|
INTERVENTION DE FERIEL BERRAIES GUIGNY
CRIMINOLOGUE ET DOCTORANTE A PARIS II
Survivre
à l'horreur : les enfants de l'après Génocide au Rwanda
Atelier de Recherche de
Laura Lee Downs : les enfants et la guerre au XXes
28 avril 2004
ECOLE
DES HAUTES ETUDES EN SCIENCES SOCIALES DE PARIS
Bibliographie
Sous
la Coordination de Doray B ; Ouvry O ; Weil- Halpern
F ; Douville O ; Falque O ; Gutton P :
Adolescences en guerre. Revue Semestrielle de psychanalyse,
psychopathologie et Sciences Humaines. Editions Greupp
Keilson
H, 1998.
Enfants victimes de la guerre. Editions PUF. Monographies de la
psychiatrie de l’enfant.
Godard M O, 2003.
Rêves
et Traumatismes. Collection des travaux et des jours. Editions
Eres
Waintrater
R ; 2003.
Sortir du Génocide. Editions Payot
Maujawayo
E ; Belhaddad S.2000 Sur Vivantes. Editions de l’Aube
Hatzfeld
J ; 2000.
Dans le nu de la vie. Récits des marais rwandais, Editions du
Seuil
Hatzfeld
J ; 2003.
Une saison des machettes. Récits. Editions du Seuil
De
Saint Exupéry F ; 2004 ; L’inavouable, la France au Rwanda. Editions des Arénes
Houballah O M ; 2003. L’enfant soldat. Editions Odile Jacob
Houballah
A ; 1998. Destin du Traumatisme. Hachette Littératures
Dhotel
G,
les enfants dans la guerre. Les essentiels de Milan
Bertrand
M ; 1997.
Les enfants dans la guerre et les violences civiles. Espaces théoriques.
Editions de l’Harmattan
Sadlier
K, 2001. L’Etat
de stress post traumatique chez l’enfant. Collection Médecube
et Société. Editions PUF
Introduction :
Les affrontements sanguinaires de notre époque contemporaine, ont
introduit de nouvelles compréhensions, de nouvelles dynamiques
qui divergent des préoccupations du temps de la seconde guerre
mondiale. Hier il était question de tenter de sauver moralement
l’enfance, aujourd’hui il s’agit aussi, de faire face à sa
dangerosité sociale. Une dangerosité sociale, qui
paradoxalement, est aussi une nouvelle forme de victimisation.
Beaucoup de terrains de violence chronique et
sociopolitique, incluent de plus en plus la participation
enfantine: en tant que témoin, acteur/réacteur ou offenseur. Et
ainsi, à l’ancienne préoccupation du devenir psychique à long
terme, des enfants victimes et témoins de la violence, s’ajoute
le problème des enfants, qui choisissent de gré ou de force de
participer à celle ci. Phénomène nouveau, mais dont l’ampleur
gagne de plus en plus de terrain.
Peu
de littérature scientifique a véritablement et sérieusement
abordé l’impact « criminogéne » du terrain de
guerre sur les enfants. A l’inverse, il existe depuis ces dernières années,
toute une littérature scientifique avertie sur les conséquences
cliniques des traumas de guerre.
Quand on a connu le chaos et l’anarchie des valeurs
de la guerre, est il possible de revenir à la compréhension et
au respect des lois ? L’enfance de guerre peut elle se réintégrer
dans le tissu social en temps de paix ? Dans un contexte de
violence chronique, l’enfant peut il acquérir un comportement
moral et prosocial ? Comment inculquer une culture de la paix
à des enfants délinquants de guerre ?
Si pour beaucoup de cliniciens la guerre change
l’enfant dans tout son être, le « terrain » de
guerre peut suffire également à le « déformer » irrémédiablement.
Dans les guerres « d’indépendances »
où la notion de « juste cause » était intégrée à
la communauté et dans la conscience populaire, l’enfant était
conditionné de façon à devenir un combattant précoce et cruel.
Son rapport à la loi et son intégrité psychique restait,
paradoxalement « intactes ».
Aujourd’hui, les divers
scénario de guerre tendent a changer cette donne, car bien des
Communautés devenues anomiques, vont favoriser une véritable
« dérégularisation et désocialisation » de
l’enfant. Afin de mieux le manipuler.
Très peu d’études longitudinales ont été faites
sur la portée « criminogènes » des situations de
violence, répression et situations de terreurs chroniques. Il est
difficile par conséquent, de suivre l’enfant à mesure qu’il
grandit. La seule certitude que l’on ait pour l’instant,
c’est que la guerre provoque des ravages considérables au
niveau du psychisme.
Le Rwanda, terrain de violence et d’atrocité, qui
ont été vécues par les enfants, résume cette ambivalence de
l’enfant victime qui est aussi bourreau.
Il faut rappeler par ailleurs que ce pays, fut déchiré
par des conflits ethniques à plusieurs reprises dans son histoire
pré et post coloniale. Aujourd’hui en pleine reconstruction
douloureuse, il se retrouve avec une société scindée en deux.
Il y aurait « d’un côté, les bons et de l’autre, les
mauvais ». Une dichotomie qui peut paraître simpliste, mais
qui est aussi la résultante d’années de conflits fratricides
et ethniques et des horreurs indescriptibles auxquels, un nombre
incroyable d’enfants ont été exposés.
Pour ces enfants, il n’y a pas de remède miracle :
1 Soit ils dépassent leurs conflits psychiques,
pour évoluer dans la société normalement
2.
Soit ils sombrent dans le désespoir et évolueront alors dans la
marginalité et la déviance.
Des
les guerres anciennes aux guerres contemporaines, cinq catégories
importantes de conditions d'enfants sont apparues : les
enfants-victimes, les enfants déplacés,, les enfants réfugiés,
les enfants soldats et les enfants ex-combattants. Nous avons
choisi dans cette intervention, de se rappeler de l’horreur du génocide
Rwanda, en hommage à ceux qui sont partis, et pour mieux rappeler
également que ceux qui sont restés ont tout autant le droit
d’exister.
Le Rwanda, quatorze ans plus tard une
survivante se rappelle…
Au cours de la violence qui s’est produite il y a
quatorze ans, des centaines de milliers d’enfants ont été tués
et mutilés, physiquement et psychologiquement. Des centaines de
milliers d’enfants ont été faits orphelins et beaucoup
d’entre eux ne comptent que sur eux mêmes pour survivre. Dans
tout le pays, des familles ont accueilli des enfants dans le
besoin mais vivant elles-mêmes dans la pauvreté, elles n’ont
pas toujours respecté les droits de ces enfants en situation de
placement familial.
Le génocide de 1994, a créé toute une catégorie sociale
vulnérable, des enfants qui font face à de nombreux risques et
qui continuent de payer encore aujourd’hui, les massacres de
1994.
Reconstruire les liens avec le passé et l’histoire
identitaire perdue, reste un des nombreux défis pour ce peuple
meurtri. C’est aussi un des plus important appel à la communauté
locale, car pour s’en sortir «Il faut reconstruire le lien à
travers l’histoire, mais également à travers soi même »…
Cet appel au lien, on le retrouve, avec le roman d’ Esther
Mujawayo, qui lors d’un séjour parisien, est intervenue
dans la journée de réflexion « Transmissions et génocides »
de l’université Jules Vernes de Picardie. ( 2004) Par son témoignage
poignant de vérité et de courage, tiré de son récit, Sur
Vivantes ( Mujawayo, E, Belhaddad, S.,2004), elle
raconte comment elle en est venue à écrire l’histoire de son
pays. Tout un travail de reconstruction par le récit, une
histoire personnelle( rescapée du génocide, à
l’instar de son mari et de sa famille, décimés par la folie
meurtrière d’avril 1994), afin de la transmettre aux générations
futures.
Ce besoin de dire la douleur des choses pour «vivre et
non plus survivre » est un appel à la paix de l’âme mais
également de l’identité. Pour toutes les générations à
venir, écrire représente le refus de l’anéantissement »,
car si «l’on n’écrit plus, alors le génocidaire aura vaincu»…
«…Les enfants
doivent savoir, comment c’était avant… ça » ; ce
ça qui exprime l’indicible du génocide. « Ecrire
aussi pour tous ceux qui sont partis » ;
Car Esther par ces mots , rappelle qu’elle ne doit sa seule
survivance, que parce que les autres sont morts à sa place. ««Ecrire
l’histoire d’un drame, pour balayer l’anonymat des crânes
et des cendres.
Le Rwanda une société orale, a du se forcer à écrire, car les
mots, comme les paroles finissent un jour, par s’en aller.
Esther, s’est regroupée avec d’autres veuves du génocide
et a créé l’Association AVEGA, pour combler ce vide terrible,
ce vide qu’on ne peut oublier.
Parce qu’elle n’est plus « la mère de quelqu’un, la femme
de quelqu’un, la sœur de quelqu’un »… elle se doit de
reconstruire le lien détruit.
Valérie Haas, Maître de conférence en Psychologie Sociale
à l’Université de Picardie Jules Verne, rappelle
pourtant la relative indifférence des médias français,
suite au dixième anniversaire du génocide tutsi, en 2004. Les
plus importants quotidiens nationaux (Libération, le Monde, le
Figaro, l’Humanité et la Croix) pendant un mois, avant et après
l’anniversaire des dix ans du génocide., auraient fait preuve
d’une banalité sémantique, reflétant la relative indifférence
par rapport à un génocide oublié.
Clientélisme et presse partisane abondante, contre
l’existence d’articles qui abordent le fond du problème.
Alors
si les médias se sont détournés de l’après génocide,
qu’en est il des fictions littéraires ?
Le
Génocide au Rwanda à travers le récit de Jean Hatzfeld
Deux récits littéraires enquêtant sur le terrain ont
été écrits par jean Hatzfeld ; Ce dernier a mis en
mots, l’indicible du génocide de 1994 (: Hatzfeld,
J., (2000, 2003) Au cours d’un long séjour dans une
Bourgade du Rwanda (Nyamata), l’écrivain journaliste français,
raconte l’histoire du génocide Tutsi. Le vécu terrible des
rescapés( tutsis) du génocide, dans un premier ouvrage, pour
finir par expliquer .les motivations des « tueurs »
les interahamwe ( hutus).
Un récit qui par des passages terribles, expliquent
la logique d’extermination mise en place.
Le passage à l’Acte dans le cas précis d’un génocide est très
complexe, il dépasse toute tentative de mise en sens, pourtant
certains des «bourreaux » ont accepté de parler du rôle
qu’ils ont joué dans les massacres. Ceux qui ont accepté
d’en parler tentent à leur manière de nous faire comprendre,
peut être une certaine logique de la folie meurtrière ;
Hatzfeld avait recueilli les Témoignages d’un groupe
d’amis «Génocidaires » retenus dans un établissement pénitencier
prés de Nyamata avec qui il avait réussi à nouer des liens de
confiance. Chacun d’entre eux, essaiera d’expliquer la logique
de l’extermination Tutsi.
Il nous révèle les mécanismes du « passage
à l’acte et de l’extermination :
La déshumanisation de » l’autre :
La version d’un rescapé du génocide :
Innocent Rwiliza, Enseignant de 38 ans à Nyamata explique le
procédé de déshumanisation auquel son ethnie a été exposée
« On ressemblait à des animaux, puisqu’on ne
ressemblait plus aux humains qu’on était auparavant… En vérité
ce sont eux les animaux… ils avaient pris l’habitude de nous
voir comme des animaux. Ils avaient enlevé l’humanité aux
Tutsis, pour les tuer plus à l’aise »…
Pour lui, «L’Homme cache des raisons mystérieuses
à vouloir survivre. Plus on mourrait, plus on était préparé à
mourir et plus on courrait vite pour gagner un moment de vie. Même
ceux qui avaient des jambes et des bras coupés, ils demandaient
de l’eau pour durer seulement une heure supplémentaire. Je ne
peux expliquer ce phénomène… ».
La vision et les mobiles des génocidaires qui témoignent:
Elie «… Au fond, un homme c’est comme un animal, tu
le tranches sur la tête ou sur le cou, il s’abat de soi. Dans
les premiers jours, celui qui avait abattu des poulets, et surtout
des chèvres, se trouvait avantagé, ça se comprend. Par la
suite, tout le monde s’est accoutumé à cette nouvelle activité
et a rattrapé son retard… le boulot nous tirait les bras…
Pio «On ne voyait plus des humains quand on dénichait
des Tutsis dans les marigots. Je veux dire, des gens pareils à
nous, partageant la pensée et les sentiments consorts. La chasse
était sauvage, les chasseurs étaient sauvages, le gibier était
sauvage, la sauvagerie captivait les esprits. On n’était pas
seulement devenu des criminels ; on était devenu une espèce
féroce dans un monde barbare… »
Ils ont légitimé le meurtre :
Pancrace «Tuer c’est très décourageant si tu dois
prendre toi même la décision de le faire, même un animal. Mais
si tu dois obéir à des consignes des autorités, si tu as été
convenablement sensibilisé, si tu te sens poussé et tiré, si tu
vois que la tuerie sera sans conséquence et néfaste dans
l’avenir, tu te sens apaisé et rasséréné. Tu y vas sans plus
de gêne. »
Alphonse «l’Homme peut s’accoutumer à tuer, s’il tue
sans s’arrêter. Il peut même se convertir en animal sans y prêter
attention… Moi, je n’avais pas peur de la mort ; d’une
certaine façon j’oubliais que je tuais des personnes
vivantes… Mais c’est le sang qui me faisait peur. C’était
odorant et dégoulinant. Le soir je me disais : Après tout,
je suis un homme empli de sang, tout ce sang qui gicle, apportera
du malheur, une malédiction… ».
Ou comment s’est enclenchée la folie meurtrière » :
Fulgence «On devenait de plus en plus méchants, de plus en
plus calmes, de plus en plus saignants. Mais on ne voyait pas
qu’on devenait de plus en plus tueurs. Plus on coupait, plus ça
nous devenait naïf de tuer. Pour un petit nombre, ça devenait régalant,
si je puis dire… »
Pour ces «apprentis tueurs »qui vont par la
suite surpasser «les maîtres Interahamwe », le maniement
de la machette, était une obligation comme le service militaire,
et si on désobéissait on était puni . Mais il y avait
aussi des mobiles derrière ces actes.
Tuer sous la contrainte :
Pio « Celui qui avait l’idée de ne pas tuer pour un
jour, il pouvait s’esquiver sans difficultés. Mais celui qui
avait l’idée de ne pas tuer du tout, il ne pouvait dévoiler
cette idée, sinon il allait être tué à son tour devant une
assistance »… »dire son désaccord à voix haute, était
fatal sur le champ. Donc on ne sait pas si des gens ont eu cette
idée ».
Selon ces témoignages, le meurtre était une contrainte, mais
derrière la contrainte, se cachait également la cupidité.
Tuer
par cupidité :
Léopold « On commençait la journée par tuer, on terminait
la journée par piller. »
Jean
Baptiste « … on ne pouvait plus s’arrêter de lever la
machette, tellement ça nous rapportait… » … la
gourmandise nous avait contaminé ».
Jean Hatzfeld, a comparé le génocide au Rwanda au génocide
juif , il expliquera qu’alors que le premier avait pour
objectif de «purifier l’être et la pensée », le second,
se voulait «purifier la terre »en vue de la désinfecter
des «cultivateurs cancrelats ».
Mais
le génocide des Tutsis à l’instar de celui de la Shoah,
restera un génocide de proximité , il visait une communauté
voisine. Il visait également l’usurpation des biens et « des
terres agricole » des cultivateurs tutsis.
Un
génocide barbare et primaire à la machette, qui dépassera les
technologies les plus modernes du troisième Reich (chambres à
gaz et camps d’extermination ) et bien sur, celle de toute
l’industrie chimique de l’Allemagne et des pays occupés par
elle. Les chiffres l’attestent, le nombre de morts, fut prés de
800000 pour les Tutsis. En l’espace d’un mois.
Ce
que l’on retient de tout ceci aujourd’hui, c’est que les
populations et surtout les enfants, continuent de souffrir de ce
drame, quatorze ans après. Toute une génération d’enfants
perdus a vu le jour, au sortir du génocide.
Le génocide vu par un enfant survivant
Hatzfzeld a approché Cassius Niyonsaba, 12 ans, écolier
à Ntarama ce dernier, : raconte son histoire de survivance «les interahamwe
(tueurs hutus) sont arrivés en chantant, avant midi, ils ont jeté
des grenades, ils ont arraché les grilles, puis ils se sont précipités
dans l’église et ils ont commencé à découper des gens avec
des machettes et des lances…. Les gens qui ne coulaient pas de
leur sang coulaient du sang des autres, c’était grand-chose,
alors ils se sont mis à mourir sans protester. Il y avait un fort
tapage et un fort silence en même temps. Au cœur de l’après-midi,
les interahamwe ont brûlé des petits enfants devant la porte. Je
les ai vu de mes yeux se tordre de brûlure tout vivant vraiment.
Il y avait une forte odeur de viande et de pétrole. »
Cassius sera a son tour pris en embuscade, et recevra un
coup de machette sur le crâne, rescapé il dira «…d’abord je
devais être mort, puis j’ai insisté pour vivre… »
En repensant au génocide il ajoutera «… au commencement,
j’éprouvais une tendance à pleurer en voyant les crânes sans
nom et sans yeux qui me regardaient. Mais peu à peu on s’est
habitué. Je reste assis de longs moments et ma pensée s’en va
en compagnie de tous ceux là… »Je m’efforce de ne pas
penser à des visages personnels quand je regarde les crânes, car
si je me hasarde à songer à une connaissance, la peur me
rattrape Je voyage simplement en souvenir entre tous ces morts qui
étaient éparpillés et qui n’ont pas été enterrés… La
vision et l’odeur de ces ossements me causent du mal, et à la
fois, elles soulagent mes pensées. Elles me troublent la tête de
toutes les façons.
Il sait que son récit est si terrible qu’il ne
peut être ni mis en sens, ni cru et il conclura «je crois que
jamais les blancs, ni même les noirs des pays avoisinants, ne
vont croire de fond en comble ce qui s’est passé chez nous. Ils
accepteront des morceaux de vérité, ils négligeront le reste…
parce que la vérité vraie sur les tueries de Tutsis, elle nous dépasse
tous pareillement. Raison pour laquelle, quand je pense à ceux
qui ont coupé papa et maman, et toute ma famille, je voudrais
qu’ils soient fusillés, afin d’éloigner mes pensées de leur
triste destin ». Malgré cette apparente résignation,
l’enfant a quand même des velléités de vengeance, ou en tout
cas, laisse transparaître des sentiments « vindicatifs ».
Dans certains cas, ce désir de vengeance, peut faciliter »
l’embrigadement et l’endoctrinement idéologique. Ici la
violence de guerre, n’est pas le fait d’un apprentissage du
milieu : mais un désir d’identification à l’agresseur.
Mais Cassius rêve néanmoins d’un futur il se
projette dans l’avenir car «Quand je serai grand, je n’irai
plus à la messe. Je n’entrerai plus dans une autre église. Je
voudrais être enseignant, parce qu’à l’école je profite du
réconfort des autres, et parce que papa était enseignant. »
Conclusion :
Au siècle des enfants soldats, les processus
d’apprentissage, les modèles d’identifications et même les
ouvrages pédagogiques destinés à aider et à acheminer
jusqu’au sacrifice suprême, ne manquent pas. Certaines écoles
enseignent la haine et la terreur. Les jeunes enfants, appartenant
le plus souvent aux classes les plus pauvres de la société
acceptent de devenir des machines à tuer pour survivre à la
guerre.
En s’impliquant dans le génocide,
les enfants du Rwanda ont tenté d’inventer un autre espace et
d’autres règles de déplacement du sujet et des objets .
Une manière à eux de répondre à leur quête d’intégration,
dans une société qui les a abandonnés et marginalisés.
Mais comment comprendre le rôle des adultes qui les ont « sacrifiés »
soit en les massacrants soit en les forçant à massacrer
d’autres enfants ?
En dépit des recommandations et des lois émanant
des diverses Instances et Institutions Internationales sur le fait
que la Guerre n’est pas un milieu sain et naturel pour les
enfants , ces derniers continuent de figurer parmi les faits
divers les plus fréquents et les chiffres en terme de leur
participation dans les conflits, sont consternants. Pourtant tout
l’interdit, la Convention sur les Droits des enfants de 1989, le
Protocole facultatif rattaché à la Convention relative à la
participation des enfants dans les conflits armés, les
Conventions de Genève de 1949 et les Protocoles Additionnels de
1977 et la Charte de 1991 en Afrique sur les droits et le bien être
des enfants. Toute une panoplie juridique qui n’a pu à ce jour
, les protéger.
Que deviennent ces enfants au sortir des conflits du
Monde ? et s’agissant des enfants du Rwanda d’hier,
aujourd’hui devenus adultes ? comment les réintégrer ?
De ce génocide qui marque encore aujourd’hui, est
née une génération d’enfants hors la loi, menacée par une
seconde « victimisation » quatorze années après le
drame. Des enfants qui deviennent potentiellement dangereux pour
une société en reconstruction. Mais des enfants aussi victimes.
Quelles sont les nouvelles formes de victimisation de
l’enfance d’après conflit, au Rwanda.
Parmi les méfaits les plus marquants, nous
retrouvons l’exploitation sexuelle. Celle ci aurait en
effet conduit un bon nombre d’enfants dirigeant un foyer-
en particulier, les filles- à accorder des faveurs sexuelles afin
d’obtenir de l’argent, des produits de base, ou une
protection. Par ailleurs, on aurait enregistré également, un risque
de maltraitance sexuelle intra familiale. Il semblerait en
effet, que la maltraitance sexuelle dans le foyer familial est en
augmentation depuis le génocide. Les jeunes filles sont la catégorie
la plus victimisée.
Les difficultés d’accès à l’éducation,
a aussi entraîné une attitude discriminatoire vis-à-vis des
filles et un manque d’installations sanitaires empêchent la
scolarisation de certaines adolescentes.
La vie dans les rues qui
serait en augmentation, avec un nombre estimé à environ 7000
enfants vivant et travaillant dans les rues de la capitale,
Kigali.
Ces enfants de la rue sont les « Mayibobo »
en Kinyarwandais. Enfants diabolisés et marginalisés par la société
urbaine. La plupart sont victimes d’abandon, de pauvreté.
Certaines communes sont tellement pauvres que les enfants
choisissent de partir pour survivre par leurs propres moyens.
A Kigali ils survivent en s’alimentant de restes trouvés dans
les ordures ou par des activités économiques marginales (vente
d’objets récoltés dans les décharges publiques, vente de
charbon et de bois,). Très difficiles d’accès et très fermés,
ils auraient constitué une microsociété hautement organisée de
l’intérieur. Le Commerce serait régulé par un adulte, un président
qui serait élu par leur comité. Les enfants doivent demander la
permission de récolter des objets des décharges publiques
(objets en métal, bois ou plastique)- en cas de désobéissance,
ces enfants sont battus.
Le président prend tout ce qui a été récolté par les
enfants, il le vend ensuite et distribue l’argent. En 1998, le
gouvernement rwandais alarmé par le nombre toujours grandissant
des enfants des rues, intima l’ordre à l’armée d’encercler
les enfants non accompagnés pour les forcer à s’installer dans
un camp pour enfants des rues, appelé «le Camp de la
solidarité de Gikongoro ».
Des tentatives qui furent vaines, car les enfants
finissaient par s’enfuir du camp, malgré la distance par
rapport à la Capitale, prés de 200 enfants finirent dans les
rues de Kigali, une nouvelle fois. A la fin de 1998, on avait plus
que 1500 enfants dans ce camp.
Mais la catégorie la plus
grave, la plus « criminogène » est celle des enfants délinquants.
Une catégorie
née de l’enfance des rues. Ces enfants sont contraints de voler
pour vivre, ils ne sont pas de vrais criminels, car leurs méfaits
se limitent au chapardage de bananes ou d’avocats. Mais les plus
âgés, auraient commis des offenses plus sérieuses comme le
viol.
Thèse qui sera réfutée par de enquêteurs au sein
d’organismes d’assistance internationale, dont Human Rights
Watch. On expliquera que ces violeurs mineurs, du temps de la
commission de leurs actes, vivaient en famille et non dans la rue.
A Kigali, en fait la délinquance de ces enfants, se limite à
forcer des voitures afin d’en revendre les pièces. Pour
survivre à l’après génocide et au rejet de leur communauté,
ces enfants ont développé des mécanismes d’adaptation, en
terme clinique qui ne sont que l’expression d’un besoin de
survivance.
Aujourd’hui, l’essentiel du travail pour essayer des les réintégrer,
revient à la communauté ; assistée par les programmes de rééducation
des instances internationales. Retrouver une culture de la paix
quand on a été sevré dans la violence, n’est pas mince
affaire. Par ailleurs, l’épineux problème des enfants des rues
et les conséquences en matière de défense sociale, ne sont
aujourd’hui plus à négliger. Aux politiques et à
l’humanitaire de faire en sorte de cautériser l’hémorragie
qu’implique la maltraitance infantile de guerre.
|