Nouvelles d'Irak
Libye: Saïf
al-islam Kadhafi est un réformateur sincère
Revue de presse
Saïf al-islam Kadhafi
Dimanche 1er mai 2011
Article de Benjamin Barder* - Traduction et
synthèse par Xavière Jardez
Les attaques virulentes, mais compréhensibles, contre Saïf
Kadhafi, fils de Mouammar Kadhafi, qui ont suivi après qu’il eut
épousé la cause de son père, du régime et du clan, dès le début
du soulèvement, ont rendu extrêmement ardues toute initiative
diplomatique en Libye. Ceux qui ont suggéré, il y a six
semaines, qu’il ne serait pas facile de renverser Kadhafi, que
la conséquence la plus probable serait une guerre civile et
tribale longue et une impasse dont le coût en vies humaines
serait élevé, ont été ridiculisés comme des individus désireux
de voir s’accomplir ce qu’ils prédisaient.
Tripoli n’est pas un autre Le Caire
Mais, nos prédictions se sont avérées plus juste que celles des
naïfs excentriques qui insistaient pour dire que Tripoli était
un autre le Caire et que la démocratie était à portée de
main.
Maintenant que les folles attentes se sont envolées, qu’il est
devenu clair que des fissures existent au sein du clan Kadhafi,
que le président sud-africain Zuma poursuit une solution
pacifique, que le parti de la guerre en France s’est plus ou
moins calmé, une ouverture est là, mais elle dépend de
l’implication de Saïf Kadhafi et de la constatation qu’il ne
peut y avoir de solution militaire et qu’une partition de la
Libye entre Cyrénaïque et Tripolitaine comme ce fut le cas avant
1934 n’est ni faisable ni désirable (1).
Peut-on faire confiance à Saïf Kadhafi ?Les
médias préfèrent les héros ou les vilains mais Saïf Kadhafi
n’est ni l’un ni l’autre. Comme tous les individus pris dans un
tourbillon historique, c’est un homme divisé entre les années de
travail qu’il a passés à des réformes authentiques qui l’ont
mis, certaines fois, en danger, et ses loyautés familiales et
claniques qui l’ont renvoyé au sein d’une famille caractérisée
par la tyrannie politique et le gouvernement d’un père et
dirigeant autocratique.
La Fondation Khadafi
a fait un bon travail
sur les droits de l’homme
Il y a, à peine un an, il a publié un « Manifeste »
devant être publié par Oxford University Press, dans
lequel il demandait l’avènement d’une société civile et d’une
démocratie participative en Libye. Ce Manifeste portait
l’engagement de sortir « des régimes héréditaires, de
l’autorité de la famille, du règne militaire, de la culture
tribale et de l’absence de constitutionnalisme et de la règle de
droit » dans une Libye dotée « d’institutions
politiques stables et d’un système de lois stable ». Il
avait, avec audace, cité le rebelle John Bradshaw qui proclamait
que « se rebeller contre le tyran, c’est obéir à Dieu ».
Cela peut paraître pure hypocrisie aujourd’hui au vu de ce qui
passe en Libye, de ce qui arrive à ceux qui se rebellent. Mais,
cela plaide en faveur de Saïf Kadhafi et de ses tentatives de
réforme: car il a joué un rôle essentiel, il y a quelques
années, en apportant la participation au gouvernement de deux
figures de l’opposition d’aujourd’hui. Mahmoud Jibril a rejoint
Saïf et d’autres sur des travaux de développement
économique avant de devenir l’un des ministres de Kadhafi. Abdul
Jalil fit partie du gouvernement en tant que ministre de la
Justice indépendant et juste, grâce à l’entremise de Saïf
Kadhafi (2).
Et, puis, il y a aussi la Fondation de Saïf dont je fis partie
au sein du Conseil international d’administration et que j’ai
quitté au moment de la révolte en signe de protestation (3).
La Fondation a fait un bon travail sur les droits de l’homme, la
liberté de la presse, la démocratie électronique, la société
civile et la réhabilitation des combattants islamiques dans les
prisons libyennes. Que le travail de la Fondation ait été
nécessaire a été rappelé par Saïf Kadhafi lors de la Conférence
de 2006 de la Jeunesse Nationale Libyenne : « Nous n’avons
pas de presse libre. Il n’y a pas de presse du tout. Nous nous
leurrons quand nous disons avoir une presse. La Libye a-t-elle
l’autorité du peuple et une démocratie directe réellement ?...
Tout ce que vous tous savez, c’est que le système démocratique
dont nous rêvons n’existe pas en réalité ». Saïf continue
de travailler pour la libération de journalistes capturés et
pour contrebalancer l’influence de ses frères Mutassin (chef
de la sécurité) et Khamis (commandant une brigade de la
mort) (4).
Saif, démocrate authentique
et nationaliste libyen
L’an dernier, justement, la Carnegie Endowment for
International Peace (5) écrivait : « Pour un peu plus
d’une décade, le fils de Kadhafi, Saïf, a été le visage connu de
la réforme des droits de l’homme en Libye et la Fondation
Kadhafi a été la seule adresse que nous ayons pour les cas de
torture, de détention arbitraire et de disparitions ».
Rien de ceci n’excuse les dernières actions de Saïf dans la
présente crise, mais cela, en fait, présume qu’une
diplomatie tranquille vaut la peine d’être poursuivie afin de
mettre un terme à la violence actuelle et la guerre civile.
Après tout, Saïf Kadhafi a refusé un poste important dans le
gouvernement sauf si ce poste était sanctionné par des élections
libres. Tout rôle ne pourrait, à l’heure actuelle, n’être que
temporaire, qu’intérimaire dans l’attente du départ de son père
et des réformes constitutionnelles, conduisant à des élections
libres, qu’il a présentées. En l’absence d’une participation de
Saïf, ni lui, ni sa famille n’ont d’autre issue que – comme Saïf
l’a déclaré, avec un sinistre à-propos, il y a quelques semaines
- « que vivre et mourir pour la Libye ».
Saïf a mis à mal la bonne volonté et la confiance qu’il avait
engrangées depuis cinq ans. La seule manière qu’il a de se
justifier est de mettre fin à la violente guerre civile et de
mettre en place une transition démocratique, pacifique, où son
père n’aurait aucun rôle actif. Je crois toujours que, parmi les
voix conflictuelles qui agitent l’âme torturée de Saïf, il y a
celle d’un démocrate authentique et d’un nationaliste libyen.
Mais d’autres doivent ouvrir la porte de telle sorte que Saïf
puisse, si tel est son choix, entrer et re-épouser les réformes
qu’il a abandonnées à un coût terrible pour lui et son pays.
*
Source : There's a real reformer inside Gaddafi's son,
par Benjamin Barder (Mail&Guardian on line - 18/4/11).
http://mg.co.za/article/2011-04-18-theres-a-real-reformer-inside-gaddafis-son
Notes (par France-Irak Actualité) :
Benjamin Barber est directeur de recherche - senior
fellow - de Demos, un think tank
anglo-saxon spécialisé dans l'innovation sociale, proche de Tony
Blair et de la « gauche » étasunienne. Le sénateur de
Chicago Barack Obama en a été membre. Demos préconise,
entre autre, une « infiltration cognitive » des sites
Internet dits conspirationnistes, tout en reconnaissant que « certaines
théories du complot se sont révélées vraies », les
gouvernements ayant « parfois trompé la population pour
favoriser certains intérêts cachés ou non déclarés ».
Benjamin Barber a été titulaire de la chaire de civilisation
américaine à l'Ecole des hautes études en sciences
sociales de Paris (1991-1992). Il a été décoré de
la médaille de chevalier de l’Ordre des Palmes académiques en
2001.
(1)
La Libye regroupe trois anciennes provinces de l’empire
Ottoman : la Cyrénaïque, la Tripolitaine et le Fezzan,
attribuées à l’Italie, en 1912, par le Traité de Lausanne. Il
s’ensuivit une guerre de libération particulièrement sanglante.
Après la victoire des Alliés, Idriss al-Senoussi, réfugié au
Caire, fut confirmé par les Britanniques émir de Cyrénaïque,
puis couronné, à leur instigation, roi de Libye en 1951. Le
colonel Kadhafi, à la tête des
Officiers libres, le destitua
le 1er
septembre 1969 et proclama la République.
(2)
Abdul Jalil et Mahmoud Jibril sont respectivement président et
chef du « gouvernement »
du Conseil
national de transition (CNT)
qui n’est autre qu’une coalition tribale. Ils ont, tous les
deux, été reçus par Nicolas Sarkozy. Pour Saïf al-islam, dont
ils étaient proches, ce sont des
« traîtres et des espions »
à la solde des Occidentaux. Dans un câble diplomatique révélé
par WikiLeaks,
Abdel Jalil était qualifié par les Américains d’
« ouvert et coopératif ».
(3)
Benjamin Barber, ancien conseiller politique de Bill Clinton,
est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont Strong
Democracy
et Jihad vs. McWorld.
Le 22 février 2011, il a démissionné de la
Fondation
internationale Kadhafi pour le
développement, créée en 1997
par Saïf al-islam, pour protester contre la répression du
soulèvement organisé à Benghazi.
(4)
Khamis Kadhafi commande en fait la 32ème
brigade, corps d’élite de l’armée libyenne.
(5)
Fondée en 1910, la Carnegie
Endowment for International
Peace est
un des think tanks
les plus riches des Etats-Unis. Elle est très active dans le
domaine des affaires étrangères. Ses présidents ayant souvent
été des responsables des services secrets américains, la
Fondation
Carnégie est considérée comme
un « cheval de Troie de la CIA ».
© G. Munier/X.Jardez
Publié le 1er mai 2011 avec l'aimable
autorisation de Gilles Munier
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