Entre temps, on aurait tout vu et tout
entendu : des visiteurs venus de partout, faisant des
déclarations et publiant des communiqués sur la forme du
gouvernement et le nombre des ministres ; des veto sur tel
ministrable ou tel autre ; des immixtions bien claires dans
les affaires intérieures du pays ou, encore, des appels «
confessionnels » dénigrant d’autres chefs confessionnels…
Sans oublier les quelques sommets arabes qui se sont tenus à
cet égard, et dont celui entre la Syrie et l’Arabie Saoudite
fut, sans aucun conteste, le plus attendu.
D’aucuns, dans l’ex-nouvelle majorité et
l’ex-nouvelle minorité, avaient soutenu que le gouvernement
allait se former avant la fin du mois d’octobre. Ils se
félicitaient des rencontres suivies entre Saad Hariri et le
général Michel Aoun et des « points d’entente enregistrés »
; cependant, leurs espoirs n’ont pas tenu longtemps car,
selon des « sources bien informées », les problèmes épineux
sont si nombreux qu’ils devient presque impossible de les
résoudre tous: Il y a, d’abord, le problème de la
répartition des parts entre les deux groupes antagonistes ;
il y a, ensuite, celui des ministères des télécommunications
et de la justice que la majorité voudrait prendre en charge
et que l’opposition aouniste voudrait garder ou récupérer;
il y a, aussi, les tentatives de certaines parties visant à
réduire la « part » du président de la République, surtout
dans les postes-clés (l’intérieur et la défense) ; il y a,
enfin, les parts de chaque groupe parlementaire et de chaque
confession religieuse. C’est que la majorité et la minorité
au pouvoir cherchent, à travers les ministères convoités,
des opportunités futures.
Et, tandis que les disputes vont bon
train, sur le plan intérieur libanais, les positions de
certaines forces internationales et régionales ont envenimé
une situation, déjà inextricable.
•La première de ces positions est celle
exprimée par Michèle Sesson, ambassadrice des Etats-Unis au
Liban, qui, à la suite de son prédécesseur, Jeffry Feltman
(devenu, depuis, conseiller de la ministre Hillary Clinton
pour les affaires du Moyen Orient), prêche « le respect de
la Constitution libanaise » à travers la création d’un
gouvernement à tendance unique : celle de la majorité. Il
paraît que les Etats-Unis ne sont pas pressés de voir naître
un nouveau gouvernement libanais avant d’avoir mis certains
des problèmes de la région (dont le nucléaire iranien ou,
encore, une certaine entente avec Téhéran sur la
situation au Pakistan, en Afghanistan) sur la voie qui mène
à une solution requise par Washington ; ajoutons à cela que
la nouvelle administration démocrate voudrait avoir l’aide
de Damas pour trouver une issue avantageuse au problème
irakien…
•La seconde de ces positions est celle d’Israël qui a changé
de tactique vis-à-vis du Liban, à la suite de la découverte
d’un grand nombre de ses cellules d’espionnage et de l’échec
de ses tentatives, appuyées par Les Etats-Unis, visant à
changer le statut des forces intérimaires des Nations Unies
au Liban (FINUL). En effet, il tente de mettre à profit
certains événements, dont celui de la découverte d’un dépôt
d’armes dans le village de Tayrfelsay (dans la zone des
opérations de la FINUL), pour remettre en question les armes
de la Résistance nationale libanaise, après que son premier
ministre ait menacé de tout mettre en œuvre afin d’interdire
la participation du Hezbollah au gouvernement et que le vice
premier ministre ait souligné qu’Israël poursuivra ses
opérations d’espionnage au Liban.
•Quant à la troisième de ces positions,
elle réside dans les tentatives de l’Union européenne, qui
lorgne du côté de Damas, de ménager la chèvre israélienne et
le chou syrien. On doit noter, à ce propos, la cour,
politique et économique, assidue de la France envers le
régime baasiste de Damas. Au même moment, la Russie met du
sien dans la balance, et son ministre des affaires
étrangères, Alexandre Soltanov, ne se lasse pas de faire la
navette entre Damas et Beyrouth, suggérant des éclaircies
prochaines entre les deux capitales.
•La quatrième position, enfin, est celle
qui suivit de près le sommet syro saoudien, provoquant une
tempête violente dans les milieux politiques libanais et
autres. Cette position fut traduite par une des
personnalités médiatiques saoudiennes, très proche du roi
Abdallah et consista à dire qu’il faudrait « donner carte
blanche à Damas au Liban, parce qu’elle seule peut trouver
une solution à la crise qui sévit dans ce pays qui fut, de
tout temps, partie intégrante de la Syrie de laquelle il fut
séparé par l’Accord de Sykes-Picot ».
Et, si nous ajoutons à ces positions
entremêlées et entrecroisées les objectifs essentiels
exprimés par les responsables égyptiens, vis-à-vis de la
formation du gouvernement libanais, mais aussi par le
patriarche maronite contre le Hezbollah et ses
commanditaires iraniens, nous pourrons dire que la solution
n’est pas encore mûre par rapport aux forces d’ingérence,
internationales et régionales, dans les affaires libanaises.
Bien au contraire, l’absence d’une telle solution risque
d’envenimer les choses et de pousser les protagonistes
libanais à recourir, une nouvelle fois, à la « rue ».
Pendant ce temps, le problème palestinien
revient aux premières lignes, avec les dernières
déclarations de Benjamin Netanyahu concernant la présence
d’un accord avec Washington sur la poursuite de la
construction de certaines colonies et les injonctions faites
aux Palestiniens par Hillary Clinton qui voudrait les voir
revenir à la table des négociations « sans conditions
préalables » ; ce qui veut dire en clair : sans poser la
condition du droit au retour des réfugiés palestiniens et
sans invoquer le droit du peuple palestinien à un Etat
indépendant.
Ces positions internationales et
régionales enveniment la situation déjà tendue et montrent
clairement que la solution aux problèmes vécus par les
Libanais n’est pas près d’être trouvée. En effet, même
si les belligérants trouvent un terrain d’entente sur le
gouvernement, même si le gouvernement est formé, il ne
pourra jouer aucun rôle effectif, vu que les pressions
internationales et régionales, qui avaient retardé sa
formation, ne disparaîtront pas de si tôt. Pendant ce temps,
les dangers d’une nouvelle vague de violence vont
augmentant. Et, tandis que toutes les institutions, à
commencer par la présidence de la République, sont
complètement paralysées, les solutions traditionnelles
auxquelles la bourgeoisie libanaise avait recours deviennent
de plus en plus impossibles.
Voilà pourquoi nous pensons que le danger
menace, aujourd’hui, l’entité libanaise ; et la solution
capable de sauver notre pays ne réside pas dans la formation
d’un gouvernement qui unifie les représentant des
différentes confessions religieuses. Il réside, plutôt, dans
la remise en question de la « sigha », la formule
confessionnelle, qui poussa notre peuple vers des guerres
de religions toujours ouvertes et se terminant, à chaque
fois, par des variations dans les parts du pouvoir réparties
entre les différentes factions de la bourgeoisie et les
restes de la « féodalité politique », toutes liées aux
grandes puissances et aux projets que ces puissances avaient
formés afin de laisser notre région ouvertes à tous vents.
Et voilà pourquoi nous appelons à l’union
militante de la gauche anti-impérialiste sur le plan
libanais et régional.