Parti Communiste libanais
Le nouveau gouvernement libanais :
Tout le monde a gagné sauf le Liban
Marie Nassif-Debs
Beyrouth, le 14 juillet 2008
A la veille de la photo traditionnelle du
premier gouvernement formé durant la présidence du général
Michel Souleiman, le paysage politique libanais est enveloppé de
rose et d’azur… Tout baigne dans l’huile ; et, les antagonistes
d’hier, qui se lançaient des invectives à longueur de journée et
de soirée, se retrouvent comme si de rien n’était et que les
problèmes que les uns et les autres avaient posés, à la suite de
l’agression israélienne de l’été 2006, avaient trouvé la
solution adéquate…
Sur les différentes chaînes
de télévision, les images des leaders vociférants et menaçants
ont fait place à des embrassades ou, tout simplement, des
accolades amicales accompagnées de larges sourires durant les
cérémonies de passation des commandes dans les divers
ministères.
Tout le monde a gagné !
Bravo !
Les forces de l’alliance
entre la bourgeoisie et les restes du féodalisme politique au
pouvoir ont, toute, eu leur part du nouveau gâteau. Celles de la
majorité, mieux connues sous le nom du « 14 mars », et, surtout,
celles de l’opposition, dites « formation du 8 mars ». Tout cela
dans le cadre du nouvel accord signé, vers la fin du mois de
mai, 2008 à Doha et dont les clauses préconisaient, en plus de
l’élection du nouveau président de la République, la formation
d’un gouvernement d’unité nationale et le retour à la loi
électorale de 1960 qui divise le Liban en petite
circonscriptions sur des bases confessionnelles pures.
Comment est partagé le
nouveau gâteau gouvernemental de la pseudo unité nationale
entre les différentes forces politiques ? Chacun a-t-il eu la
part qu’il voulait et la balance a-t-elle bien pesé les parts
pour ne pas faire des jaloux dans l’un ou l’autre camp et
l’Accord de
La première réponse est
affirmative puisque, selon les dires de tous, la majorité
(l’alliance du 14 mars) a eu ses 16 ministères, tandis que les
14 autres sont partagés entre l’opposition, qui a eu 11
ministres (donc, la possibilité de blocage), et le président,
qui n’en a eu que trois.
Commençons, d’abord, par
les 16 ministres de la majorité, chapeautés par Fouad Sanioura,
l’ami des Etats-Unis qui n’ont pas lésiné sur les moyens,
militaires et politiques, pour le remettre à la tête du nouveau
gouvernement et pour lequel, ils ont aligné devant la côte
libanaise 6 bâtiments de guerre : cinq appartiennent à Sanioura,
trois se partageant entre les « Forces libanaises » pro
israéliennes et le parti phalangiste dont elles sont issues,
deux au leader socialiste Walid Joumblat, trois reviennent à
Saad Hariri et son « Mouvement du futur » et les trois restant
proviennent de groupuscules faisant partie de l’alliance.
Il y a, ensuite, les
ministres de « l’alliance du 8 mars », dominés par les cinq
ministres cédés de plein gré à Michel Aoun, en plus des trois
ministres du mouvement Amal, de l’unique ministre affilié au
Hezbollah et de deux autres « amis ».
Enfin, le président de la
République a désigné, disent les mauvaises langues, trois
ministres qui ne sont pas à lui.
Dans cette toile
inextricable, nous pouvons déceler les éléments suivants :
1. Les amis des Etats-Unis
sont nombreux, très nombreux. Certains parlent de presque la
moitié du gouvernement, sans oublier le Premier ministre. La
nécessité d’avoir ce nombre relève, dit-on, du fait qu’à la
suite de la libération des derniers détenus libanais par Israël,
les prochains mois seraient ceux de la préparation de l’entrée
libanaise, à la suite de la Syrie, sur la scène des négociations
avec Tel Aviv ; ce qui ne manquera pas de poser la question des
armes du Hezbollah et de la résistance en général.
2.Les deux grosses parts
accordées à Michel Aoun (Courant patriotique libre, ami du
Hezbollah) et Samir Geagea (Forces libanaises) viennent du fait
que la bataille électorale la plus acharnée prévue, à partir de
l’application de la loi de 1960, se fera dans les rangs des
députés « Chrétiens ». Ce sont ces députés qui trancheront en ce
qui concerne la nouvelle majorité ; d’où la nécessité pour les
rassemblements du « 8 mars » et du « 14 mars » de renforcer les
chances de leurs alliés chrétiens, en leur accordant des
ministères qui peuvent les aider à « rendre des services » aux
électeurs afin de gagner les voix nécessaires.
3. Dans cet objectif aussi,
deux ministres arméniens furent choisis pour la première fois
dans l’histoire politique du Liban et à un moment où
l’émigration arménienne vers les Etats-Unis a atteint son
paroxysme. Ce choix, dont l’un est pour la majorité et l’autre
pour l’opposition, vise à gagner, de part et d’autre, la
majorité des voix arméniennes restantes et qui pourraient faire
une différence notoire dans la circonscription du Metn (6
députés) et dans deux des trois circonscriptions de Beyrouth (9
députés).
En attendant les élections
(déjà presque toutes faites) dans dix mois et desquelles, une
fois de plus, sont éloignées les forces non confessionnelles, la
crise reste, quoi qu’on dise, entière. Surtout sur le plan
économique et social où la cherté de la vie a atteint des
niveaux alarmants. Les prix s’envolent si rapidement qu’ils ont
déjà englouti la hausse (encore théorique) votée par le
gouvernement précédent de Fouad Sanioura ; et le nouveau
gouvernement, qui ne manquera pas d’avoir la majorité écrasante
des voix du parlement n’a ni le temps ni la volonté de remédier
à ce problème grave.
Toute cette situation nous
pousse à dire : tout le monde a gagné sauf le Liban !
© Lebanese Communist Party - 2006
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