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Élections Françaises
Les candidats répondent aux Libénautes: Moyen-Orient
Libération
Il faut s'activer diplomatiquement au
Moyen-Orient pour contrebalancer l'influence néfaste et idéologique
des Etats-Unis et son immobilisme pervers. La France est attendue
par le monde entier sur ce sujet.
Francois Bayrou. Tant que les nations européennes
joueront la carte du chacun pour soi, notre division nous
condamnera à l’impuissance. Les Européens envoient les troupes
et l’argent, mais ce sont les Américains qui trop souvent décident
! La France doit proposer d’utiliser la capacité diplomatique
de chacun au sein d’une démarche réfléchie et travaillée en
commun.
Olivier Besancenot. Les Etats-Unis n’ont pas
seulement une politique immobiliste, mais de soutien
inconditionnel voire d’encouragement à la politique de la
droite extrême israélienne, à commencer par les expéditions
punitives (en Palestine ou au Liban) et la construction du Mur de
la Honte.
Il n’y aura pas de paix sans justice. Il faut donc promouvoir
une solution qui satisfasse les droits nationaux du peuple
palestinien, c’est-à-dire la création d’un Etat palestinien
viable, la libération des territoires occupés, avec des frontières
sures et reconnues et Jérusalem Est comme capitale, ainsi
qu’une solution décente au problème des réfugiés.
Ségolène Royal. Face aux déséquilibres, à
l’instabilité et à la violence dont souffre depuis si
longtemps cette région, j’agirai de manière déterminée en
faveur de la paix et de la solidarité. La clef est de progresser
résolument sur la voie du processus de paix israélo-palestinien
et je propose de convoquer dans ce but une conférence
internationale de paix et de sécurité avec nos partenaires européens.
Dans l’ensemble de la région, je porterai la voix et l’action
de la France par le dialogue raisonné, sans concession sur les
principes et en refusant le recours unilatéral à la force.
Nicolas Sarkozy. Parce qu'elle a mis en garde
contre la guerre en Irak, par son engagement historique au Liban,
parce qu'elle a pris l'initiative en 2003 avec l'Allemagne et le
Royaume-Uni de rechercher une solution à la crise de la
prolifération iranienne et parce qu'elle est l'amie d'Israël, la
France a, selon moi, un rôle déterminant à jouer au Proche et
au Moyen-Orient où les crises s’accumulent. L’engagement de
la France et de l’Europe est même d’autant plus nécessaire
que les Etats-Unis sont affaiblis par leur aventure irakienne et
leurs graves erreurs de jugement. Notre objectif ne saurait
toutefois être de nous opposer aux Américains. Il doit être
d’aider à la recherche de solutions aux crises qui se
multiplient. C'est avec les Etats-Unis, et certainement pas
contre eux, que nous pourrons progresser dans la région.
Continuerez-vous à être fidèle à la "politique
arabe" de la France ou vous en démarquerez-vous?
Francois Bayrou. Je resterai fidèle à la volonté
d'équilibre dans les relations internationales de la France. À
l'attachement au droit international, dont elle a fait preuve en
2003 face à l'Irak, et qui est le point d'appui de notre action
face à l'Iran, qui menace à la fois de se doter de l'arme nucléaire
et de détruire Israël.
Je prendrai pour axe principal de la politique étrangère française
le droit à la démocratie. Aucune dictature n’est acceptable, même
si, à courte vue, son maintien paraît favorable à nos intérêts
nationaux.
Olivier Besancenot. Franchement, la fameuse “
politique arabe de la France ” a quand même … une forte odeur
de pétrole ! Il faut développer, au Moyen-Orient comme avec les
autres “ pays du Sud ”, une politique de coopération et de développement,
fondée sur le respect de l’indépendance des peuples.
Ségolène Royal. Il y a une grande diversité de
situations politiques, démocratiques et sociales entre les pays
arabes. Je veux inscrire nos relations avec ces pays dans une
perspective euro-méditerranéenne plus ambitieuse, plus
dynamique, plus moderne. Je veux aussi que les sociétés et les
peuples soient davantage parties prenantes de ces relations.
Enfin, nous avons une relation bilatérale de proximité
historique et géopolitique avec le Maghreb que je souhaite développer.
Nicolas Sarkozy. Je tiens à ce que la France et
les pays arabes préservent cette relation si spéciale et si précieuse,
tissée au fil des siècles. Héritière d’une longue histoire
commune, cette amitié est une richesse inestimable pour nos pays
et pour nos peuples. Mais parce que je suis convaincu que
l’amitié se renforce dans la franchise et dans la fidélité à
ses valeurs, nous devons être capables de dire un certain nombre
de vérités à nos amis arabes, par exemple que le droit à
l’existence et à la sécurité d’Israël n’est pas négociable,
ou que le terrorisme est leur véritable ennemi. Je défendrai
avec la même force l’indépendance, la souveraineté et l’intégrité
du Liban et le désarmement de toutes les milices que la sécurité
d’Israël et le droit des Palestiniens à disposer d’un Etat
viable et indépendant.
Comment sortir l’Irak du bourbier?
François Bayrou. L'intervention militaire en
Irak n'a pas débouché sur une perspective politique. C'est de
cette perspective politique que le peuple irakien a aujourd'hui
besoin, et il a aussi besoin d'en être l'acteur.
C'est pourquoi il faut assurer la pérennité de l'État en Irak,
éviter son effondrement. C'est ce double défi que les nations
solidaires du peuple d'Irak doivent aujourd'hui l'aider à relever
: sécurisation et reconstruction.
Olivier Besancenot. Le «bourbier» n’est que
le résultat malheureusement logique de l’intervention militaire
de la coalition dirigée par G. Bush. La seule issue possible,
c’est le retrait immédiat des troupes d’occupation, le rétablissement
de la démocratie (c’est-à-dire, notamment, la possibilité de
voter sans la contrainte de l’occupation militaire étrangère),
le respect de la volonté des peuples ainsi qu’une politique
d’aide à la reconstruction et au développement: responsables
du bourbier actuel, les grandes puissances (à commencer par les
Etats-Unis) doivent bien cela aux peuples d’Irak!
Ségolène Royal. L’Iraq est dans une situation
critique. La solution n’est certainement pas un renforcement des
forces américaines : la politique du Président Bush est
justement critiquée y compris dans son pays et même dans son
propre camp. Il appartient au gouvernement irakien de décider le
moment et les conditions de retrait des troupes américaines. Et
la communauté internationale doit aider à la stabilisation et au
redécollage économique de ce pays.
Nicolas Sarkozy. Ma conviction, c’est que la
solution ne peut être que politique. Il faut réinventer un «pacte»
entre Irakiens qui assurerait à chaque communauté, à chaque
segment de la société irakienne, à chaque Irakien, un accès équitable
aux institutions et aux ressources du pays. Et qui isolerait les
terroristes. Concernant le retrait des troupes étrangères, il y
a deux écueils à éviter: un retrait précipité, qui entraînerait
le chaos, et l’absence de toute perspective de retrait, à
laquelle les Irakiens réagiraient par plus de violence et qui
ferait le jeu des terroristes. La voie adaptée consiste donc à
fixer un «horizon» pour le retrait. Il appartient aux autorités
irakiennes de le définir en fonction de la situation et en
liaison avec les pays qui ont des troupes sur le terrain. Je crois
qu’ainsi les Irakiens seront assurés que l’objectif est bien
de leur rendre la plénitude de leur souveraineté.
De quel droit oblige-t-on l’Iran à ne pas avoir l’arme nucléaire?
François Bayrou. Il y a un traité de non prolifération
nucléaire. Ce traité interdit aux nations qui l’ont signé -
tous les pays sauf trois - d’aller vers l’arme nucléaire,
mais il leur garantit en échange l’accès au nucléaire civil.
Si ce traité n’est pas respecté, les démocraties doivent
solidairement décider de sanctions. Face à l’Iran, la France
ne peut avoir qu’une ligne : la rigueur et l’intransigeance
dans le respect du droit international.
Olivier Besancenot. Franchement, que l’Iran,
avec ses dirigeants actuels, puisse disposer de l’arme nucléaire,
ça fait quand même froid dans le dos! Le problème, c’est que
la position des grandes puissances n’a évidemment aucune légitimité,
ni aucune crédibilité. Elle apparaît de plus en plus pour ce
qu’elle est: non pas un combat contre les armes nucléaires,
mais la volonté de se réserver le monopole de ces armes de
destruction massive pour maintenir leur domination impérialiste
sur le monde. D’ailleurs, contrairement à leurs affirmations,
les grandes puissances contribuent à la dissémination nucléaire:
les USA ont aidé Israël à se doter de la bombe; la France, par
ses activités commerciales nucléaires, contribue à aider à
l’armement nucléaire de l’Inde. La meilleure contribution que
la France pourrait apporter, c’est de donner l’exemple en
renonçant unilatéralement à une arme qui consiste à prendre en
otage les populations.
Ségolène Royal. L’Iran a signé le Traité de
non prolifération. Ce faisant, il s’est engagé à ne pas posséder
d’arme nucléaire et à ne pas développer de technologies nucléaires
à usage militaire. Le problème, aujourd’hui, c’est que Téhéran
ne joue pas le jeu des dispositions prévues par le traité pour
garantir qu’il n’y a pas de volet militaire dans son
programme. Or, la perspective d’un Iran doté de l’arme nucléaire
n’est pas acceptable. Comment accepter qu’un régime dont le
Président menace l’existence même de l’Etat d’Israël ait
accès à une telle arme ? Et comment ignorer les grands risques
de déstabilisation de tout le Moyen-Orient qui en résulteraient
? Je souhaite donc la plus grande fermeté sur ce dossier.
Nicolas Sarkozy. Au nom du Traité de non prolifération
(TNP) qui a été signé par la quasi-totalité des Etats du monde
dont l’Iran, et par lequel les pays qui ne possèdent pas
l’arme nucléaire s’engagent à ne pas chercher à l’acquérir,
tandis que ceux qui, comme la France, en sont dotés, s’engagent
à ne pas la transférer à d’autres pays. Pour moi, le respect
du TNP est essentiel, parce que le monde sera évidemment plus sûr
sans course aux armements nucléaires. Or le TNP est le seul
instrument international dont nous disposons à cet effet et il
est reconnu par la quasi-totalité des pays au monde. En revanche,
je considère que l’Iran a droit comme tout autre pays au nucléaire
civil. La communauté internationale doit garantir aux autorités
iraniennes qu’elle tiendra ses engagements en matière d’accès
au nucléaire civil si Téhéran respecte ses obligations
internationales. Je refuse l’idée que l’énergie nucléaire
civile soit réservée à un petit nombre d’Etats du nord, car
c’est l’énergie du futur !
Publié avec l'aimable autorisation du RPL
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