Le Web de l'Humanité
Bush
en flagrant délit de mensonge, acte 2
Bruno Odent
George W. Bush
Mercredi
5 décembre 2007 États-Unis
. Un rapport des services de renseignement souligne que Téhéran
n’est pas sur le point de disposer d’armes de destruction
massives à l’inverse des allégations du président.
Le rapport d’évaluation du renseignement national (National
Intelligence Estimates, NIE) sur la réalité de la menace nucléaire
iranienne, rendu public lundi, constitue un nouveau constat de
flagrant délit de mensonge du président George W. Bush. Les
conclusions de ce texte, qui émane des travaux de seize agences
dont la CIA, sont en effet en contradiction avec les allégations
de la Maison-Blanche, arguant que Téhéran était sur le point de
posséder des armes de destruction massive pour renforcer les
sanctions internationales et préparer l’opinion à des frappes,
dès l’an prochain, contre ce pays.
Les services états-uniens soulignent en effet qu’ils
disposent d’informations de caractère « hautement fiable »
sur « l’interruption du programme d’armement nucléaire
de l’Iran en 2003 » et affirment même que Téhéran ne
l’aurait pas repris depuis lors. Le constat des services US
rejoint celui de l’ aiea.
Les agences de renseignements ne balayent pas totalement pour
autant d’un revers de main le risque que l’Iran ne puisse, un
jour, décider d’accéder à la bombe atomique, mais cela ne
serait pas possible, compte tenu des contraintes industrielles et
technologiques, avant 2013, estime le bureau de recherche du département
d’État pour le renseignement, l’une des seize organisations.
Et toutes les autres concèdent que l’Iran pourrait ne pas
disposer de suffisamment d’uranium enrichi jusqu’après 2015.
Cette évaluation semble concorder avec celle de Mohamed El
Baradaï, directeur général de l’Agence internationale de l’énergie
atomique (AIEA), dont les déclarations ont alimenté, on s’en
souvient, une très dure polémique avec la Maison-Blanche sur le
thème de l’imminence ou non du danger nucléaire iranien.
L’administration US n’avait cessé de s’inscrire en faux
contre la moindre conclusion des inspecteurs de l’agence
onusienne, laissant percevoir une réalité iranienne bien moins
alarmante que ne le suggérait sa rhétorique, au fil du temps, de
plus en plus va-t-en-guerre. Début novembre George W. Bush déclarait
ainsi : « Si vous voulez éviter la troisième guerre
mondiale, il semble évident qu’il faille prendre des mesures
pour les empêcher d’accéder aux connaissances nécessaires
pour faire une arme nucléaire. » Et le vice-président
Cheney, l’un des théoriciens de la « guerre préventive »,
chère aux néoconservateurs, de renchérir quelque temps plus
tard promettant « de sérieuses conséquences au
gouvernement de Téhéran » s’il n’abandonnait pas son
programme nucléaire. Sans donner plus de précision sur la qualité
civile ou militaire dudit programme.
Dans l’entourage du président on a bien tenté aussitôt
d’allumer un contre-feu en expliquant que la décision iranienne
d’arrêter son programme nucléaire militaire en 2003 prouvait
finalement l’utilité « des pressions » les plus
rudes contre Téhéran. Et le conseiller à la sécurité
nationale de George W. Bush, Stephen Hadley, a beau préciser
aussitôt, en s’appuyant sur l’option du rapport évoquant une
toujours possible reprise de la course à la bombe côté iranien,
que tout cela demeure « un grave problème », il reste
que la crédibilité du président est une nouvelle fois atteinte.
L’affaire rappelle en effet par trop le précédent du
mensonge d’État sur les armes de destruction massive dont se
serait doté Saddam Hussein, mensonge qui servit à déclencher la
guerre contre l’Irak. Il est difficile de croire que Bush
ignorait tout des informations rendues publiques aujourd’hui. Et
pourtant, il y a deux ans, la « sécurité nationale »,
conseil stratégique qu’il préside à la Maison-Blanche, avait
rendu publiques des conclusions diamétralement opposées en
s’appuyant sur des informations des… services.
Aux États-Unis ce nouveau scandale devrait accentuer encore la
formidable crise de confiance qui touche l’exécutif.
L’opposition démocrate, qui se montrait jusqu’alors plutôt
consensuelle sur l’Iran, a réagi, cette fois, en demandant par
la voix de Nancy Pelosi, la présidente de la Chambre des représentants,
« une nouvelle politique à l’égard de Téhéran ».
L’irresponsable suivisme de Sarkozy sur ce dossier
Ces révélations filtrant aujourd’hui des coulisses du
pouvoir à Washington montrent sans doute à quel point les
dissensions sont devenues importantes au sein même de
l’administration républicaine. Une aile plus « pragmatique »,
désireuse d’arrêter les frais de l’aventurisme des néoconservateurs,
jadis omniprésents dans l’entourage du président - alors
qu’ils ne sont plus représentés aujourd’hui que par le
vice-président Cheney -, semble prendre le pas.
Au plan international le renforcement des sanctions contre l’Iran
que Washington comptait bien obtenir lors de la toute prochaine réunion
du Conseil de sécurité paraît aujourd’hui bien plus
improbable tant les réticences déjà perceptibles de la Chine et
de la Russie se trouvent désormais confortées. Seul Tel-Aviv a réagi
hier, sans surprise en jusqu’au-boutiste d’une intervention
militaire, contestant la validité même d’un rapport établi
« dans un environnement de trop grande incertitude ».
Et on mesurera, au passage, l’irresponsabilité de Nicolas
Sarkozy, d’avoir engagé la France en alliée aveugle de
Washington sur ce dossier.
© Journal l'Humanité
Publié le 30 novembre avec l'aimable autorisation de l'Humanité.
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