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L'EXPRESSIONDZ.COM
L’Iran
sera-t-il envahi?
Pr Chems-Eddine Chitour
Photo Ria Novosti "Qui
veut noyer son chien l´accuse de la rage". Le
monde vit dans une atmosphère de bruits de bottes qui rappelle étrangement
les quelques semaines avant un certain 17 mars 2003 prélude à
une invasion, une atomisation de l´Irak et à la pendaison, après
un simulacre de procès, de son président, Saddam Hussein. «L´option
d´une attaque aérienne, écrit Lucio Manisco, député européen,
contre les implantations économiques et militaires de l´Iran,
qui est à l´étude chez les stratèges du Pentagone depuis plus
de deux ans, est entrée en phase d´actualisation en novembre
dernier après la défaite républicaine aux élections du Congrès
et les revers de plus en plus catastrophiques des opérations
militaires et politiques étasuniennes en Irak. Le dernier voyage
de la secrétaire d´Etat, Condoleezza Rice, au Moyen-Orient, était
destiné officiellement à faire redémarrer les négociations de
la Feuille de route entre Israël et la Palestine. En réalité -a
écrit l´ex-assistant secrétaire d´Etat, James Dobbins, sur le
New York Times -le véritable objectif de cette mission a été
celui de lancer une coalition anti-iranienne parmi les
gouvernements arabes les plus conservateurs, et de contribuer au
financement et à l´armement de milices anti-Hezbollah et anti-Hamas
au Liban et en Palestine».(1)
En janvier dernier, l´ancien chef d´état-major de l´armée
russe, le général Léonid Ivashov, a prédit une attaque nucléaire
des Etats-Unis contre l´Iran d´ici avril prochain. «Dans
quelques semaines», a-t-il écrit, nous allons voir une
machine de guerre informationnelle se mettre en marche. L´opinion
publique est déjà sous pression. Il y aura une hystérie
militariste anti-iranienne croissante, des nouvelles fuites d´information,
de désinformation. Ensuite, il y a le général Oded Tira, l´artilleur
en chef des Forces de défense d´Israël qui a déclaré qu´une frappe
américaine sur l´Iran est essentielle pour l´existence même
de l´Etat juif. (2).
Tira a exhorté, de façon explicite, le lobby d´Israël aux
Etats-Unis à se tourner vers Hillary Clinton et les autres
candidats démocrates potentiels à l´élection présidentielle
américaine, afin qu´ils soutiennent une action immédiate de
Bush contre l´Iran. En attendant, l´accusation israélienne,
selon laquelle l´Iran lui pose une menace existentielle,
portée l´année dernière par Ehoud Olmert devant le Congrès américain,
s´est insinuée dans le discours américain officiel.
Le «bien» contre le «mal»
Se référant d´une manière générale à la guerre contre la
terreur, définie de façon vague, Cheney a, récemment, déclaré
à Fox News: C´est un conflit existentiel.
C´est la sorte de conflit qui va conduire notre politique pour
les 20, 30 ou 40 prochaines années. Sa fille Elisabeth a écrit
dans un édito du Washington Post, en janvier: L´Amérique est
confrontée à une menace existentielle. A un moment, quelque
part, nous devrons combattre ces terroristes jusqu´à la mort.
Nous ne pouvons pas négocier avec eux ou ´résoudre´ leur
Djihad. La machine de guerre informationnelle" à
laquelle, écrit Gary Leupp, Ivashov fait allusion, a déversé la
désinformation plus vite que ne peut le digérer le public.
Pendant la montée en guerre contre l´Irak, l´accusation
principale contre Baghdad (reçue avec scepticisme aux Nations
unies) était que ce pays possédait des armes de destruction
massive menaçant le monde entier, y compris New York City. Bien
qu´Israël ait attaqué et détruit en 1981 le réacteur nucléaire
irakien construit par les Français, Osirak, à présent, il bat
fiévreusement tambour pour une guerre américaine contre l´Iran.
Et comme Cheney l´a fait ostensiblement remarquer, si les
Etats-Unis n´attaquent pas l´Iran, Israël pourrait le faire
sans qu´on lui demande. Il est plus que probable, si cela se
produit, que ce sera une collaboration.
La rhétorique est connue: le régime iranien est antisémite: le
président Ahmadinejad nie l´Holocauste et appelle à ce qu´Israël
soit rayé de la carte; Ce qu´a dit Ahmadinejad, citant l´ayatollah
Khomeyni (qui est mort en 1989) était que l´occupation de Jérusalem
sera effacée de la page de l´histoire. Cette déclaration
un peu vague a été faite en langage poétique mais ne se réfère
à aucune carte, sans parler d´un génocide. D´ailleurs, En
août 2006, Ahmadinejad a déclaré que l´Iran n´était une
menace pour aucun pays, pas même pour le régime sioniste.
Pour les faucons américains et israéliens, l´Iran cache
l´existence d´un programme illégal d´armes nucléaires, un
programme qui menace l´existence de l´Etat hébreu; par conséquent,
il est coupable de planifier, de commettre un génocide -la
question principale, comme dans l´affaire irakienne, est celle
des ADM et, en particulier, la perspective prochaine d´une
attaque nucléaire iranienne sur Israël produisant un second
Holocauste...L´extermination consciente et diabolique de tout un
peuple- dans ce cas, un peuple considéré par de nombreux chrétiens
évangéliques américains comme étant le Peuple élu de Dieu,
dont la restauration d´un Etat au XXe siècle augure vraiment la
parousie: la deuxième venue du Christ tant désirée. Cette
bataille du bien triomphant du mal aura lieu à Armagueddon.
En décembre 2006, l´ambassadeur des Etats-Unis, John Bolton, a
appelé la Cour pénale internationale de l´ONU à inculper
Ahmadinejad pour incitation au génocide. Il est temps d´agir.
Nous avons reçu des signes avant-coureurs, sans ambiguïté,
sur ce que sont ses intentions. En décembre 2006 aussi, le
dirigeant du Likoud, Benjamin Netanyahou, a convoqué sept
diplomates étrangers en Israël à un meeting afin de les presser
de se joindre à Israël dans des efforts pour mettre fin au
programme nucléaire de l´Iran. Selon un reportage paru dans le
quotidien israélien Ha´aretz, cette rencontre était le
premier événement dans une campagne internationale de relations
publiques. Elle comprendra une proposition pour porter plainte
contre le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, devant la Cour
pénale internationale, pour crimes de guerre. Et ses plans pour
commettre un génocide y seront présentés.
La presse étasunienne se réfère systématiquement au programme
d´armes nucléaires iranien comme s´il était évident que l´Iran
en avait un. Pendant ce temps, la plupart des Américains ne
savent probablement pas que tous les pays ont le droit d´enrichir
l´uranium et que les pays dépourvus d´un programme nucléaire (à
l´instar du Japon, de l´Allemagne, des Pays-Bas et du Brésil) l´ont
enrichi sans que les Etats-Unis ne protestent. La plupart des Américains
ne savent probablement pas que Mohamed El-Baradei, ne cesse de
dire qu´il n´y a aucune preuve que le programme d´enrichissement
de l´Iran soit lié à un programme militaire. C´est vrai qu´après
une rencontre avec Condoleezza Rice en mars 2006 (dans laquelle
elle a accepté de lever les efforts étasuniens de le renvoyer de
la tête de l´Aiea), il a déclaré que l´Aiea n´était pas
à ce stade en position de conclure qu´il n´y a aucun matériau
ou activité nucléaire non déclarés en Iran. L´administration
Bush a utilisé cette déclaration alambiquée à la double négation,
ainsi que la déclaration de septembre 2005 de l´Aiea sur l´Iran,
pour justifier ses préparatifs de guerre.(2)
D´autre part et à en croire Escobar, on peut dire que l´Administration
Bush est en train d´obtenir ce qu´elle veut au Moyen-Orient.
Pour combattre un croissant chiite fictif (une construction du roi
Abdullah de Jordanie), elle a fortement encouragé le croissant
sunnite (l´Arabie Saoudite, l´Egypte, la Jordanie, le Koweït et
les Emirats arabes unis), exacerbant ainsi jusqu´au paroxysme
la stratégie qu´elle avait déjà appliquée en Irak: le
sectarisme comme paramètre doré du diviser pour mieux régner"
impérial. Historiquement, poursuit Escobar, les Sunnites et les
Chiites ont coexisté malgré des tensions sociales. Mais jamais
ces tensions n´ont été aussi cyniquement exploitées -par
Washington- comme dans l´Irak d´après l´invasion et tout le
Moyen-Orient. L´axe de la peur arabe sunnite coopère
gaiement. Le roi Abdullah d´Arabie Saoudite s´est même plaint
dans un journal koweitien que l´Iran essayait de convertir au
chiisme les Arabes sunnites. Même Israël s´allie maintenant,
par tous les moyens, à l´Arabie Saoudite contre l´Iran La
Mecque/Jérusalem contre Qom; les Musulmans et les Juifs luttant
contre les Musulmans.(3)
La division sunnite-chiite entretenue par les USA doit impliquer
le pétrole. L´Arabie Saoudite est directement confrontée à l´Iran
au sein de l´Organisation des pays exportateurs de pétrole. Dans
une interview du 19 janvier, donnée à la chaîne arabe Al-Manar,
le secrétaire général du Hezbollah, le Sheikh Hassan Nasrallah,
a analysé avec finesse comment la libanisation est liée à l´irakification
et, plus largement, à la division Sunnites-Chiites au
Moyen-Orient. Et tout a à voir, bien sûr, avec le Nouveau
Moyen-Orient de Bush. Pour Nasrallah: En bref, le -Nouveau
Moyen-Orient- signifie une série d´Etats-croupions divisés
selon des lignes religieuses, sectaires et raciales, du Liban à
la Syrie, à l´Irak, à l´Iran, à la Turquie, à l´Afghanistan,
au Pakistan; toute la route vers l´Arabie Saoudite et le Yémen
et le reste des Etats du Golfe, jusqu´à l´Afrique du Nord. Et là,
je voudrais mettre chacun en garde, dans le monde arabe et
islamique, quelle que soit la secte ou la religion à laquelle il
s´identifie, qu´il soit musulman ou chrétien, shiite ou sunnite
ou druze, quelle que soit sa race, arabe, kurde, turque, etc.
Quiconque peut croire que le Nouveau Moyen-Orient lui
garantira son propre Etat indépendant, et ça sera peut-être le
cas, mais il ne doit pas ignorer qu´un des piliers central de ce Nouveau
Moyen Orient est le conflit continuel entre ces
Etats-croupions.(3)
Qu´en est-il de la puissance iranienne? Dans une interview en
date du 3 février, Chirac a, de ce point de vue, répété que l´éventuelle
acquisition, par la République islamique, de l´arme nucléaire
était une éventualité dangereuse, très dangereuse,
avant de souligner que ce danger n´était pourtant pas d´ordre
strictement militaire. A supposer que l´Iran acquière d´ici
quelque temps une bombe nucléaire, peut-être une deuxième un
peu plus tard, cela ne lui servira à rien, a dit Chirac. En
effet, a-t-il poursuivi: Où l´Iran enverrait-il cette bombe? Sur
Israël? Elle n´aura pas fait 200 mètres dans l´atmosphère que
Téhéran sera rasée. Il est aussi ridicule de décrire le régime
iranien comme une menace pour les Etats-Unis, qui a la moitié du
budget militaire total de la planète, des troupes basées dans
120 pays et des bases en Afghanistan et en Irak qui entourent (et
menacent) l´Iran.
Cependant, en Israël même, censé être marqué par l´anéantissement,
la menace putative iranienne est relativisée. Ephraïm Halevy, l´ancien
chef du Mossad, la redoutable agence d´espionnage, a récemment réfuté
la notion selon laquelle l´Iran pose une menace existentielle
à Israël. Aujourd´hui, Israël est indestructible,
a-t-il déclaré. Il n´est pas si simple de penser que vous avez
un dispositif entre les mains et que vous pourrez le lancer sur un
site particulier et rayer une nation de la carte. Israël a eu
connaissance de cette menace [de la part de l´Iran] pendant plus
de 15 ans et a observé cette menace grandir. Vous devez supposer
qu´Israël n´est pas resté sans rien faire... ou [à attendre]
que quelqu´un d´autre fasse le boulot. L´Iran peut-il détruire
Israël? Je ne pense pas que cela soit faisable en des conditions
purement opérationnelles.(2)
D´une façon tout à fait mélodramatique, et calculée, s´exprimant
via satellite à la 7ème Conférence de l´Institut de politique
et de stratégie [IPS], tenue au Centre interdisciplinaire de
Herzliya, Alan Dershowitz, professeur à Harvard, a averti Israël
qu´il risque d´avoir à se débrouiller seul, à l´avenir. Il s´est
appuyé, pour étayer ses propos, sur quatre événements récents
qui, selon lui, pourraient causer une tempête de force I dans les
relations très étroites, ceci mis à part, entre les USA et Israël.
Israël doit se tenir prêt à perdre le soutien de l´Amérique,
dans les années à venir, sur les plans tant diplomatique qu´économique.
Mon message, en direction d´Israël, est le suivant: Soyez forts,
et soyez prêts à vous démerder tout seuls.(4)
La technique de diabolisation de l´autre avant de l´attaquer est
toujours la même. Témoignant devant la commission sénatoriale
sur les relations avec l´étranger, Zbigniew Brzezinski,
conseiller à la sécurité nationale du président Jimmy Carter,
a émis une critique acerbe de la guerre en Irak et averti que la
politique de l´Administration Bush menait inexorablement à la
guerre avec l´Iran.
L’impatience d’Israël
On se souvient que Brzezinski, s´était opposé à l´invasion de
l´Irak en mars 2003 et a publiquement dénoncé la guerre comme
étant une erreur monumentale de politique étrangère. Il a attiré
l´attention des sénateurs sur un reportage du New York Times,
paru le 27 mars 2006, concernant une rencontre privée entre le président
et le Premier ministre, Tony Blair, deux mois avant la guerre.
Dans l´article, a affirmé Brzezinski, on cite le président qui
déclare être inquiet du fait qu´il risque de ne pas y avoir d´armes
de destruction massive à trouver en Irak, et qu´il est nécessaire
de réfléchir pour trouver d´autres prémisses pour entreprendre
cette action. Confronté à la possibilité de ne pas en trouver
avant l´invasion prévue, M.Bush avait parlé de plusieurs moyens
de provoquer une confrontation. Il a décrit les différents
moyens de le faire.(5)
Enfin, dernière intoxication, Israël a démenti, samedi 24 février,
les allégations selon lesquelles le pays serait en négociations
avec les autorités américaines sur une permission pour un couloir
aérien au-dessus de l´Irak dans les préparatifs d´un plan
visant à attaquer les installations nucléaires de l´Iran, a
rapporté le quotidien Yedioth Ahronoth. Le journal britannique
Daily Telegraph a rapporté, samedi matin, qu´Israël menait des
négociations avec les Etats-Unis sur une permission pour survoler
l´Irak, au cas où l´Etat hébreu lancerait des raids aériens
sur les installations nucléaires de l´Iran. Le seul moyen de
faire cela est de survoler l´espace aérien contrôlé par les
Etats-Unis, a indiqué le Daily Telegraph, citant un haut
responsable du ministère israélien de la Défense.(6).
Aux dernières nouvelles, et alors même que les Six sont réunis
à Londres pour discuter de nouvelles sanctions contre Téhéran,
l´Iran est prêt à examiner positivement une demande
officielle de négociations de la part de Washington, mais rejette
la condition préalable de la suspension de l´enrichissement d´uranium,
a déclaré lundi, 26 février, Ali Larijani, secrétaire du
Conseil suprême de la sécurité nationale. Nous verrons si la
paix sera au rendez-vous.
1.Lucio Manisco: Iran. Plans de guerre de Georges Bush pour mettre
en déroute l´ennemi il manifesto. 21 janvier 2007
2.Gary Leupp -Counterpunch. Accuser l´Iran de génocide
avant de l´atomiser. Info-palestine.net Dimanche 11 Février 2007
3.Pepe Escobar: Wa3ad Traduction: MR pour ISM Mardi 13 Février
2007.
4.Alan Dershowitz Traduit de l´anglais par Marcel Charbonnier
ww.herzliyaconference.org/Eng/ArticleID=1638&CategoryID=230.
5.Brzezinski: Déposition devant le Sénat: 2 février 2007
wsws.org
6.Agence Xinhua 25 Février 2007 http://www.alterinfo.net/index.php?action=572271
Publié avec l'aimable autorisation de l'Expression
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