La Voix de
la Russie
Toussaint Alain
: « L'Afrique s'impatiente de voir
Gbagbo libre ! » (Partie 2)
Mikhail
Gamandiy-Egorov
© Photo :
Toussaint Alain
Vendredi 25 octobre 2013
Suite de la première partie
La Voix de la Russie :
Les charges contre le président
Laurent Gbagbo n’ont pas été confirmées
par la CPI. Malgré cela, M. Gbagbo est
toujours emprisonné, le temps que le
procureur puisse trouver « des éléments
de preuves additionnels », comme l’ont
demandé les juges de la Cour. Comment
jugez-vous cette situation ?
Toussaint Alain :
Croyez-vous sincèrement qu’il
pouvait en être autrement ? Nous sommes
devant une situation inédite : un
tribunal reconnaît qu’il n’a pas de
d’éléments suffisants mais il s’obstine
tout de même à maintenir en détention un
inculpé. C’est époustouflant comme
procédé ! On l’aura compris : la mission
de la CPI n’est pas de dire le droit
mais de condamner coûte que coûte. Or,
Laurent Gbagbo est présumé innocent.
Avec tous les moyens dont disposent le
procureur et ses enquêteurs, la CPI n’a
pas été en mesure de fournir la moindre
preuve inattaquable. Que cette comédie
inhumaine cesse ! Le président Gbagbo
doit être remis en liberté.
LVdlR : On
évoque une possible mise en liberté
provisoire de Laurent Gbagbo. La demande
a été introduite à plusieurs reprises
par la défense. Qu’en est-il ?
Toussaint Alain :
Oui, j’ai entendu beaucoup de
déclarations à ce sujet. Je ne vais en
rajouter à la spéculation. Sachez que la
Côte d’Ivoire et l’Afrique
s’impatientent de voir Laurent Gbagbo
libre. Pas seulement en liberté
provisoire mais en liberté pleine et
définitive tout simplement. La CPI
dessert la cause de la justice mondiale
en maintenant un innocent en détention
alors que les charges s’effondrent les
unes après les autres comme un château
de cartes. L’incarcération de Laurent
Gbagbo est un non-sens. On ne peut pas
emprisonner quelqu’un par convenance ou
par pur calcul politique. Gbagbo est
innocent. Sa libération revêt un enjeu
de paix et de stabilité pour la Côte
d’Ivoire, où le naufrage du processus de
réconciliation saute aux yeux. Les
Ivoiriens ont envie d’être de nouveau
ensemble, de cohabiter pacifiquement.
Après la politique, il y a la vie de
tous les jours. Libre, Gbagbo peut être
un puissant accélérateur de la cohésion
sociale et un facilitateur de la
confiance retrouvée entre ses
compatriotes. Ni la CPI ni le Conseil de
sécurité de l’ONU ne peuvent ignorer
cette dimension de l’affaire.
LVdlR :
Quelles sont les dernières avancées
notoires dans la situation politique en
Côte d’Ivoire ?
Toussaint Alain :
M. Ouattara a récemment fait
quelques gestes en remettant en liberté
plusieurs personnalités proches du
président Gbagbo. Il reste encore au
moins 800 prisonniers politiques,
toujours détenus sans jugement. Parmi
eux, Simone Gbagbo et Charles Blé Goudé,
lequel reste privé de l’assistance de
ses avocats. La détention au secret ou
la torture physique ou psychologique
n’ont jamais fait avancer la cause de la
vérité. Sur le plan politique, on a pu
observer aussi que le Front populaire
ivoirien (FPI, parti du président
Gbagbo - Ndlr) a repris du poil
de la bête avec le retour aux affaires
de Pascal Affi N’Guessan, son président.
Les lignes bougent puisque l’opposition
peut de nouveau tenir des réunions
publiques. Mais tout cela reste précaire
et conditionné à l’humeur des autorités
actuelles. Or, il y a nécessité
d’instaurer un climat de confiance
durable entre le pouvoir et l’opposition
afin d’éviter de nouvelles crises. Cela
passe également par la levée des mandats
d’arrêt internationaux contre des
anciens dignitaires et le dégel des
comptes bancaires de plusieurs centaines
de personnalités proches du président
Gbagbo ou ayant servi l’Etat sous sa
gouvernance.
LVdlR : Le
régime d’Alassane Ouattara devient-il
plus conciliant avec l’opposition à
l’approche de l’élection présidentielle
de 2015 ?
Toussaint Alain :
Le gouvernement ne perd rien à
ouvrir un vrai dialogue politique avec
l’opposition. Bien au contraire.
Effectivement, tout le monde songe déjà
à la présidentielle de 2015. Mais il y a
des sujets cruciaux qu’il faut
absolument régler afin de mieux aborder
cette échéance. L’objectif étant de
garantir la paix et la sécurité.
D’abord, l’épineuse question du
désarmement des ex-combattants de M.
Ouattara : au moins 65 000 soldats en
armes. Ils constituent une vraie source
d’inquiétude et d’insécurité tant pour
le pouvoir que pour les populations.
Ensuite, il y a l’indispensable
recomposition de la Commission
électorale indépendante (CEI) dont la
mission a officiellement pris fin, selon
les accords de paix inter-ivoiriens,
depuis les dernières élections locales
d’avril 2013. Enfin, la révision de la
liste électorale et l’inscription de
plusieurs millions de nouveaux majeurs
sur les listings. L’élection de 2015
reste ouverte. A mi-mandat, la grogne
sociale est forte car M. Ouattara n’a
tenu aucune de ses promesses électorales
: un million d’emplois, les soins
gratuits, cinq nouvelles universités,
des milliers de nouvelles écoles, des
points d’adduction d’eau potable dans
tous les villages du pays, etc. Le
chômage a atteint un niveau endémique.
L’économie tourne au ralenti. Une note
interne d’une célèbre institution de
Bretton Woods a récemment tiré la
sonnette d’alarme sur la gestion de M.
Ouattara. La Côte d’Ivoire, qui a un
programme avec le Fonds monétaire
international (FMI), continue de
s’endetter clandestinement auprès de
régimes amis pour sauver les apparences.
Les créanciers du pays sont eux aussi
irrités par les pratiques peu orthodoxes
de ce pouvoir incompétent. Et le mois de
décembre s’annonce difficile sur le plan
budgétaire. Or, les caisses de l’Etat
sont désespérément vides. Face à ce
triste tableau, le régime n’aura pas
d’autre alternative que la fraude
industrielle pour tenter de se maintenir
au pouvoir. Je ne doute pas que les
Ivoiriens veilleront à ce que M.
Ouattara ne leur vole pas la victoire
une nouvelle fois.
LVdlR : M.
Toussaint Alain, je vous remercie. Très
bonne continuation à vous !
Toussaint Alain :
Merci à La Voix de la
Russie de m’avoir donné la
parole. Je voudrais exprimer ma sincère
gratitude aux autorités politiques de
votre pays pour leur position courageuse
sur la CPI et pour tout ce qu’elles
entreprennent pour la recherche de la
vérité. Merci et à très bientôt à
Moscou.
© 2005—2013
La Voix de la Russie
Publié le 29 octobre 2013
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