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RIA Novosti
Où conduira le choix des Français?
Vitali Dymarski *
11 mai 2007
Le feuilleton politique français, dont les protagonistes étaient
un homme et une femme, ne rappelait nullement le film éponyme de
Claude Lelouch. L'élection présidentielle qui s'est achevée
dimanche dernier ne rappelait pas non plus un thriller, car elle
manquait de suspense. Comme l'avaient prédit tous les sondages,
le grand favori Nicolas Sarkozy a recueilli au second tour plus de
53% des voix, devançant largement sa rivale Ségolène Royal.
Mais la fin de l'élection présidentielle ne signifie pas que la
vie politique en France sera mise en veilleuse.
Selon les critères de la démocratie russe, la victoire
remportée par Nicolas Sarkozy sur Ségolène Royal est peu
convaincante : une marge de 6% constitue en Russie une différence
mathématique. Mais dans les conditions des procédures démocratiques
françaises (et ailleurs), ce décalage est perçu par la classe
politique comme une défaite des socialistes. D'ailleurs, ils
partagent ce point de vue. Aussitôt après l'annonce des résultats
du vote, les leaders du Parti socialiste ont évoqué la nécessité
de changer de tactique, de promouvoir des leaders nouveaux, même
de changer de repères idéologiques.
En fait, toute la campagne électorale s'est déroulée en
France sous le signe des promesses de changements rapides faites
aux électeurs potentiels par tous les 12 candidats qui ont
participé à la course présidentielle. Mais le plus de
promesses, concernant en premier lieu la politique sociale, ont été
faites par les deux candidats parvenus en finale : Nicolas Sarkozy
et Ségolène Royal.
Dimanche soir, dans son premier discours en qualité de
vainqueur de l'élection, Nicolas Sarkozy a promis de "rompre
avec le passé", ce passé qui l'a promu au rang de candidat
à la présidence.
Effectivement, il y a des choses à abandonner. A la différence
de ses nombreux voisins européens, la France tarde à procéder
à sa modernisation, elle reste attachée aux thèses sociales et
économiques du gaullisme : la priorité de la propriété
publique et le système de protection sociale fondée sur la dépense.
Au cours de ses 12 années de présidence, Jacques Chirac, qui
a cessé de se dire "gaulliste" pour devenir "néogaulliste",
n'a pas réussi à s'arracher à cet état de choses. La moindre
tentative d'attenter aux "acquis sociaux" provoquait une
explosion du courroux des Français qui refusaient de perdre
d'immenses indemnités et autres allocations. Les grèves et les
manifestations ont paralysé le pays à la fin des années 90 du
siècle dernier, lorsque la droite (les gaullistes) arrivée au
pouvoir n'a fait qu'annoncer son intention de réduire la pression
des versements sociaux sur les finances de l'Etat. Naturellement,
le budget n'a pu et ne peut pas supporter un tel fardeau, c'est
pourquoi la dette publique a atteint aujourd'hui une somme
astronomique.
Nicolas Sarkozy pourra-t-il faire ce qui a été impossible
pour son prédécesseur? En tout cas, il ne réclame plus du
"néo-gaullisme". En fait, sans se prononcer
publiquement à ce sujet, Nicolas Sarkozy a proposé aux Français
un projet libéral complété d'une politique dure à l'égard des
immigrés et des mesures aussi dures de sécurité publique.
Lui, qui avait assumé jusqu'à ces derniers temps le poste de
ministre de l'Intérieur, avait des choses à montrer à ses électeurs,
en premier lieu, la réduction du niveau de criminalité et du
nombre des accidents de la route. Nicolas Sarkozy a réussi, bien
qu'au prix de violences dans les banlieues de Paris, sinon à
venir à bout, du moins à inspirer la crainte aux immigrés illégaux
et à réglementer ainsi leur arrivée. A propos, cela lui a valu
les voix supplémentaires des nationalistes au second tour, bien
que Jean-Marie Le Pen qui dirige depuis longtemps le Front
national d'extrême-droite ait invité ses sympathisants à
s'abstenir.
Cependant, les répercussions des événements houleux de
l'automne dernier, lorsque la foule d'"étrangers"
indignés avait incendié des voitures et saccagé des magasins
des faubourgs où vivent les immigrés, ont eu lieu dimanche
dernier. Des "marches du désaccord" avec l'élection de
Nicolas Sarkozy à la présidence en France ont eu lieu dans
plusieurs points du pays (y compris la place de la Bastille), mais
elles ont rassemblé non pas des centaines, mais des dizaines de mécontents
qui ont essayé de compenser leur petit nombre par une agressivité
décuplée. Cela a profité à Nicolas Sarkozy, en prouvant au
Français moyen la justesse des actions énergiques du futur président
(la passation du pouvoir de Jacques Chirac à Nicolas Sarkozy aura
lieu le 16 mai) contre les immigrés qui ne font, selon lui, que
profiter de la France sans rien lui donner.
Les législatives auront lieu dans cinq semaines en France.
Aussi bien les perdants (les socialistes et les centristes avec à
leur tête François Bayrou qui a occupé la troisième place au
premier tour de la présidentielle) que, bien entendu, les
vainqueurs, l'Union pour un mouvement populaire de Nicolas
Sarkozy, ont l'intention d'y participer.
En ce qui concerne les socialistes, la question principale est
de savoir s'ils laisseront Ségolène Royal au poste de leader au
cours du vote de juin. D'une part, la tradition politique veut que
le perdant quitte la scène, ne serait-ce que temporairement.
D'autre part, Ségolène Royal ne peut pas être considérée
comme "perdante". Parmi les socialistes où "les
divergences et les chancellements" entre divers courants et
les ambitions personnelles des leaders sont observées depuis
plusieurs années, il ne s'est pas trouvé une figure capable
d'assurer l'unification et qui puisse concurrencer Nicolas
Sarkozy. Ségolène Royal a, en fait, assumé seule cette tâche
difficile en entendant plus de reproches de la part de ses
camarades de parti que de ses concurrents politiques. Dans ces
conditions, elle a tout de même réussi à se comporter plus ou
moins dignement en arrivant au second tour (à la présidentielle
de 2002, les socialistes n'y étaient pas parvenus, en le cédant
à Jean-Marie Le Pen).
Les centristes deviennent un nouveau facteur de la politique
française. Dans les années précédentes, ils étaient alliés
des gaullistes et ne prétendaient pas à un rôle particulier.
François Bayrou - qui est, sans conteste, une découverte de la récente
élection - a également décidé de "rompre avec le passé"
et s'est présenté comme candidat indépendant en recueillant 18%
des voix au premier tour, résultat qui peut en faire un arbitre
entre la gauche et la droite au futur parlement.
Les socialistes et les centristes ont, pour l'instant, un
argument commun qu'ils avanceront probablement aux électeurs
avant le vote de juin : il est inadmissible, estiment-ils,
d'accorder tout le pouvoir - exécutif et législatif - à une
seule force politique. "La première loi de la démocratie
c'est que tout pouvoir doit avoir son contre-pouvoir", a déclaré
François Bayrou en commentant les résultats de l'élection. Et
d'ajouter: "Je le dis à Nikolas Sarkozy: le pouvoir absolu,
cela paraît être un confort, on peut décider ce qu'on veut, il
n'y a personne pour s'y opposer, mais cela c'est l'apparence. Car
il n'y a personne pour vous empêcher de vous tromper".
"Il faut équilibrer le pouvoir", a résumé François
Bayrou, ne cachant pas qu'il avait en vue les prochaines élections
législatives.
Quelle sera l'issue à cette collision du triangle politique où
il ne s'agit pas d'amour? Les électeurs français, prêteront-ils
l'oreille aux paroles des socialistes et des centristes, ou bien,
se souvenant de la coopération inefficace entre le président de
la droite Jacques Chirac et le premier ministre de la gauche
Lionel Jospin dans la deuxième moitié de la dernière décennie,
confieront-ils tout de même les deux branches du pouvoir à une
seule force politique?
Les réponses à ces questions relèvent-elles du suspense?
Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la
stricte responsabilité de l'auteur.
* Vitali Dymarski, membre du Conseil des experts de RIA
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