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Planète non violence
Sommet
de la Caspienne : un triomphe pour l'Iran
Kaveh Afrasiabi
Photo : Planète non violence
Peu
de sommets régionaux ont attiré une telle attention à la fois
de la part des médias et des gouvernements de par le monde, que
le sommet des dirigeants des états du littoral de la mer
Caspienne de cette semaine à Téhéran.
18 octobre 2007
Peu de sommets régionaux ont attiré une telle attention à la
fois de la part des médias et des gouvernements de par le monde,
que le sommet des dirigeants des états du littoral de la mer
Caspienne de cette semaine à Téhéran
Les deux jours de sommet, coïncidant avec la crise nucléaire et
la montée des tensions US-Iran concernant l'Irak et le Moyen
Orient, seront vus comme une pierre d'angle dans la coopération régionale,
avec de sérieuses ramifications concernant un large éventail de
questions au-delà de la région de la mer Caspienne.
Qualifié comme i(« un grand bond vers le progrès »]i par Mehdi
Safari, le vice ministre iranien des affaires étrangères, le
sommet a été un grand succès pour l'Iran de même que pour la
Russie et les autres participants (Azerbaïdjan, Kazakhstan et
Turkménistan), et Téhéran a des chances de capitaliser là-dessus,
un pas franchi pour devenir membre à part entière du Shanghai
Coopération Organisation ( SCO) – Organisation de Coopération
de Shanghai, considérée comme un contre poids sécuritaire à l
»'hégémonie » de l'OTAN et des US.
Effectivement, c'est tout autant les intérêts partagés comme
les inquiétudes communes, eg, les politiques interventionnistes
sans limite des US, qui ont maintenant rapproché l'Iran et la
Russie, sur le point de nouer une nouvelle relation stratégique.
Après tout, tout deux, l'Iran et la Russie, font l'objet de
coercition de la part de l'Amérique, leurs intérêts sécuritaires
nationaux et leurs objectifs mis en danger par le militarisme post
11 septembre des US et son ossification féodale de l'ordre
international.
Le résultat du sommet de la Caspienne est, en fait, un message de
premier plan sur le besoin de démocratiser l'ordre international
en érigeant des barrières efficaces face au « Léviathan » américain,
comme on l'a vue avec des accords spécifiques passés lors du
sommet, incluant l'interdiction pour d'autres pays d'utiliser les
état du littoral pour des attaques menées l'un contre l'autre «
dans aucune circonstance », et interdisant à tout navire
ne battant pas pavillon national d'un des états du littoral de
transiter dans les eaux de la Caspienne.
Comment ce sommet a-t-il eu lieu ? La réponse c'est, premièrement
et principalement, grâce aux efforts diplomatiques astucieux de
l'Iran, de concert avec une évolution stratégique de la
politique étrangère de la Russie qui ne s'handicape plus elle-même
en faisant passer en priorité des intérêts tactiques ou
conjoncturels au dessus des intérêts stratégiques.
Ayant atteint ce niveau, Moscou est maintenant sur le point de
rentrer dans une nouvelle relation stratégique avec l'Iran qui
servira la stratégie géopolitique et sécuritaire, et d'autres
intérêts partagés par les deux nations.
« L'Iran est une puissance régionale
et mondiale importante « a dit Vladimir Poutine après sa
rencontre initiale avec le président Mahmud Ahmadinejad, qui a été
particulièrement diabolisé en Occident et qui est pourtant
respecté dans le Tiers Monde, et au-delà, comme un dirigeant
d'une nation en développement ayant de l'assurance et affrontant
les politiques dominatrices mondiales.
Une réalisation majeure pour la diplomatie iranienne et particulièrement
pour l'équipe de politique étrangère assaillie d'Ahmadinejad ,
« les bonnes nouvelles « du sommet serviront sans doute comme
charnière ouvrant un nouvel espace de respiration pour la
diplomatie de l'Iran, et pas seulement en direction de la
Caspienne, du Caucase, de l'Asie Centrale. La politique de l'Iran
dans le Golfe Persique va aussi bénéficier de l'image améliorée
de l'Iran au Moyen Orient, rendant plus attractif le rôle de
l'Iran comme corridor pour l'Asie Centrale avec le Monde Arabe en
général, et les états membres du Conseil de Coopération du
Golfe (GCC) en particulier qui peuvent en tirer avantage dans leur
commerce extérieur et leurs politiques énergétiques.
Le sommet de la diplomatie iranienne
Le trait le plus marquant du sommet de la diplomatie de l'Iran, a
été sa complexité multi faces, cherchant à améliorer la coopération
régionale parmi les 5 états du littoral de la Caspienne, par
exemple en initiant l'idée d'une organisation régionale
Caspienne pour promouvoir le commerce inter région, et, simultanément,
poussant à une coopération bilatérale parallèlement à une
coopération multilatérale. Le réseau d'accords bilatéraux et
multilatéraux signés lors de ce sommet est plutôt extensif et
un examen détaillé n'est pas de mise ici.
Cependant, il suffit de dire que, du point de vue de l'Iran, le
sommet à été un revirement complet de ce qui a eu lieu lors du
sommet des dirigeants de la mer Caspienne plutôt désastreux à
Ashghabat au Turkménistan en 2002, où Poutine avait donné la
priorité à la question de la délimitation de la Caspienne et de
la division, un sujet qui divisait. Par comparaison, à ce sommet,
le sujet épineux de la propriété de la Caspienne et du « régime
légal » ont été relégués à l'arrière plan, les dirigeant
participants se sont focalisés sur des domaines d'intérêts
communs, des questions transfrontalières, le commerce, espérant
que lors de rencontres ultérieures, la bonne volonté générée
lors de ce sommet dépassera ces problèmes qui divisent.
Des rencontres à des niveaux d'expertises différentes des états
de la Caspienne ont jusqu'à présent échoué pour résoudre la
question de la propriété et, du point de vue iranien, étant
donné les intérêts mineurs concernés dans le secteur iranien
de la Mer Caspienne, c'était plus raisonnable de tirer la bonne
leçon de l'échec d'Ashghabat, et d'adopter une vue des choses à
long terme.
L'Iran a largement bénéficié de cette approche, avec pour résultat,
un revirement soudain dans le climat géostratégique en faveur de
l'Iran, aux vues du communiqué commun des autres états de la
Caspienne concernant leur refus d'autoriser l'utilisation de leur
territoire pour toute agression militaire contre l'Iran, cimenté
par la vigoureuse déclaration de Poutine contre une telle
tactique.
L'autre commentaire de Poutine, concernant l'engagement de la
Russie à achever la centrale nucléaire de Bushehr en Iran, représente
aussi un autre développement significatif pour l'Iran, qui a défié
les résolutions du CS de l'ONU appelant à la suspension de
l'enrichissement d'uranium et des activités de retraitement. En déclarant
publiquement qu'il n'y a pas de preuve pour soutenir les
accusations d'une ambition de l'Iran d'armement nucléaire,
Poutine semble avoir provoquer la furie de Washington, comme l'a
montré la contre offensive instantanée de Condeleezza Rice que
l'Iran avait « menti »
sur son programme nucléaire. Cependant, plus important, Poutine a
donné le signal du commencement de la fin d'un « consensus
diplomatique » façonné par Rice vis-à-vis de l'Iran.
Comme on pouvait s'y attendre, le gouvernement US et les médias
dominants, incapables de montrer un quelconque signe d'ajustement
envers la Russie, et même la nouvelle ligne de pensée de la
Chine à l'égard de l'Iran, ont accru leur diffamation de l'Iran
avec, à la fois le Washington
Times et le Wall Street
Journal dédiant leur pages de commentaires aux habituels
commentaires anti-Iran.
Le sommet de Téhéran et ses résultats représentent
certainement un pas en arrière pour la diplomatie de Washington
à l'égard de l'Iran, mais ils montrent aussi les défauts de la
diplomatie (US ndlt) vis-à-vis de la Russie et le fait que Moscou
et Washington sont dans une impasse. Poutine a tenu ferme contre
ses détracteurs de Washington, courtisant différents dirigeants
européens telle Angela Merkel d'Allemagne et snobant le pro US
Nicolas Sarkozy, tout en travaillant à un nouveau modèle de
relations Russie – Union Européenne, qui ne soient pas dominées
par les prérogatives US. Il y a sans nul doute un élément de
risque ici pour la nouvelle politique de Poutine vis-à-vis de
l'Iran, qui peut avoir un effet boomerang, particulièrement s'il
n'obtient pas plus de coopération iranienne sur la question nucléaire.
Concernant ce dernier point, l'Iran est capable de gestes réciproques
vis-à-vis de Poutine, en s'accommodant de plus de demandes de la
part de l'AIEA, et la rencontre la semaine prochaine du négociateur
en chef du nucléaire iranien Ali Larijani, avec le chef de la
politique étrangère de l'UE, Javier Solana, est une occasion
importante pour l'Iran d'apaiser Poutine et son cercle de
politique étrangère, dont certains sont ouvertement inquiets
d'une corrosion parallèle des relations US-Russie, à cause des
nouveaux développements Iran-Russie.
Cependant, cela n'est pas un « jeu à somme nulle « car ceux qui
déterminent la politique aux US peuvent tirer la juste impression
que les bonnes politiques de voisinage de l'Iran bénéficient à
la paix régionale et mondiale, et qu'elles se sont actuellement
approfondies grâce à la singulière influence de la Russie sur
l'Iran. Mais, c'est cependant fort peu probable, et la continuité
de la politique unidimensionnelle coercitive envers l'Iran, si
profondément enracinée à Washington, est le scénario le plus
plausible, peu importe que cela soit ou non synchro avec le reste
de la communauté internationale.
La « superpuissance solitaire » sur laquelle a écrit Samuel
Huntington, semble actuellement dangereusement sur le point de
perdre sa « coalition des volontaires » contre l'Iran, à la
fois au sein et à l'extérieur de l'ONU. Les seuls choix sont
soit un refus borné de faire les ajustements politiques nécessaires
envers l'Iran, sur la base d'une diplomatie non menaçante, ou
faire face à une défaite diplomatique certaine sur la scène
internationale.
On doit reconnaître la réussite de la diplomatie basée sur le
pouvoir doux de l'Iran, à la fois pour le succès du sommet et la
relative frustration de la diplomatie coercitive US.
Kaveh Afrasiabi 18/10/07
Copyright 2007 Asia
Times Online Ltd
Traduction Mireille Delamarre pour www.planetenonviolence.org
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