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Birmanie
Myanmar: « Nous sommes
définitivement habitués à surmonter les épreuves »
Un bébé pleure dans les bras de son père à Dedaye,
à une cinquantaine de kilomètres au sud de Yangon
Photo:
KHIN MAUNG WIN/AFP Photo/IRIN
YANGON, 15 mai 2008 (IRIN)
Tandis que le monde observe, sans en croire ses
yeux, d’épouvantables images de régions dévastées et de cadavres
flottants, les habitants de Kun Gyan Gon, une municipalité
située à 55 kilomètres au sud de Yangon, la plus grande ville du
Myanmar, et à huit kilomètres de la mer, ne voient guère d’aide
à l’horizon.
Les 20 000 foyers de la ville ont été gravement frappés par le
cyclone : pas une case n’a été épargnée. Sandar, qui vit dans un
petit village situé à quatre kilomètres de Kun Gyan Gon, garde
un souvenir cuisant de cette épreuve.
« Il était environ huit heures du soir [le 2 mai] quand un
cocotier s’est abattu sur notre maison », a-t-elle raconté. «
Nous avons dû partir chercher refuge ailleurs. Les gens de mon
village formaient des groupes et se tenaient la main pour ne pas
être séparés ou ne pas se perdre. Il faisait très sombre ; ça
faisait peur ».
« Nous avons réussi à nous rendre jusqu’à une [autre] maison,
mais là aussi, nous n’étions pas en sécurité ; il fallait
repartir. Puis, vers 10 heures du soir, l’eau s’est engouffrée
et en 20 minutes, j’en avais jusqu’au menton ».
« Le courant était très fort, il faisait nuit noire, on ne
savait pas où on allait. On criait, mais on ne parvenait pas à
s’entendre en nous frayant un chemin dans l’eau. Et puis la
chaîne s’est rompue, j’ai d’abord perdu ma mère de 93 ans, et le
jeune homme qui la transportait sur son dos, puis la jeune fille
à mes côtés qui m’aidait en portant mon fils m’a lâché [la main]
elle portait mon fils parce que moi, j’étais trop épuisée.
« Je suis devenue folle, il faisait noir, je n’arrivais pas à
les trouver, le courant était tellement fort que je l’ai perdu.
Il a disparu. J’ai mis deux heures pour arriver jusqu’à un
monastère ; une fois sur place, je ne me souviens plus de rien,
je me suis évanouie ».
« Lorsque le jour s’est levé, je suis allée au monastère de mon
frère, en ville, et c’est là que j’ai retrouvé mon fils. Il
avait été sauvé par la jeune fille, Mya San Yin, qui est partie
à Yangon, maintenant [...] c’est un miracle, j’ai tellement de
chance ; même ma mère a été amenée ici, alors nous sommes tous à
nouveau réunis ».
La puanteur de la mort, partout
Sandar a eu de la chance, mais en chemin vers un village situé à
quatre kilomètres de là, on peut apercevoir des cadavres encore
visibles, au bord de la route, à la lisière de la ville. Deux
buffles attachés ensemble pourrissent, d’autres carcasses sont
visibles, dont les sabots dépassent de liens en bambou, et la
puanteur écoeurante de la mort s’élève de toute part.
Les survivants du cyclone Nargis attendent de l'aide
Photo: AFP Photo/IRIN
Dans le village suivant, le seul bâtiment
encore debout est le monastère, qui sert de refuge à environ 250
personnes. Les infirmiers et les médecins du ministère de la
Santé sont arrivés, escortés par l’armée, pour s’occuper des
blessés et distribuer du matériel sanitaire.
Au retour, nous avons pris un jeune lieutenant en stop. «
L’armée fait de son mieux », a-t-il dit, visiblement bouleversé.
« Je n’arrive pas à croire qu’il y ait autant de morts », a-t-il
ajouté, se couvrant le nez pour ne pas respirer l’odeur
pestilentielle.
« Je me sens mal : j’ai vu des gens se noyer devant mes yeux,
mais comme je ne sais pas nager, je n’ai pas pu les sauver », a
dit le jeune homme.
De retour en ville, l’armée s’est installée dans un édifice
surmonté d’une moitié de toit, et flanqué de bannières indiquant
son rôle de centre de santé et d’approvisionnement.
Des gardes armés se tiennent tout autour du bâtiment, où
traînent ça et là quelques réserves de riz et d’huile, et des
rouleaux de bâche ; quant au colonel, il est assailli par les
aînés du village, qui réclament du matériel.
« Nous avons besoin de riz. De l’eau, nous en avons assez : les
camions des sapeurs-pompiers distribuent de l’eau salubre. A ce
que nous savons, le bilan des morts s’élève à ce jour à 700, et
1 000 personnes sont portées disparues [dans la région] »,
a-t-il indiqué.
Aujourd’hui, l’armée a l’occasion de redorer son blason, mais
c’est une opportunité qu’il faut saisir vite.
Comme l’a dit un porte-parole des Nations Unies à Bangkok, « il
y a une fenêtre d’opportunité de 10 jours ; après cela, une
nouvelle vague de décès va survenir, en raison de l’exposition
[des populations aux maladies] et des épidémies ».
Selon un jeune médecin, la question de la diarrhée sera
problématique, mais les équipes médicales n’ont pas encore
achevé leur état des lieux, entravé par le délabrement des
routes et leur incapacité à se rendre dans certaines régions.
Néanmoins, a-t-il dit, « les populations peuvent être plus
résistantes que les virus ; en Birmanie, nous
sommes définitivement habitués à surmonter des épreuves ».
En attendant, le journal New Light of Myanmar a rapporté que le
Général et Premier ministre Thein Sein s’était rendu dans les
régions touchées et avait donné 20 télévisions, 10 lecteurs DVD
et 10 récepteurs satellites au président du Conseil d’Etat pour
la paix et le développement, au pouvoir dans la division de
l’Irrawaddy.
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