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RIA Novosti
Sarkozy-Royal: et surtout bonne
chance...
Vladimir Simonov

Photo RIA Novosti
4 mai 2007
Que Paris déroule les portraits de ses candidats à la présidentielle
est tout à fait normal. Mais que la quasi totalité de ces
portraits aient les yeux crevés, la bouche rayée, soient abimés
ou en lambeaux, cela, c'est la première fois qu'on le voit, s'étonnent
mes amis français.
A la veille du second tour de l'élection présidentielle,
dimanche 6 mai, les passions se déchaînent en France, comme cela
ne s'était plus vu depuis peut-être 30 ans.
Et on le comprend: l'élection qui se joue en France marque sa
différence. Un homme, une femme. Un leader de la droite qui prêche
un libéralisme politique et économique classique. Ou une
socialiste qui fait d'une foi fervente en l'Etat la panacée à
tous les problèmes.
Lui n'est pas bien grand, on le compare souvent à Napoléon.
Ambitieux, violent, agressif même, ce seraient là ses points
faibles, disent-ils. Dans ses interventions publiques, il sue
abondamment mais n'utilise jamais de mouchoirs, se soustrayant
ainsi à tout cliché désobligeant. Cela ne l'a pas empêché
d'exiger que l'on nettoie la banlieue parisienne de toute cette
"racaille", après les émeutes de 2005. La banlieue ne
l'oubliera probablement pas.
Elle, c'est une dame charmante, qu'on peut aisément comparer
à la Vierge. Peut-être même cultive-t-elle sciemment cette
image. Une préférence pour le blanc. En public, elle tend les
mains, souvent, amplement, comme pour embrasser une foule de
dignes paroissiens. De là le credo, ni déclaré ni caché, de
toute sa campagne: élisez-moi, je serai la Mère protectrice de
tous les Français, courageuse et pleine de sollicitude.
Oui, ces deux prétendants à l'Elysée sont par trop différents,
Nicolas Sarkozy, leader de l'Union pour un Mouvement Populaire, et
Ségolène Royal, candidate des socialistes. Mais ils ont beaucoup
en commun. Et avant tout, la situation dans laquelle ils se
trouvent, qui fait que l'un d'entre eux sera vaincu, et lui ou
elle devra alors courber les épaules devant son adversaire, chargé
du lourd fardeau des problèmes du pays.
La machine économique France piétine. Le taux de chômage
frise les 9%, atteignant même 22% chez les jeunes. La moitié de
l'électorat vit aux frais de l'Etat, dont elle perçoit salaire,
retraite ou autre allocation.
Cette forme originale de capitalisme d'Etat à la française
aboutit aujourd'hui à une dette publique qui s'élève à 66,6%
du PIB. La France a un taux de croissance inférieur à tous ses
voisins européens, hormis le Portugal. Puissance économique,
locomotive du Vieux continent, on la surnomme aujourd'hui l'homme
malade de l'Europe. Et c'est bien fait.
Même sans cela, prenez le sombre tableau des cimetières régulièrement
profanés dans des relents d'antisémitisme. Le tout éclairé par
la lumières des voitures brûlées de la banlieue parisienne.
Ajoutez-y ce perfectionnisme maladivement spirituel dont les Français
ont fait, comme ils le reconnaissent eux-mêmes, un véritable
sport national. Et, furtivement, la pensée que les deux candidats
devraient y réfléchir à deux fois avant de vouloir gouverner la
France telle que nous la connaissons aujourd'hui nous traverse
l'esprit.
Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal partagent un autre point
commun: à la veille du tour décisif, ils bénéficient
approximativement de la même popularité. Ce qui ne fait que
compliquer la tâche du pauvre électeur français.
Finalement, les 31,2% des voix obtenus par Nicolas Sarkozy il y
a deux semaines ne réduisent en aucune façon le remarquable
score des socialistes, avec les 25,9% de Ségolène Royal. Tout
particulièrement si l'on prend en compte l'électorat de François
Bayrou, candidat du centre (18,6%) et de Jean-Marie Le Pen, FN,
(10,4%) qui pourrait bien faire pencher les statistiques du
premier tour d'un côté ou de l'autre. En supposant, bien sûr,
qu'on leur envoie un petit signe ou une allusion à peine
perceptible, pour savoir lequel des deux candidats encore en lice
choisir.
Malheureusement, ce signe, attendu par ceux qui n'avaient pas
encore arrêté leur vote, n'a pas été donné.
Eliminé à l'issue du premier tour, il faut croire que
Jean-Marie Le Pen en a tellement été affecté qu'il a conseillé
à ses partisans de ne pas se rendre aux urnes le 6 mai.
De son côté, François Bayrou n'a pas souhaité non plus
donner son assentiment à l'un des deux candidats. D'après lui,
Nicolas Sarkozy est bien trop lié au monde des affaires, et
notamment influencé par les magnats des médias, alors qu'avec Ségolène
Royal, mieux vaut ne pas attendre une solution miracle pour l'économie
- elle n'en a tout simplement pas - mais plutôt une aggravation
du chômage, du déficit budgétaire et de la dette publique.
Bayrou n'a pas mordu au dernier hameçon téméraire que lui a
lancé Royal: en cas de victoire, elle serait prête à donner le
siège de premier ministre au leader centriste, qui a clairement décliné
l'invitation.
Ainsi, à la veille du second tour, les 6,8 millions de
partisans de François Bayrou restent sans le mot du père quant
au choix à effectuer. C'est avec d'autant plus d'intérêt qu'ils
se sont alors collés à leur téléviseur, en même temps que
toute la France, quand dix chaînes nationales ont diffusé le
duel "Sarko-Ségo".
Hélas, l'indécision des spectateurs n'y a pas trouvé réponse.
Des coups violents ont été distribués, et d'habiles esquives
ont succédé aux piques les plus dangereuses. Mais pas de KO.
Nicolas Sarkozy a dépeint sa rivale comme une socialiste passée
de mode, dans l'esprit de Klara Tsetkine, obsédée par le
nivellement et la distribution des emplois, comme des petits
pains. Ségolène Royal a souligné que son adversaire avait été
un ministre de l'Intérieur incompétent, qui avait solennellement
proclamé "la tolérance zéro" mais que, cinq ans plus
tard, la criminalité avait augmenté de 26% dans les écoles.
Du reste, chacun des deux adversaires avançait en terrain
connu: l'un exigeant un allègement des impôts, une diminution
des dépenses publiques et du rôle de l'Etat, l'autre, tout le
contraire. Au bout du compte, tous les deux se sont proclamé
vainqueurs, ce qui n'a probablement pas éclairci les idées des
44 millions d'électeurs.
Selon les derniers sondages, Nicolas Sarkozy recueillerait 53%
des intentions de vote, contre 47% pour Ségolène Royal. Mais il
ne s'agit là que de chiffres. Cette fois-ci, le plus important
est que les Français saisissent bien toute la responsabilité qui
leur incombe. De ce choix entre deux candidats diamétralement
opposés dépendent beaucoup de choses.
Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la
stricte responsabilité de l'auteur.
© 2005 RIA
Novosti
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