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France:
retombées politiques des appels à l’agression contre l’Iran
lancés par Kouchner
Alex Lantier
1er octobre 2007
Les appels du ministre des Affaires étrangères,
Bernard Kouchner, à adopter une politique agressive contre l’Iran,
sont source d’inquiétude au sein de l’élite dirigeante française
au moment où la popularité du président nouvellement élu,
Nicolas Sarkozy, baisse rapidement dans les sondages. Certaines
sections de la bourgeoisie française ne s’inquiètent pas
uniquement pour leurs énormes investissements en Iran, mais aussi
de ce que Sarkozy risque de miner son propre gouvernement en
devenant l’adjoint de l’administration Bush en matière de
crimes de guerre.
Dans l’émission de radio Le grand jury RTL
du 16 septembre, Kouchner a dit qu’il était nécessaire de se
préparer « au pire » au sujet de l’Iran, ajoutant
que « le pire, c’est la guerre, monsieur. » Kouchner
a révélé que l’état-major mettait des plans au point en vue
d’attaques contre l’Iran et a donné son aval en disant,
« il est normal que l’on fasse des plans. » Kouchner
a dit aussi que le gouvernement français déconseillait aux
entreprises françaises d’investir en Iran, et ce bien
qu’elles y aient déjà des investissements s’élevant à 30
milliards de dollars américains.
D’autres représentants du gouvernement ont
ensuite essayé de minimiser les remarques de Kouchner. Dans une
interview télévisée le 20 septembre, Sarkozy a dit, « je
n’aurais pas employé le mot ‘guerre’. » Néanmoins
les remarques qu’il a ensuite faites ont démontré que ce qui
le préoccupait le plus c’était que Kouchner ait vendu la mèche.
Sarkozy a ajouté, « l’Iran essaie de
se doter de la bombe nucléaire, » ce qu’il a qualifié
d’ « inacceptable. » Ces remarques ont été faites
après son discours de politique internationale du 28 août dans
lequel il avait déclaré que si les négociations visant à empêcher
l’Iran de se munir de l’arme nucléaire venaient à échouer,
alors les seules alternatives seraient « la bombe iranienne
ou le bombardement de l’Iran. » Sarkozy a à nouveau abordé le
sujet dans son discours du 25 septembre aux Nations Unies en
disant que l’arme nucléaire iranienne serait « un risque
inacceptable à la stabilité de la région et du monde. »
Kouchner a aussi rencontré la secrétaire d’Etat
américaine Condoleezza Rice lors d’un voyage de trois jours, du
19 au 21 septembre, à Washington. Un communiqué de presse français
a dit que « la situation régionale » au Moyen-Orient
et le « dossier nucléaire iranien » étaient « au
cœur de leurs entretiens. » Dans un contexte où des signes
s’accumulent donnant à penser que des frappes militaires américaines
sur l’Iran sont imminentes, Rice a déclaré, « Je pense
qu'il n'y a, essentiellement, pas de différence dans la façon
dont nous [Paris et Washington] voyons la situation en Iran et sur
ce que la communauté internationale doit faire, et nous allons
travailler dans ce sens. »
Tous ces commentaires ont perturbé certains
parmi l’élite dirigeante, notamment à l’intérieur du parti
conservateur au pouvoir, l’UMP (Union pour un mouvement
populaire), qui craignent que la politique de Sarkozy visant à défendre
sans retenue les intérêts de la bourgeoisie française – au
moyen de coupes sociales massives contre les travailleurs en
France et d’une alliance militariste avec l’impérialisme américain
à l’étranger – ne devienne trop apparente aux yeux de la
population.
Dans une interview donnée le 23 septembre,
l’ancien premier ministre UMP (et rival de Sarkozy) Dominique de
Villepin a dit qu’il y avait « un rapprochement, parfois même
un alignement sur certaines positions de l’administration Bush »
entre Sarkozy et l’administration Bush. Il a fait remarquer que
l’administration Bush est « une administration finissante,
qui s’est beaucoup trompée en matière de politique étrangère »
sur la question de l’Irak.
Villepin avait précédemment critiqué le
gouvernement de Sarkozy sur sa politique intérieure. Le 21
septembre il avait critiqué le premier ministre François Fillon
qui avait, le même jour déclaré de façon quelque peu hystérique
que la France était « en situation de faillite sur le plan
financier. » Tout en insistant sur le fait qu’il ne
fallait pas « faire de procès à François Fillon »,
Villepin avait fait remarquer que les 15 milliards de réduction
d’impôt en faveur de la tranche d’impôt la plus élevée
avait « aggravé la situation financière. »
Le 25 septembre, un autre ancien premier
ministre UMP Jean-Pierre Raffarin, avait aussi critiqué les
propos de Fillon, les qualifiant de « maladroits et
inexacts. » Citant la ministre des finances Christine
Lagarde qui avait reconnu qu’elle poursuivrait une politique de
« rigueur » envers les travailleurs du secteur public,
et citant les propos de Kouchner et de Fillon, Raffarin avait dit
« Rigueur, guerre, faillite. Franchement, attention ! »
Néanmoins, le fait que le gouvernement
reconnaisse être en train de mettre en place une politique de
rigueur, de guerre et d’imprudence en matière financière est
tout à fait juste. Ni Raffarin ni Villepin, qui ont tous deux
procédé à des coupes sociales lorsqu’ils étaient au pouvoir,
provoquant les grèves de grande envergure de 2003 contre le
projet de réforme des retraites de Raffarin et de 2006 contre la
réforme du contrat de travail de Villepin, n’ont critiqué
l’orientation fondamentale de politique intérieure de Sarkozy.
Il est à noter que Villepin a aussi traité de
la politique intérieure de la France le 23 septembre. Sur le
projet visant à contraindre les immigrés qui font une demande d
regroupement familial à se soumettre à des tests ADN, Villepin a
dit, « Je pense que ce n’est pas constitutionnel et je
pense surtout que cela ne correspond pas à l’histoire et à
l’esprit de notre pays. Regardons les autres pays qui pratiquent
ces tests ADN. La Grande-Bretagne n’a pas du tout la même
histoire que nous, elle n’a pas connu les rafles. »
La référence de Villepin à la collaboration
de l’Etat français de Vichy avec l’Allemagne nazie durant la
Deuxième guerre mondiale, dans les rafles de juifs français et
leur déportation dans les camps d’extermination, était un
appel de pied calculé en direction des sections historiquement
plus conscientes de l’élite française. En cultivant un style
de libéralisme libéré des formes de gouvernance plutôt
sociale-démocrate en vigueur en France, Sarkozy a développé des
liens étroits avec le néofascisme européen. Il est le premier
président à avoir invité Jean-Marie Le Pen, dirigeant du Front
national néofasciste, au palais de l’Elysée. Il entretient
aussi des liens chaleureux, ainsi que des collaborations littéraires,
avec des « post-fascistes » italiens tels Gianfranco
Fini de Alleanza Nazionale (Alliance nationale.)
Ces avertissements viennent alors que les cotes
de popularité de Sarkozy et de Fillon baissent rapidement –
respectivement de 8 et 7 pour cent pour tomber à 61 et 56 pour
cent. La vitesse à laquelle elles chutent est, de plus, bien plus
significative que leur pourcentage élevé qui reflète la capacité
du gouvernement à présenter, de façon déloyale, ses projets de
réduction d’impôt et ses coupes sociales comme nécessaires et
bénéfiques pour tous. Mais ces pourcentages se révèlent creux
eu égard à la forte opposition à des sections-clé du programme
gouvernemental, comme par exemple à la « TVA sociale »
(baisse des taxes patronales et financement des programmes sociaux
en augmentant la TVA) qui ne recueille que 30 pour cent d’adhésion
ou encore à la réduction du nombre de fonctionnaires (à
laquelle 61 pour cent s’opposent) et à présent aux préparatifs
de guerre contre l’Iran.
L’association d’une politique anti-immigrés
et d’une obéissance toujours plus servile à Washington dans la
fomentation de la guerre au Moyen-Orient, est particulièrement
explosive en France où l’on trouve une importante population
musulmane et maghrébine. En droite ligne avec sa politique du
tout sécuritaire et sa politique basée sur l’identité
nationale, Sarkozy avait ciblé cette population lorsqu’il était
ministre de l’Intérieur sous Raffarin et Villepin. On se
souvient comment, en novembre 2005, lorsque deux jeunes s’étaient
électrocutés en essayant d’échapper à la police, la réaction
insultante et dédaigneuse de Sarkozy à cet événement avait
contribué à déclencher, dans tout le pays, des protestations et
des émeutes principalement dans les quartiers à forte population
immigrée.
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Publié le 1er octobre 2007 avec l'aimable autorisation du WSWS
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