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Les conseillers d'Obama discutent des
préparatifs
de guerre contre l'Iran
Peter Symonds

Photo Réseau Voltaire
6 novembre 2008
A la veille de l’élection
américaine, le New York Times faisait prudemment
remarquer l’émergence d’un consensus entre le Parti démocrate et
le Parti républicain pour une nouvelle stratégie agressive
envers l’Iran. Alors que presque rien n’a été dit à ce sujet
pendant la campagne électorale, de hauts conseillers des camps
Obama et McCain ont discuté de l'escalade rapide de la pression
diplomatique et de sanctions punitives contre l'Iran, soutenues
par des préparatifs pour des frappes militaires.
L’article intitulé « New
Beltway debate: what to do about Iran » notait avec une
certaine inquiétude : « c’est une idée effrayante, mais ce n’est
pas seulement l’administration Bush à la gâchette facile qui
discute – ne serait-ce que théoriquement – de la possibilité
d’une action militaire pour arrêter le programme d’armes
nucléaires de l’Iran…Des gens raisonnables des deux partis sont
en train d’étudier la prétendue option militaire, ainsi que de
nouvelles initiatives diplomatiques ».
Derrière le dos des
électeurs américains, des conseillers du président élu, Barack
Obama, ont préparé la scène pour une escalade importante de la
confrontation avec l’Iran dès que la nouvelle administration
prendra ses fonctions. Un rapport publié en septembre par le
Bipartisan Policy Center, une « fabrique d’idées » bipartite
basée à Washington, a fait valoir qu’un Iran disposant de l’arme
nucléaire était « stratégiquement intenable » et détaillait une
approche robuste « incorporant de nouveaux instruments
diplomatiques, économiques et militaires d’une manière
intégrée ».
Un des principaux membres
du groupe de travail de ce centre a été le haut conseiller d’Obama
concernant le Moyen-Orient, Dennis Ross qui est connu pour ses
points de vue belliqueux. Il a soutenu l’invasion américaine de
l’Irak et il est étroitement lié à des néo-conservateurs comme
Paul Wolfowitz. Ross a travaillé sous Wolfowitz dans les
administrations de Carter et de Reagan avant de devenir l’envoyé
en chef au Moyen-Orient sous les présidents Bush père et
Clinton. Après avoir quitté le département d’Etat en 2000, il a
rejoint un groupe de réflexion de droite pro-Israël (le
Washington Institute for Near East
Policy
/ Institut de Washington pour la
politique du Proche-Orient) ) et il a été engagé comme analyste
en matière de politique étrangère par la chaine de télévision
Fox News.
Le rapport du Bipartisan
Policy Centre insistait sur le fait qu’il y n’y avait pas de
temps à perdre et déclare : « Les progrès réalisés par Téhéran
signifient que la prochaine administration pourrait bien avoir
peu de temps et moins d’options pour faire face à cette
menace. » Il rejetait sans autre forme de procès à la fois les
affirmations de Téhéran selon lesquelles son programme nucléaire
était destiné à des fins pacifiques et l’Estimation nationale
des services de renseignements américains de 2007 qui révélait
que l’Iran avait mis fin à tout programme nucléaire militaire en
2003.
Ce rapport critiquait
l’échec de l’administration Bush à arrêter les programmes
nucléaires iraniens, mais sa stratégie est essentiellement la
même – des incitations limitées par des sanctions économiques
plus sévères et par la menace d’une guerre. Son plan pour
consolider le soutien international est également fondé sur
l’action militaire préventive contre l’Iran. La Russie, la Chine
et les puissances européennes doivent toutes être averties que
leur échec à mettre en œuvre des sanctions sévères, y compris un
blocus provocateur sur les exportations de pétrole de l’Iran ne
feront qu’accroître la probabilité de la guerre.
Pour souligner ces
avertissements, le rapport proposait que les Etats-Unis auraient
besoin de renforcer immédiatement leur présence militaire dans
le Golfe persique. « Cela devrait commencer le premier jour où
le nouveau président entre en fonction, d’autant que la
République islamique et ses acolytes, pourraient vouloir tester
le nouveau gouvernement. Cela impliquerait un pré-positionnement
de forces américaines et alliées, le déploiement de groupes de
combats supplémentaires de porte-avions et de dragueurs de mines
[et] la mise en place d’autre matériel de guerre dans cette
région » déclarait-il.
Dans un langage qui
rappelle fortement celui de Bush lorsqu’il insiste sur le fait
que « toutes les options restent sur la table », le rapport
déclarait encore : « Nous croyons qu’une attaque militaire est
une option réalisable et doit rester un dernier recours pour
retarder le programme nucléaire iranien ». Une telle frappe
militaire « aurait pour objectif non seulement l’infrastructure
nucléaire de l’Iran, mais également son infrastructure militaire
conventionnelle dans le but de supprimer une riposte
iranienne. »
De manière significative,
le rapport a été rédigé par Michael Rubin, du néo-conservateur
American Entreprise Institute, qui a été fortement impliqué dans
la promotion de l’invasion de l’Irak en 2003. Un certain nombre
de hauts conseillers démocrates a « approuvé à l’unanimité » ce
document, y compris Dennis Ross, l’ancien sénateur Charles Robb
qui a coprésidé le groupe de travail, et Ashton Carter qui a
servi en tant que secrétaire adjoint à la Défense sous Clinton.
Carter et Ross ont aussi
participé à la rédaction d’un rapport publié en septembre pour
le Center for a New American Security (Centre bipartite pour une
nouvelle sécurité de l'Amérique). Ce rapport concluait que
l’action militaire contre l’Iran devait constituer « un élément
dans toute véritable option ». Tandis que Ross y examinait les
options diplomatiques en détail, Carter y définissait les
« éléments militaires » qui devaient les sous-tendre, y compris
une analyse des coûts et bénéfices d’un bombardement aérien de
l’Iran.
D’autres hauts conseillers
d’Obama au niveau de la politique étrangère et de la défense ont
été étroitement associés à ces discussions. Une déclaration
intitulée « renforcer le partenariat : comment approfondir la
coopération entre les Etats-Unis et Israël concernant le défi
nucléaire iranien », rédigée en juin par un groupe de travail de
l’Institut de Washington pour la politique au Proche-Orient,
recommandait que la prochaine administration mène des
discussions avec Israël sur « l’ensemble des options
politiques », y compris « l’action militaire préventive ». Ross
était un co-animateur du groupe de travail et les hauts
conseillers d’Obama Antony Lake, Susan Rice et Richard Clarke
ont tous mis leur nom sur le document.
Ainsi que le New York
Times le notait lundi, le conseiller d’Obama en ce qui
concerne la défense, Richard Dantzig, un ancien secrétaire à la
Marine sous Clinton assistait à une conférence sur le
Moyen-Orient rassemblée en septembre par le même groupe de
réflection pro-Israël. Il dit à l’assistance que son candidat
croyait qu’une attaque militaire de l’Iran était un choix
« terrible », mais qu’il « se pourrait que dans un monde
terrible nous allons devoir nous faire à ce genre de choix
terrible ». Richard Clarke, qui était lui aussi présent, déclara
qu’Obama estimait qu’il fallait « enrayer l’influence
grandissante de Téhéran et que l’acquisition d’armes nucléaires
par Téhéran était inacceptable ». Tandis que « sa tendance
première était de ne pas appuyer sur la gâchette » dit Clarke,
« si les circonstances demandaient l’usage des armes, Obama
n’hésiterait pas. »
Si l’article du New
York Times était formulé avec discrétion et n’examinait pas
les rapports de façon trop en détail, la journaliste, Carol
Giacomo, était de toute évidence inquiète des parallèles avec
l’invasion américaine de l’Irak. Après avoir fait remarquer que
« le public américain était dans une large mesure inconscient de
ce débat », elle déclarait : « Ce qui me rend nerveuse, c’est ce
qui s’est passé dans la période qui a précédé la guerre en
Irak. »
Giacomo poursuivit : « Les
responsables de l’administration Bush ont mené la discussion,
mais les initiés étaient complices. La question fut posée et on
y a répondu dans les cercles politiques avant que la majorité
des Américains ne sachent ce qui arrivait…En tant que
correspondant diplomatique pour Reuters à l’époque, j’éprouve
une certaine responsabilité pour ne pas avoir fait plus pour
assurer que la décision désastreuse d’envahir l’Irak n’ait été
contrôlée avec davantage de scepticisme ».
L’émergence d’un consensus
sur l’Iran dans les cercles de la politique étrangère américaine
souligne, une fois de plus, le fait que les différences entre
Obama et McCain étaient de nature purement tactique. Tandis que
des millions d’Américains ont voté pour le candidat démocrate
croyant qu’il allait mettre fin à la guerre en Irak et
répondrait à leurs besoins économiques urgents, des sections
puissantes de l’élite américaine se sont mises derrière lui, le
considérant comme un meilleur véhicule pour poursuivre les
intérêts économiques et stratégiques au Moyen-Orient et en Asie
Centrale — y compris avec l’usage de la force militaire contre
l’Iran.
(Article original publié le
6 novembre 2008)
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Publié le 10 novembre 2008 avec l'aimable autorisation du WSWS
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