pays, dont
certaines grandes puissances, mènent
plus ou moins dix attaques par jour,
alors qu’un petit pays comme la Syrie
peut, certains jours, en mener plus
d’une centaine. Donc, dix fois plus.
Question 55 :
Des attaques dans une même zone et sur
un même endroit ?
Le Président Al-Assad :
Disons que
c’est généralement le cas. D’où la
question que nous nous posons : sont-ils
sérieux dans leur guerre contre le
terrorisme ?
Question 56 :
Sont-ils sérieux ?
Le Président Al-Assad :
C’est parce
qu'ils ne sont pas sérieux qu’ils ne
peuvent pas nous aider. C’est une simple
conclusion. S’ils étaient sérieux, nous
aurions peut-être discuté ensemble de la
meilleure façon d’agir, ne serait-ce que
pour un modeste résultat. Il leur a
fallu quatre mois pour libérer une
petite ville, que vous nommez Kobané
dans vos médias, quand dans des
conditions similaires notre Armée y est
arrivée en deux à trois semaines. Ou
alors, il y a quelque chose qui ne
tourne pas rond dans leur plan. En
réalité, non seulement ils ne nous
aident pas, mais l’expansion non-stop de
l’EIIL et d’Al-Nosra touche désormais
différents pays. Par conséquent, si vous
insistez sur leur coopération et leurs
succès, dites-moi où les trouver.
Jusqu’ci, nous n’avons rien vu.
Question 57 :
Mais ils n’ont pas la permission de
survoler la Syrie.
Le Président Al-Assad :
Non, c’est
illégal. Nous avons dit publiquement que
c’était illégal et qu’ils le font sans
autorisation [*].
Question 58 :
Monsieur le Président, comment
voyez-vous l'avenir de la Syrie ?
Le Président Al-Assad :
Malgré
toute la douleur, la destruction et le
carnage, à quelque chose malheur est
bon. Cette crise fera que tout Syrien
réfléchira à tous les points faibles de
notre société. Par exemple, beaucoup
n’ont pas vu la ligne fine qui sépare le
fanatisme de l’extrémisme, et
l’extrémisme du terrorisme. Je pense,
que cela poussera toute la société vers
plus de modération, bien que je parle
d’une société modérée qui, comme toute
société, n’est pas exempte de quelques
recoins de fanatisme et d’extrémisme.
Cela poussera notre société, mosaïque de
toutes les couleurs syriennes, à chérir
la modération et l’intégration que nous
avons connues tout au long de notre
histoire ; ce qui à mon avis aidera à sa
reconstruction. La reconstruction du
pays n’est pas le problème, c’est
toujours possible. Le principal défi est
de trouver comment traiter les fêlures
psychologiques et morales de la
prochaine génération qui aura vécu
toutes ces atrocités. Mais je ne suis
pas pessimiste, à condition que nous
nous débarrassions des terroristes.
Question 59 :
Vous parlez de la reconstruction du
pays. Qui va payer pour cela ?
Le Président Al-Assad :
Le pays
lui-même pour commencer. Dès que les
premiers projets démarreront, la roue de
l’économie avancera générant des
ressources financières pour elle-même.
Ensuite, les investissements de pays qui
ont soutenu la Syrie, comme la Russie,
la Chine, l'Iran, et bien d'autres. Et
enfin les investisseurs de tous les pays
qui n’ont pas participé à l’effusion du
sang syrien.
Question 60 :
Ces quatre dernières années, j’ai voyagé
de Daraa à Lattaquié et partout dans le
pays. Il me semble que la reconstruction
du pays est une mission impossible.
Est-ce le cas ?
Le Président Al-Assad :
Non, ce
n’est pas une mission impossible, car
nombre de pays ont été détruits lors de
diverses crises, comme les guerres, les
séismes, etc… Non, la reconstruction des
infrastructures et des bâtiments n’est
pas un défi difficile à relever. Le défi
le plus important est de reconstruire
l'humain.
Question 61 :
C’est justement le sujet dont je
voudrais vous parler. J’ai visité
beaucoup de familles syriennes. J’en
suis arrivé à penser que chaque foyer
syrien a été affecté par cette guerre.
Les enfants, les hommes, les femmes, les
personnes âgées, ont tous besoin de se
reconstruire. Que pouvez-vous faire ?
Que peut faire le monde pour les aider ?
Le Président Al-Assad :
Nous
n’avons pas à attendre la fin de la
guerre pour les aider. Nous avons déjà
commencé à le faire par des subventions,
des dons, des crédits et d’autres
services destinés à ces familles
dépossédées dans des circonstances
diverses et multiples. Mais le plus
important est l’aide morale et comment
la société et le gouvernement adoptent
et soutiennent ces familles qui ont
perdu des êtres chers accidentellement
ou au combat dans les rangs de l’Armée,
de la Police et des Comités de défense.
Je pense que c’est ce que la société
syrienne a donné et que c’est pour cela
nous avons pu résister pendant ces
quatre dernières années, alors que nous
sommes entrés dans la cinquième, comme
vous l’avez rappelé.
Question 62 :
Vous parlez de la société syrienne. À
quel point est-elle divisée aujourd'hui
?
Le Président Al-Assad :
Si la
société était divisée, le pays aurait
été automatiquement divisé. Ce ne sont
pas les frontières qui peuvent le
diviser. Seule la société le peut, au
cas où des lignes de séparation claires
apparaitraient entre les gens de
différentes ethnies et confessions.
Aujourd’hui, si vous observez la
population des zones sécurisées où se
sont réfugiés de très nombreux déplacés,
vous verriez que des gens appartenant à
tout le spectre de la diversité syrienne
vivent ensemble, côte à côte. Si la
société était divisée, ce ne serait pas
le cas.
Question 63 :
Donc, le pays n’est pas divisé ?
Le Président Al-Assad :
Non, le
pays n’est pas divisé et les médias
occidentaux parlent à tort de guerre
civile. Il n’y a pas de guerre civile en
Syrie. La guerre civile se traduit par
des lignes de démarcation claires et
nettes entre les différentes ethnies,
confessions, religions ou autres groupes
d’une même société. C’est une guerre
entre la société syrienne et les
terroristes. Telle est la réalité de
cette guerre. Vous pouvez vérifier par
vous-mêmes qu’absolument toutes les
composantes du peuple syrien vivent
ensemble, sans aucune exception. En
général, je n’aime pas user du terme
« absolument », mais dans ce cas c’est
l’absolue vérité. Je dirais même que
cette cohésion est plus forte qu'avant
la guerre car, comme je vous l’ai dit
précédemment, les Syriens en ont tiré
les nombreuses leçons. Ils sont plus
proches les uns des autres.
Question 64 :
Monsieur le Président, je pense que peu
de gens souhaiteraient être à votre
place. C’est une très grande
responsabilité envers la Syrie vu ce qui
s’y passe aujourd’hui. Avez-vous jamais
souhaité être resté à Londres à exercer
votre métier de praticien ophtalmologue
?
Le Président Al-Assad :
Je suis
devenu ophtalmologue parce que j’aimais
ce métier et ce secteur professionnel.
Je n’ai exercé que dans le secteur
public et j’avais prévu d’y rester.
Finalement, je n’ai fait que passer d’un
secteur public à un autre plus large ;
lequel, comme vous le savez, consiste
aussi à aider les gens. Il n’y a donc
pas une grande différence, puisqu’il
s’agit du même principe appliqué par des
méthodes différentes. Ai-je jamais
souhaité être resté à Londres à exercer
la médecine, après trois ans de pratique
en Syrie ? Je ne regarde pas en arrière.
Ce qui compte le plus pour moi est
d’aider le peuple syrien.
Question 65 :
Qu'est-ce que vous manque le plus de
votre séjour londonien ?
Le Président Al-Assad :
Nous
parlons d'un autre âge, j’étais jeune.
Peut-être ai-je la nostalgie de ma
jeunesse. Mais en réalité, quand vous
allez vivre dans un autre pays pour
perfectionner vos connaissances, vous
chérissez cette relation qui vous offre
le savoir nécessaire au développement de
votre pays. C’est ce sentiment qui vous
manque, maintenant que la France et la
Grande Bretagne sont devenues un fer de
lance contre la Syrie alors que vous
pensiez qu’ils pouvaient aider les
Syriens, non les tuer. C’est ce qui me
manque.
Question 66 :
Monsieur le Président, vous n'êtes pas
seulement président et médecin. Vous
êtes aussi un père. Comment
expliquez-vous à vos enfants ce qui se
passe en Syrie ?
Le Président Al-Assad :
En toute
transparence, parce qu'ils vivent dans
cette société, fréquentent les élèves de
leur école, regardent différentes
chaînes, utilisent l'Internet qui leur
montre certaines opinions et même des
atrocités. Des valeurs qui ne sont plus
aussi évidentes dans notre société, en
raison des circonstances. Lorsqu’ils ont
vu une tuerie, vous devez vous
concentrer sur la bonne conduite et la
bonne volonté. Lorsqu’ils ont vu des
terroristes tuer des personnes parce
qu’elles ne partagent pas leur
idéologie, vous devez davantage vous
concentrer sur la tolérance et
l’acceptation de l’autre, abstraction
faite de son idéologie ou de son
affiliation. Ce sont là les points
importants à aborder au sein de la
famille.
Question 67 :
Est-ce que
les enfants posent des questions au
sujet de la guerre ?
Le Président Al-Assad :
Je pense
que c’est un sujet de dialogue
quotidien dans chaque foyer syrien.
Désormais cela fait partie de notre vie.
La crise est notre vie, la vie de nos
enfants, de nos jeunes, de nos aînés, de
nous tous.
Question 68 :
Nous
savons, Monsieur le Président, que vous
avez perdu des amis et des proches au
cours de cette guerre. Comment cela vous
a-t-il affecté ?
Le Président Al-Assad :
Comme
n’importe qui au Moyen-Orient où les
relations entre les membres de la
famille et les amis sont très
émotionnelles et très chaleureuses, de
sorte que toute perte vous affecte
profondément et vous plonge dans la
tristesse. En même temps, et en fonction
du poste que vous occupez, cela vous
incite à réfléchir davantage aux moyens
de protéger la vie de vos concitoyens et
à agir efficacement pour les aider.
Ceci, parce que des millions de Syriens
souffrent des mêmes sentiments que moi.
Voilà ce qui m’affecte tout en
m’incitant à aider les Syriens.
Question 69 :
À moins
d’un miracle, que faut-il pour arrêter
cette guerre ?
Le Président Al-Assad :
Arrêter l'ingérence extérieure. Comme je
vous l’ai déjà dit, notre problème n’est
pas très compliqué. La solution est
claire, mais devient plus compliquée à
cause des interventions étrangères.
Arrêtez. Arrêtez le terrorisme et le
flot de terroristes en provenance
d’Arabie saoudite et du Qatar via la
Turquie, avec la bénédiction et l’aide
d’Erdogan. Arrêtez l’afflux d’armes et
d’argent vers les terroristes. Arrêtez
de les couvrir de votre parapluie
occidental quel que soit l’adjectif dont
vous les affublez, notamment celui de
« modérés ». C’est alors que le problème
syrien se résoudra en quelques mois.
Cela ne prendra pas plus de temps.
Dr Bachar al-Assad
Président de la République arabe
syrienne
17/04/2015
Sources :
Sana / Expressen
http://sana.sy/en/?p=36449
http://www.expressen.se/nyheter/mote-med-al-assad/en/
Texte traduit par
Mouna Alno-Nakhal
Note :
[*]
Conversation avec le Président syrien
Bachar al-Assad
[Questions 50 à 58]
http://www.palestine-solidarite.org/entretien.bachar_al-assad.260115.htm
Le sommaire de Mouna Alno-Nakhal
Le
dossier Syrie
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