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RIA Novosti
USA-Iran: il est temps d'appuyer
sur le frein
Piotr Gontcharov
Photo RIA Novosti
Le Conseil de sécurité de l'ONU doit se réunir dans la première
quinzaine de mars pour décider du sort de l'Iran, qui refuse de
se conformer aux injonctions de la communauté internationale
l'appelant à suspendre l'enrichissement de l'uranium. Il doit
adopter à son égard des mesures de pression supplémentaires en
vertu, toujours, de l'article 41 du chapitre 7 de la Charte des
Nations unies qui exclut le recours à la force. Alors que le
projet de nouvelle résolution fait l'objet de tractations entre
les "six" depuis lundi dernier, de vives passions se déchaînent
à l'intérieur même de l'Iran.
A la veille de la session attendue du Conseil de sécurité de
l'ONU, les Etats-Unis et l'Iran ont procédé à l'échange
traditionnel de "coups préventifs" appelés à montrer
la détermination des parties à parvenir à leurs fins y compris
par des moyens militaires. L'Iran a effectué des exercices
d'envergure du corps des Gardes de la révolution islamique, unité
d'élite des forces armées iraniennes, a testé avec succès ses
nouveaux missiles et a fait savoir qu'il poursuivrait son
programme nucléaire, malgré l'exigence de la communauté
internationale de suspendre l'enrichissement de l'uranium, et
qu'il était prêt à tout pour défendre le programme, même à
la guerre. Les Etats-Unis ont répondu par une contre-attaque
massive habituelle: la revue The New Yorker a rendu public le plan
de frappes aériennes des sites iraniens élaboré par le
Pentagone, le quotidien britannique The Daily Telegraph a annoncé
les tractations israélo-américaines sur le survol de l'Irak par
des avions israéliens, et le vice-président américain Dick
Cheney a déclaré que "toutes les options" étaient
envisagées vis-à-vis de l'Iran. Il suffit de se rappeler février
2006 pour comprendre que l'histoire se répète.
La confrontation militaire qui oppose les Etats-Unis et l'Iran
et leur jeu de muscles réciproque ont été perçus jusqu'à présent
comme du bluff. Au moment où les Etats-Unis réunissent dans le
golfe Persique de puissants groupes de "pression
politique" (c'est ainsi que Washington en explique
l'objectif) constitués de porte-avions, il est évident que les
parties sont sur le point d'aller au-delà du simple bluff, à
moins qu'elles n'aient déjà franchi le point de non-retour. Tout
mécanisme militaire créé en tant que moyen de "pression
politique" est efficace tant qu'il donne des résultats
pratiques, sinon il devient un banal instrument de chantage, et sa
valeur militaire initiale se déprécie. Et que feront les
Etats-Unis, si Téhéran refuse de céder à la "pression
politique"? Sont-ils prêts à faire la guerre? Car il n'y
aura pas d'autre issue: l'autorité des Etats-Unis est en jeu.
Dans ce contexte, il est peu probable que les Etats-Unis échappent
à une guerre avec l'Iran. Leur politique réciproque ainsi que
celle appliquée par Téhéran à l'égard d'Israël, allié des
Etats-Unis dans la région, rendent cette guerre pratiquement inévitable.
Pour éviter la guerre, l'une des parties devra accepter
d'importants sacrifices. Les Etats-Unis devraient renoncer à
leurs intérêts dans la région, ce qui semble peu probable.
L'Iran devrait, pour sa part, suspendre son programme nucléaire
et oublier ses ambitions de puissance régionale, ce qui est également
difficilement envisageable. Bien sûr, un compromis est possible.
Mais pour cela il va falloir que l'Iran soumette son programme
nucléaire au contrôle strict de l'AIEA, modifie nettement sa
politique en Irak, au Liban, en Palestine et abandonne sa rhétorique
anti-israélienne. Les Etats-Unis, quant à eux, devront reconnaître
l'Iran en tant qu'acteur clé dans la région avec les préférences
qui en découlent. Les parties ne semblent guère disposées à se
faire des concessions.
Entre-temps, à Téhéran même, le programme nucléaire et la
politique du président iranien Mahmoud Ahmadinejad sont en butte
aux critiques virulentes de différents milieux politiques. Dans
une lettre ouverte au président iranien publié dans le quotidien
réformiste iranien Etemad Melli, le leader du Parti de la
solidarité de l'Iran islamique a appelé à "freiner"
pour que "le train arrive à destination en toute sécurité".
Sur fond de rhétoriques militaires, ces propos apparaissent
presque comme un geste de bonne volonté. Les "freins"
et le "train" ne sont pas cités au hasard. Dans une
diatribe lancée contre les Etats-Unis, Mahmoud Ahmadinejad avait
comparé le programme nucléaire iranien à un train "sans
marche arrière", ce à quoi la secrétaire d'Etat américaine
Condoleezza Rice avait répondu que le programme nucléaire
iranien devait disposer d'un "bouton d'arrêt".
Ne serait-il pas mieux de freiner un peu aujourd'hui pour
avancer vers un compromis?
(L'avis de l'auteur peut ne pas coïncider avec celui de la
rédaction.)
© 2005 RIA
Novosti
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