Alors que les morts
britanniques et américains s’accumulent
Le Pentagone ordonne le déploiement
de 14 000 soldats de la Garde nationale en Irak
Patrick Martin
7 avril 2007
Les autorités militaires
américaines ont révélé que des milliers de soldats
additionnels de la Garde nationale ont été appelés à servir en
Irak pour y être déployés au courant des trois prochaines années.
L’annonce a coïncidé avec des reportages signalant que douze
autres soldats américains et britanniques avaient été tués en
trois jours dans ce pays ravagé par la guerre.
Tant le grand nombre de
victimes que l’annonce que des unités de la Garde nationale
devront se rendre en Irak pour une seconde fois soulèvent l’état
de plus en plus précaire de l’occupation militaire de l’Irak
par les Etats-Unis. Même le plus servile allié américain, le
gouvernement du premier ministre Tony Blair, n’augmente pas,
mais réduit le nombre de ses soldats en Irak.
Huit soldats américains et quatre soldats
britanniques ont été tués dans des incidents qui ont eu lieu
mardi, mercredi et jeudi. Sept des soldats américains ont été
tués à Bagdad ou dans ses environs. Les autres décès ont eu
lieu dans la province de Diyala, une région au nord de la
capitale où l'on trouve une population mixte sunnite, chiite et
kurde. Au cours des seuls six premiers jours d'avril, il y a eu 18
morts dans les forces américaines.
Le nombre total d'Américains morts en Irak
frise les 3 300, mais des unités particulières ont été
touchées plus durement que ce nombre pourrait laisser supposer.
Un long reportage publié dans le New York Times du 2 avril
sur les conditions que l'on trouve dans la province de Dilya décrivait
le bataillon interarmes 1-12, une unité de combat américaine de
près de mille personnes dont 21 sont décédées et 93 blessées
depuis son arrivée dans la ville de Baquba en novembre dernier.
Ces chiffres signifient que plus d’une personne sur dix a été
soit tuée, soit blessée, sur une période qui ne fait pas la
moitié d'un temps prévu du déploiement du bataillon.
Cette semaine, un hélicoptère s'est écrasé
près de la ville de Latifiya, à vingt-cinq kilomètres au sud du
Bagdad, dans un des bastions des guérilleros de la résistance
sunnite à l'occupation. Quatre soldats américains ont été
blessés, mais aucun ne fut tué. Les responsables américains ont
nié que l'hélicoptère a été abattu, déclarant que l'incident
avait été causé par une défaillance mécanique, mais des déclarations
semblables se sont révélées fausses par le passé.
C'était le neuvième hélicoptère américain
abattu ou qui s'écrasait depuis le 20 janvier, une augmentation
importante par rapport aux années précédentes et une indication
que les insurgés sont mieux armés ou plus efficaces. A ce taux,
les forces d’occupation pourraient perdre de 40 à 50 hélicoptères
cette année.
Trois postes de sécurité basés dans des
quartiers de Bagdad et où se trouvent des unités irakiennes et
américaines ont été attaqués jeudi dans ce qui pourrait avoir
été des actions coordonnées. Une voiture piégée a explosé au
poste de Khadra alors que les postes de Sadr City et de Mansour étaient
pilonnés au mortier.
Les postes de sécurité sont la clé de voûte
de la stratégie « d’intensification » mise en œuvre
par le nouveau commandant américain, le général David Petraeus,
dans laquelle les troupes américaines doivent quitter leurs
vastes bases fortifiées et se déployer dans des postes plus vulnérables
dans des quartiers densément peuplés de la capitale.
Un poste de l’armée irakienne situé près
d’une prison dans le village de Zinzala, à 30 kilomètres à
l’ouest de Mossoul, a été perdu aux mains des insurgés et les
dix soldats que comptait la garnison auraient été tués selon
les officiels irakiens.
Les quatre soldats britanniques, dont deux
étaient des femmes, ont été tués lors d’un même incident,
lorsqu’une bombe a fait exploser un véhicule blindé
britannique. Un interprète a aussi été tué au même moment.
L’explosion est survenue au cours d’un combat entre les
troupes britanniques et une milice chiite dans le district de
Hayaniyah, à l’ouest de la ville irakienne de Basra.
Les deux femmes soldats faisaient partie
d’unités médicale et de renseignement. Il semblerait que la
patrouille britannique menait une opération des services de
renseignement à la recherche d’une cache d’armes. Aucunes
armes ne furent trouvées et l’unité fut par la suite embusquée
par des insurgés qui l’ont attaquée avec des armes de poing et
des grenades propulsées par fusées. Alors que les soldats
tentaient de retraiter vers Basra, ils sont tombés sur l’engin
explosif improvisé, qui a laissé un large cratère dans la
route, détruisant un véhicule blindé et causant des dommages à
un deuxième.
Des images de l’incident montrent des
Irakiens célébrant la destruction du véhicule blindé
britannique, alors qu’un homme brandit un casque de camouflage
de l’armée britannique, d’autres sourient et envoient la
main, et un enfant tient dans ses mains une pièce de métal
carbonisée provenant des débris.
Deux autres soldats britanniques ont été
tués le 1 et le 2 avril, portant le total des victimes à six
pour la semaine, un nombre particulièrement élevé pour une
force qui a perdu 140 soldats en quatre ans de guerre et
d’occupation.
Un officiel du Pentagone dont l’identité
n’a pas été dévoilée par les médias a annoncé vendredi que
quatre brigades de la Garde nationale, chacune constituée environ
de 3 550 soldats, allaient être déployées en Irak de
janvier 2008 à 2010.
Les déploiements violeront une politique de
longue date selon laquelle les troupes de la Garde nationale, une
composante clé de réserve de l’armée, doivent demeurer cinq
ans au pays pour chaque année de mobilisation. Cette politique a
empêché l’envoi de troupes de la Garde nationale pour un
second déploiement en Irak, alors que beaucoup d’unités de
l’armée régulière en sont à leur troisième et même quatrième
déploiement.
Le secrétaire à la Défense, Robert Gates
n’a pas encore officiellement signé l’ordre qui établira précisément
quelles unités de la Garde nationale vont être intégrées dans
la rotation régulière de remplacement des unités de l’armée
revenant d’Irak.
Les troupes de la Garde nationale ne feront
pas partie du nouveau déploiement étendu des forces américaines
sur Bagdad, l’offensive « continue » annoncée par
Bush en janvier. Ils ne seront probablement pas déployés avant décembre
de cette année. Près des trois quarts de la Garde
nationale — 270 000 sur 350 000 — ont déjà été déployés
en Afghanistan ou en Irak depuis le commencement de ces guerres.
Jeudi, Gates a dit que le Pentagone adhérait
toujours à la politique d’un an de service suivi de cinq ans au
pays pour les unités de la Garde nationale, mais il a ajouté
qu’il y aurait une période de transition durant laquelle ces
directives seraient violées en raison des besoins en troupes en
Afghanistan et en Irak.
Plus tôt cette semaine, le Pentagone a
annoncé qu’il coupait court aux assignations de deux unités
militaires par des états américains et qu’il les renvoyait en
Irak après moins d’un an au pays. Les troupes affectées étaient
des unités du quartier général de la 4e division d’infanterie
basée à Fort Hood, au Texas et de la 1ère brigade d’équipe
de combat de la 10e division de montagne (10th Mountain Division)
de Fort Drum, New York.
Alors que cette action viole la politique établie
de donner aux unités régulières deux ans au pays pour chaque
année passée en Irak, un officiel du Pentagone reprenait les
remarques de Gates concernant la Garde nationale, disant, « Lorsqu’un
pays est en guerre, il n’est pas toujours possible de suivre les
objectifs que nous nous sommes fixés. »
Deux autres unités ont vu leur séjour en
Irak prolongé. La 2e brigade d’équipe de combats de la 82e
division aéroportée, déployée à Bagdad dans le cadre de
l’intensification, restera en Irak une année complète, au lieu
des 9 mois initialement annoncés. Le quartier général de la 25e
division d’infanterie, dont le retour à Hawaii était prévu en
juillet, restera en Irak jusqu’en septembre.
Vendredi, Gates a fait des commentaires sur
l’incertitude grandissante quant au succès de l’offensive de
Bagdad, disant que les commandants ne pourront pas en évaluer le
résultat avant au moins le milieu de l’été. Il ne soutient
plus que les troupes déployées dans le cadre de l’offensive
pourraient revenir d’Irak avant Noël et n’a pas contredit
l’affirmation du Lt. Gen. Raymond T. Odierno, le principal
adjoint de Petraeus, selon laquelle les forces armées américaines
allaient devoir maintenir un niveau de troupes plus élevé au
moins jusqu’au début de 2008.
(Article original paru le 7 avril)
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