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Le cas Bayrou
agite la direction du PS
Jean-Paul Piérot
Photo Bayrou.fr
DSK invite Bayrou à se rapprocher de Ségolène
Royal, Fabius prône un recentrage à gauche.
La divergence n’est pas mince au sein de la
direction du PS, au lendemain d’une réunion du bureau national
dominée par la question de savoir comment endiguer la montée de
François Bayrou. « Divergence tactique », affirme
Dominique Strauss-Kahn. Ses déclarations dans le Monde (10 mars)
avaient jeté un certain trouble à gauche. L’ancien ministre de
l’Économie avait invité le candidat de l’UDF à « rejoindre
le pacte présidentiel de Ségolène Royal », n’excluant
pas une participation de l’UDF à un gouvernement dirigé par le
PS. Plusieurs responsables, Laurent Fabius en tête, et aussi
Henri Emmanuelli, s’en sont émus et ont plaidé pour la mise en
évidence des différences entre Ségolène Royal et François
Bayrou. La réactivation du clivage droite-gauche est à leurs
yeux nécessaire pour contrer les tentations de passage d’électeurs
socialistes vers le vote Bayrou, présenté à longueur de
sondages comme le plus capable de battre Nicolas Sarkozy au second
tour. L’attitude de durcissement du ton anti-Bayrou a été
officiellement retenue mardi soir, et c’est donc dans ce sens
que les responsables socialistes entendent recadrer la campagne de
Ségolène Royal. Mais que fera la candidate socialiste, qui n’était
pas présente à la réunion ? Ses prochaines interventions
publiques devraient fournir la réponse.
Laurent Fabius, qui avait immédiatement pris ses
distances avec les propos de Dominique Strauss-Kahn, a enfoncé le
clou hier sur LCI, affirmant que « la gauche ne pouvait
gagner dans la confusion ». « Le PS doit dire
clairement qu’il a deux adversaires de droite, Nicolas Sarkozy
et François Bayrou. » Pour le député de Seine-Maritime,
la campagne ne peut se gagner qu’à gauche. D’autres
responsables perçoivent le danger qu’il y aurait à atténuer
les critiques contre un candidat qui talonne Ségolène Royal dans
les sondages. Pour Daniel Vaillant, « voter Bayrou, c’est
éliminer la gauche ».
De son côté, Dominique Strauss-Kahn, qui était
hier au micro d’Europe 1, maintient sa différence tout en nuançant
ses propos par rapport à son interview dans le Monde. Il a certes
démenti souhaiter une alliance avec l’UDF. Il a reconnu que
François Bayrou est « un homme de droite et donc un
adversaire pour les socialistes, c’est une illusion pour le
changement ». Le député du Val-d’Oise se dit convaincu
que la candidate socialiste sera au deuxième tour. Dès lors,
poursuit-il, « il faut montrer qu’elle est le meilleur
rempart contre Sarkozy en ramenant à elle des électeurs voulant
battre le chef de l’UMP et qui pensent qu’il y aurait une
solution du côté de Bayrou ». Épargner quelque peu le
candidat de l’UDF - DSK souhaite que les socialistes « ne
le montrent pas systématiquement du doigt » - relèverait
uniquement de la pure tactique électorale ? Voire,
Strauss-Kahn déplore « la difficulté de la gauche à faire
sa mutation, à devenir la gauche du XXIe siècle ». François
Bayrou, pour ce qui le concerne, entend bien tirer bénéfice de
la controverse au sein du PS. « Je crois, déclare-t-il dans
une interview au Nouvel Observateur, que les sociaux- démocrates
vont se révéler à l’occasion de cette élection. Ils en ont
ras le bol de la manière dont le PS fonctionne. Je n’ai aucun
doute : il y aura des socialistes dans la majorité nouvelle. »
Et à l’adresse de DSK : « Qu’il s’émancipe de
ce qu’il y a de dépassé dans son camp autant que je me suis émancipé
de l’UMP, et on pourra parler sans difficulté. »
Publié avec l'aimable autorisation de l'Humanité
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