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Nouvelles d'Irak
Piège électoral en Irak
Gilles Munier
Gilles Munier
Mardi 2 mars 2010
Le 7 mars prochain, les Irakiens auront le choix entre voter
pour des candidats manipulés par l’Iran ou la CIA - à
quelques exceptions près bien sûr - … ou s’abstenir. La
chasse aux patriotes lancée par le Comité pour l’Intégrité
et la Justice (CIJ) – pro-iranien - a relégué au second
plan les préoccupations des Irakiens que sont la double
occupation du pays, l’insécurité, la corruption et la misère. Le
scrutin ne sera ni plus démocratique ni plus légitime que la
mascarade électorale de janvier 2005 (1).
Le CIJ qui a rayé des listes électorales plus de 511
candidats et 14 partis politiques soupçonnés de sympathie envers
le parti Baas (2), mène campagne pour purger la société
de tous ceux qui rappellent l’époque de Saddam Hussein. Qui sait
que plus de la moitié des candidats interdits de se présenter
aux législatives sont « chiites », comme le sont la
plupart des dirigeants désignés par le jeu de cartes du
Pentagone (3)? En Irak, le chiisme n’est pas menacé,
quoi qu’en disent les agents de Téhéran. Seules sont en cause
les pratiques introduites à partir du 16ème siècle
dans le chiisme duodécimain par la dynastie perse safavide, qui
permettent aux mollahs khomeynistes d’instrumenter les adeptes
de leur secte pour exporter leur « révolution » (4).
Ainsi, dans le sud du pays, majoritairement chiite, des conseils
provinciaux ont créé leur propre comité pour exclure les
fonctionnaires chiites qui ne se plient pas aux desiderata
des partis pro-iraniens au pouvoir.
Saleh al-Mutlaq (5), principalement visé par l’Iran,
avait le tort de diriger le Front du dialogue national,
dont les membres sont issus de toutes les couches sociales, sans
distinction d’appartenance religieuse ou ethnique. Le respect
que ses prises de position inspire dans le pays donnait un
vernis nationaliste à la liste Iraqiya, coalition où il
côtoie l’ancien Premier ministre Iyad Allaoui - connu pour
son passé baasiste, puis d’opposant pro-occidental à Saddam
Hussein (6). Iraqiya est créditée, grâce à Mutlaq,
de 22% des suffrages exprimés (7), selon un sondage
réalisé pour Al-Hayat. Zafir al-Ani, autre député
exclu, porte-parole du Front de l’Accord irakien, avait
aggravé son cas il y a quelques mois en s’opposant à l’expulsion
des Moudjahidine du Peuple iranien du camp Ashraf.
La débaasification, cocktail américano-israélo-iranien
Le CIJ qui a succédé au Conseil de débaasification
créé en 2003 par le gouverneur Paul Bremer, est un organisme
conçu avant l’invasion par Salem Chalabi (8), juriste
neveu d’Ahmed Chalabi, chef du Conseil national irakien
(CNI). Salem était à l’époque très lié à Marc Zell (9),
de Zell, Goldberg & Co, « un des cabinets
juridiques d’affaires israélien dont la croissance est la plus
rapide » (10), avec qui il constitua l’Iraqi
International Law Group (IILG) pour introduire les
entreprises israéliennes de sécurité sur le marché irakien. Le
Conseil de débaasification était dirigé par Ahmed
Chalabi et un certain « Jawad » al-Maliki, désigné plus
tard Premier ministre sous le nom de Nouri al-Maliki. Selon Ali
al-Lami, leur porte-parole… et actuel président du CIJ,
150 000 personnes (professeurs, fonctionnaires, policiers)
furent licenciées pour délit d’opinion rien qu’entre mai et
septembre 2003.
Après la mise à l’écart des Chalabi - Salem pour
l’assassinat de Haithem Fadhil, directeur général du ministère
des Finances (11), et Ahmed pour espionnage au profit du Vevak
(le service secret iranien), et fabrication de fausse monnaie
- « Jawad » al-Maliki relança la campagne anti-bassiste
en janvier 2005, juste avant les législatives, en dénonçant la
présence de 15 baasistes sur la liste d’Iyad Allaoui (12).
Nommé Premier ministre en 1986, il fit voter – non sans
difficultés - une nouvelle loi sur la débaasification en
prétendant qu’elle faciliterait la « réconciliation »
entre chiites et sunnites ! 143 députés étaient présents sur
245… 90 l’approuvèrent. Saleh al-Mutlaq avait quitté la salle
avec les députés du Front du dialogue national en signe
de protestation. Le Comité pour l’Intégrité et la Justice
(CIJ) fut créé peu après, mais les parlementaires ne
réussirent jamais à se mettre d’accord sur sa composition. Ali
al-Lami en prit la direction d’autorité, en toute illégalité.
Comme en 2005, la fraude sera massive
Dans le camp pro-iranien, on assiste à une belle empoignade. La
liste « Etat de droit » de Nouri al-Maliki est créditée
de 30% des suffrages, mais n’en cherche pas moins à écraser ses
concurrents de l’ « Alliance nationale irakienne (INA) »,
coalition des partisans d’Ammar al-Hakim et de Moqtada al-Sadr
qui ne dépasserait pas les 17%. Comme en 2005, et lors des
élections régionales (13), des fraudes massives sont à
prévoir. Qasim Daoud, député de la liste chiite INA,
estime à 800 000 le nombre de faux électeurs pro- Maliki,
notamment sur les listes d’expatriés. Il accuse le Premier
ministre d’exclure et de réintégrer des anciens baasistes, selon
son bon vouloir, pour engranger des voix sunnites. Sur le
terrain, des liasses de dinars, des terres et même des armes
sont offertes en fonction de l’importance de l’interlocuteur.
L’Irak n’est malheureusement pas prêt de sortir du chaos
provoqué par le renversement du Président Saddam Hussein.
Notes :
(1)
Lire : La journée des dupes
(Elections législatives de 2005),
par Gilles Munier
http://www.france-irak-actualite.com/pages/legislatives-de-2005-la-mascarade--2599107.html
(2) Les partis interdits de présenter des
candidats sont : Iraqi National
Unity Grouping, Solution Movement, Iraqi Republican Grouping, Al
Rafidayn National Trend, Iraqi Al Sawaid Grouping, Our Sons
Bloc, National Council of the Grouping of Iraqi Tribes, Iraqi
Social Movement, Sad al-Jubouri List, Iraqi Kurdistan Justice
Party, All of Iraq Bloc, People’s Trend, Iraqi Resurrection
Party, et le
National Change Plan.
(3)
Sur le jeu de
cartes distribué aux
GI’s par
le Pentagone figuraient la photo et quelques informations sur
les dirigeants irakiens recherchés par les troupes d’occupation.
(4)
Lire : Le croissant chiite…
safavide, par Gilles Munier
http://www.france-irak-actualite.com/pages/le-croissant-chiite-safavide-5-3-07--1988076.html
(5)
Saleh al-Mutlaq, membre du parti Baas jusqu’en 1978, dirige le
Front du Dialogue irakien
(al-Hiwar al-Watani)
et est l’un des rédacteurs de la nouvelle constitution
irakienne.
(6)
Lire : Iyad Allaoui, du Baas à la
CIA, par Gilles Munier
http://www.france-irak-actualite.com/pages/iyad-allaoui-du-baas-a-la-cia-2608116.html
(7)
En 2005, la liste d’Iyad Allaoui n’avait obtenu que 9% des voix.
Malgré ses relations avec la CIA et le MI6 britannique, de
nombreux Irakiens préfèrent voter pour lui que pour des agents
iraniens, estimant, par expérience, qu’il est plus facile de se
débarrasser ensuite de partisans d’un ennemi lointain
(hier les Mongols)
que de ceux d’un voisin (les
Perses ou les Turcs).
(8)
Rapporteur de « Transition vers
la démocratie », diffusé en
2002 par le Conseil National
Irakien (CNI), groupement
d’opposants constitué par la CIA pour renverser Saddam Hussein.
(9)
Israélien originaire de la colonie sioniste de
Alon Shvut
(Le chêne du retour, en hébreu),
au sud-ouest de Jérusalem. Membre quelque temps du comité
central du Likoud, il a fait campagne pour Benyamin Netanyaou en
1996. C’est un proche de Douglas Feith, ancien sous-secrétaire
d’Etat américain à la défense.
(10)
Zionist settler joins Iraqi to promote trade,
par Brian Whitaker (The Guardian
– 7 octobre 2003)
http://www.guardian.co.uk/world/2003/oct/07/iraq.israel
(11)
Les charges contre Salem Chalabi furent levées en décembre 2004,
après sa démission de la direction du comité chargé d’organiser
le procès du Président Saddam Hussein. Il n’a pas remis les
pieds à Bagdad depuis.
(12)
Allawi Runs With Alleged Baathists,
par Eli Lake (New York Sun –
12/1.05)
(13)
Elections régionales : l’envers du décor,
par Gilles Munier (Afrique Asie
– mars 2009, et AFI-Flash n°89)
http://www.france-irak-actualite.com/pages/elections-regionales-l-envers-du-decor-2664005.html
© G. Munier/X.Jardez
Publié le 2 mars 2010 avec l'aimable
autorisation de Gilles Munier
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