Syrie
Réponse de la Syrie au 9ème
rapport de la Commission d'enquête
internationale sur les violations des
droits de l'homme
Bachar al-Jaafari
Photo:
D.R.
Mardi 24 février 2015
COMMUNIQUÉ DU Dr
BACHAR AL-JAAFARI
Bonjour Mesdames
et Messieurs,
Vous venez
d’écouter, comme moi, l’Ambassadeur
britannique [1]
censé devenir le prochain Président
du Conseil de
sécurité. Il vous a parlé
de la réunion
informelle
de la Commission d’enquête
internationale sur les violations des
droits de l’homme en Syrie. Je fais
remarquer et souligne qu’il s’agit d’une
réunion informelle, parce qu’elle a eu
lieu en dehors du Conseil de sécurité
et, par conséquent, ne représente que le
point de vue de celui qui s’exprime.
Néanmoins, j’aimerais
faire les remarques suivantes :
Comme vous le savez,
le Gouvernement syrien a toujours
exprimé ses réserves vis-à-vis du
travail entrepris par cette soi-disant
Commission indépendante diligentée par
le Conseil des droits de l'homme. Et
ceci, nous l’avons dit dès le début,
parce qu’elle a été créée à des fins
politiques pour servir l’agenda caché
des manipulateurs et des maîtres du
terrorisme qui frappe la Syrie, son
gouvernement et son peuple.
Une Commission
biaisée dès le début. Elle ne s’est pas
rendue en Syrie. Elle n’a rencontré que
des personnes vivant à l’étranger et se
présentant comme des opposants, tout en
continuant à ignorer tous les rapports
qui lui ont été adressés par le
Gouvernement syrien.
Si vous consultez le
rapport de cette Commission [2],
vous constaterez qu’il ne reflète que
les points de vue des dits opposants se
trouvant à l’extérieur de la Syrie et
dans des camps [de réfugiés, Ndt] en
Turquie, en Jordanie, au Liban et
ailleurs, mais néglige de mentionner le
moindre mot des milliers d’informations
fournies par le Gouvernement syrien
depuis des années ; ce qui, en soi,
indique à quel point elle est biaisée.
C’est pourquoi nous
pensons que cette Commission fait partie
intégrante du problème et non de la
solution qui résoudrait la crise
syrienne. Elle a été utilisée par des
membres influents au Conseil des droits
de l’homme, aussi bien qu’au Conseil de
sécurité, pour nuire au Gouvernement
syrien et diaboliser ses actions, alors
qu’il fait face à la guerre menée contre
lui, contre la Syrie et le peuple
syrien, depuis quatre ans.
Avant de nous engager
dans l’exercice des questions /
réponses, j’aimerais vous montrer
quelque chose de très utile et de très
instructif. Ceci est un registre de 500
pages, un registre inhabituel élaboré
par les autorités syriennes et listant
les terroristes tués en Syrie, pour le
seul mois d’Octobre 2013 ; des
terroristes étrangers uniquement, avec
leurs photos, leurs noms, leurs
nationalités. Certains d’entre eux ont
peut-être été utilisés comme témoins
contre le Gouvernement syrien. Beaucoup
sont arrivés de Jordanie qui assure,
comme vous le savez, la présidence du
Conseil des droits de l’Homme. Beaucoup
sont arrivés d’Arabie saoudite, de
Libye, de Tunisie, du Pakistan,
d’Afghanistan, d’Australie, des USA, de
Grande Bretagne, de France, de Belgique,
d’Allemagne, d’Italie, du Qatar, des
Émirats arabes unis, du Koweït, du
Turkménistan, de Lituanie, du Burkina
Faso, du Nigéria, d’Égypte, du Canada…
des Palestiniens par hasard, des
Libanais…
Ceux-là sont des
opposants syriens. Tous des étrangers.
Des étrangers que les USA qualifient
d’ « opposition syrienne modérée ». Ils
sont Australiens, mais ce sont des
opposants syriens modérés. Que cela vous
plaise ou non, c’est ainsi que les USA
vous les présentent ! Ceux-là sont les
représentants de l’opposition syrienne
légitime, démocratique et pacifique !
Ils sont peut-être pakistanais, mais ce
sont des opposants syriens !
Une même méprise
répétée illégitimement et insolemment
par de hauts fonctionnaires de l’ONU,
tel le porte-parole du Secrétaire
général lui-même ; lequel a maintes fois
considéré les terroristes sévissant dans
le Golan syrien -occupé par Israël-
comme des éléments appartenant aux
groupes armés de l’opposition syrienne.
Ceci, alors que nous
savons tous, d’après les rapports du
Conseil de sécurité, que ces individus
sont des terroristes de l’EIIL [État
Islamique en Irak et au Levant] et de
Jabhat al-Nosra ; lesquels ont kidnappé
l’équipe de la FNUOD [Force des Nations
Unies chargée d’observer le
désengagement] sur instructions du
Qatar, leurs blessés étant soignés dans
les hôpitaux israéliens avec l’accord
des autorités israéliennes. Mais le
porte-parole du Secrétaire général
insiste et continue à considérer ces
terroristes comme des groupes
d’opposants syriens armés, en sachant
que leur chef est, comme par hasard, un
Jordanien et ex-bras droit d’Al-Zarqaoui
en Irak.
Par conséquent,
quelque chose ne tourne pas rond ici.
Quelque chose d’hypocrite est entrain de
s’installer quelque part. On cherche à
tromper les membres du Conseil de
sécurité. Certaines personnes influentes
cherchent à tromper les médias et
l’opinion publique. Ils traitent le
Gouvernement syrien et les groupes
terroristes sur un pied d’égalité.
N’est-ce pas là une violation des
résolutions du Conseil de sécurité,
2170, 2178 et 2199 ?
Trois résolutions
très récemment adoptées par le Conseil
de sécurité contre l’EIIL, les
combattants étrangers et Jabhat al-Nosra,
condamnant le parrainage des terroristes
et leur passage à travers la frontière
syro-turque, le vol d’antiquités et
d’artéfacts de l’héritage culturel… Que
fait-on de ces résolutions ? Que fait-on
dans ce Conseil qui devrait appliquer
ses propres termes ?
Nous sommes le seul gouvernement de
cette organisation [ONU] à mettre en
exécution ces trois résolutions. Ce
registre le prouve et en témoigne. Je
vous rappelle une fois de plus que ces
500 pages de photos de terroristes ne
couvrent qu’un seul mois : octobre 2013.
Je pourrais vous montrer des dizaines de
registres similaires sur les opérations
terroristes en Syrie, exécutées selon
les instructions de leurs manipulateurs
et maîtres, lesquels ne sont autres que
certains des membres influents du
Conseil de sécurité et du Conseil des
droits de l’homme.
RÉPONSES AUX QUESTIONS DES JOURNALISTES
1. Est-ce que l’ASL
[Armée Syrienne Libre] et d’autres
groupes supposément modérés font partie
de la liste [3] établie par la Commission
d’enquête ? Pensez-vous à l’ASL lorsque
vous parlez des groupes terroristes
autres que Daech et Jabhat al-Nosra ?
Que pensez-vous de l’accord signé entre
la Turquie et les USA
concernant l’entraînement de
combattants dès mars prochain [4] ?
Vous vous souvenez
sans doute que, selon les estimations du
Pentagone de l’année dernière, 2 000
terroristes appartenant à ces groupes
armés opéraient en Syrie. Ce sont là les
estimations du Pentagone. Ce chiffre a
évidemment augmenté depuis et serait
aujourd’hui d’environ 3000.
Ces groupes de
terroristes armés ne sont pas arrivés en
Syrie en parachute. Ils sont venus
d’Australie, des USA, de France,
d’Arabie saoudite, du Koweït, du Qatar,
de Turquie… Lorsqu’un Australien quitte
Sydney pour se retrouver à Alep,
quelqu’un pourrait-il m’expliquer
comment a-t-il fait pour traverser
toutes les frontières et les pays sur sa
route vers la Syrie ? Comment a-t-il
leurré les Services de renseignement
sans jamais être intercepté ? Comment
ces milliers de terroristes ont-ils pu
venir du monde entier ? Qui les a
envoyés ? Qui les a parrainés ? Qui les
a accueillis dans les aéroports d’Ankara
et d’Istanbul avant de les escorter vers
la frontière syro-turque ? Qui les a
envoyés du Liban et de la Jordanie vers
la Syrie ? Qui sont les victimes de
cette tragique situation ? N’est-ce pas
les Syriens et les Irakiens, et
maintenant les Libyens et les
Égyptiens ?
Je suis sûr que vous avez entendu les
discours tenus hier sur la situation en
Libye, dans cette même enceinte, par les
ministres des Affaires étrangères
libyenne et algérienne. Ils tiennent
pratiquement les mêmes propos que j’ai
tenus il y a 2, 3 et 4 ans. Maintenant,
tout le monde reconnaît l’exactitude et
la véracité de ce que nous disions, mais
certains membres influents au sein de ce
Conseil ne veulent toujours pas les
admettre. Ils ont tort et leur politique
à l’égard de la Syrie est injuste. C’est
une guerre de la terreur menée contre
mon pays.2.
Puis-je vous interroger sur « la liste
secrète » que la Commission d’enquête a
établie et qu’elle pense publier plus
tard ? Craignez-vous que des membres du
gouvernement, de l’Armée et même le
Président syrien, figurent sur cette
liste ?
Toute cette propagande cherche à
diaboliser le gouvernement syrien et à
tromper l’opinion publique. Ils l’ont
fait par le passé et ils referont dans
le futur. Quelle sorte de crédibilité
peut-on accorder à de tels documents,
lorsqu’on sait que le Haut- Commissaire
aux droits de l’homme est jordanien, que
le président de l’ Alliance des
civilisations des Nations unies [5]
est qatari, que le Centre des Nations
Unies pour la lutte contre le terrorisme
est financé par l’Arabie saoudite, et
que le prochain Sommet humanitaire
mondial aura lieu en Turquie [6]
?
Quelle sorte de crédibilité peut-on
accorder à cette organisation lorsqu’on
offre des postes aussi importants et
cruciaux à des personnes dont les
gouvernements sont profondément
impliqués dans les massacres du peuple
syrien ? Voilà ce que je peux vous
répondre.
3. La Commission d’enquête a formulé des
accusations graves contre le
gouvernement syrien, parlant de dizaines
de milliers de détenus soumis à la
torture, selon ses dires. Elle aurait
même dressé des listes de responsables.
Quelle est la réponse du gouvernement
syrien à toutes ces accusations ?
Ces accusations ne
sont pas nouvelles et sont
essentiellement destinées à manipuler
l’opinion publique… [Ici, la question
étant posée en arabe, M. Al-Jaafari à
sans doute juger bon de reprendre les
arguments du communiqué ci-dessus, avant
de poursuivre, NdT]
[…]
La Commission dit
avoir puisé ses témoignages dans les
camps de Jordanie, de Turquie et du
Liban ; lesquels se trouvent sous la
garde des services du renseignement de
ces pays qui les manipulent et décident
de leur destin. Mais, pour nous, toutes
les victimes sont syriennes et la
Commission ne cherche pas à aider le
gouvernement syrien à affronter la
guerre contre les terroristes arrivés de
tous les coins de la terre, pour s’en
prendre au Gouvernement, à l’État et au
Peuple syrien.
La question est : qui
les amènent en Syrie ? Ne viennent-ils
pas pour répondre à l’appel du
wahhabisme salafiste et takfiri,
désormais surnommé Daech ? Leur
structure mentale est d’origine
saoudienne, fondée sur les enseignements
et la pensée du wahhabisme saoudien. On
nous dit qu’ils coupent les têtes,
flagellent les hommes et lapident les
femmes. N’est-ce pas là des pratiques
saoudiennes toujours d’actualité ?
Par conséquent, tous
ces rapports et tout ce que certains
racontent, devant le Conseil de sécurité
et le Conseil des droits de l’Homme, est
destiné à préparer le terrain propice à
une escalade contre le Gouvernement
syrien, maintenant que l’Armée syrienne
avance aussi bien sur le front sud que
sur le front nord. Et, naturellement, il
leur faut agiter les instances
jordaniennes car la bataille dans le Sud
est alimentée par la Jordanie, tandis
que la bataille dans le nord est
alimentée par la Turquie.
Le problème est donc
politique. Nous aurions aimé qu’il
s’agisse d’une question humanitaire, de
droits de l’homme ou de droit
international. Dans ces cas, la
Communauté internationale nous aurait
sans doute aidés puisque nous sommes
autant concernés par ces droits. Des
droits que tout le monde est censé
respecter, mais dont le respect n’est
pas à sens unique. En l’occurrence,
quelqu’un pourrait-il nous convaincre
qu’autoriser la Jordanie, la Turquie et
l’Arabie saoudite à entraîner des
terroristes sur leur sol avant de les
expédier en Syrie, relève du droit
international ? Comment peut-on
concilier ceci et cela ?
4. Il existe des rapports indiquant que
des sommes considérables ont été
allouées aux refugiés. Pouvez-vous nous
en parler, ainsi que des terroristes
rebelles en provenance de Jordanie,
notamment du camp « Al-Zaatari » ?
Des milliards de
dollars ont été collectés par les États
du Golfe et les dites ONG de charité,
mais aussi par des Services de
renseignement, avant d’être expédiés
dans les camps et en territoire syrien,
pour promouvoir les actes terroristes
contre le Gouvernement syrien.
Lequel gouvernement
n’a cessé d’inviter les Syriens de ces
camps à revenir au pays pour qu’il
puisse assumer ses responsabilités,
exactement comme nous le faisons pour
des millions de Syriens déplacés à
l’intérieur de notre territoire. Nous ne
voulons pas voir un seul Syrien vivre
dans ces lieux de viols, de mariages
précoces des fillettes et d’entraînement
pour terroristes. Ce sont des paradis
pour recruter, entraîner et parrainer,
non seulement des éléments syriens, mais
aussi des éléments venant du monde
entier. C’est donc un problème de la
plus haute importance.
Nous ne devons pas
nous focaliser uniquement sur la forme.
Nous devrions nous intéresser aux
motivations des États du Golfe et de
ceux qui, comme les USA et l’UE,
imposent des sanctions contre le peuple
syrien. S’ils étaient vraiment
intéressés par le bien-être de ce
peuple, ils agiraient autrement.
Par conséquent, tous ces gouvernements
font partie intégrante du problème. Ils
ne sont d’aucune aide pour résoudre la
situation humanitaire. Ils ont créé
cette situation et cherchent à égarer
l’opinion publique sur ce qui se passe
réellement en Syrie.
5. Quel serait, selon vous, l’impact de
ces actions menées par la Commission
d’enquête sur l’initiative positive de
De Mistura consistant à obtenir un
cessez-le-feu à Alep ?
Nous attendons que M.
De Mistura revienne à Damas pour
informer le gouvernement syrien sur ses
consultations avec les membres du
Conseil de sécurité. À partir de là,
nous aviserons.
6. Que pensez-vous du
Sommet mondial contre le terrorisme qui
s’est tenu il y a quelques jours à
Washington ?
Un, nous n’avons pas
été invités à y participer. Deux, il a
eu lieu en dehors du cadre des Nations
Unies. Trois, il n’a réuni que certains
États membres. Il n’était donc ni
mondial, ni universel. Il s’agit d’une
conférence semblable à tant d’autres,
telle celle concernant les armes
nucléaires par exemple.
Malheureusement,
l'administration US n’a invité que
certains gouvernements, alors que la
Syrie, l’Irak et d’autres pays, sont
principalement concernés par le
terrorisme qui s’est propagé dans le
monde. Ce contre quoi nous n’avons cessé
de prévenir depuis 2011 au sein même de
ce Conseil, notamment en qui concerne
les activités terroristes en Libye et le
fait qu’un grand nombre de ces armes
s’est finalement retrouvé en Syrie, en
passant par le Liban et la Turquie ; ce
qui a été confirmé par un rapport
spécial du Sous-comité contre le
terrorisme.
Aujourd’hui, tous
disent qu’en Libye c’est le chaos et
qu’il est nécessaire de traiter ce
problème. Nous, nous n’avons cessé de le
dire depuis quatre ans. Résultat : des
milliers de nos citoyens tués par ces
armes en provenance de Libye et par des
terroristes, qualifiés de jihadistes,
arrivés de Libye et de Tunisie via le
Liban et la Turquie.
Dr Bachar
al-Jaafari
Délégué
permanent de la Syrie auprès des Nations
Unies
20/02/2015
Sources :
Conférence de presse du Dr Bachar
al-Jaafari [20 février 2015]
http://webtv.un.org/watch/bashar-ja%E2%80%99afari-syria-on-syria-media-stakeout-20-february-2015/4072766853001
[durée : 24’21’’]
https://www.youtube.com/watch?v=46_bCGtOlhA&app=desktop
[durée : 19’51’’]
Transcription et traduction par Mouna
Alno-Nakhal
Notes :
[1] Mark Lyall Grant (United Kindom) and
commissioners from the Independent
International Commission of Inquiry on
Syria on the human rights situation in
Syria - Media Stakeout (20 February
2015)
http://webtv.un.org/media/watch/mark-lyall-grant-united-kindom-and-commissioners-from-the-independent-international-commission-of-inquiry-on-syria-on-the-human-rights-situation-in-syria-media-stakeout-20-february-2015/4072716546001
[2] Report of the Independent
International Commission of Inquiry on
the Syrian Arab Republic
http://www.ohchr.org/EN/HRBodies/HRC/RegularSessions/Session28/
Documents/A.HRC.28.69_E.doc
http://www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=15594&LangID=E
[3] U.N. Panel Threatens to Name Those
It Accuses of War Crimes in Syria
http://www.nytimes.com/2015/02/21/world/middleeast/un-panel-threatens-to-name-those-it-accuses-of-war-crimes-in-syria.html
[4]
Les Etats-Unis et la Turquie d'accord
pour former et équiper des rebelles
syriens.
http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2015/02/17/les-etats-unis-et-la-turquie-d-accord-pour-former-et-equiper-des-rebelles-syriens_4578429_3218.html
[5] L'Alliance des
civilisations des Nations unies
http://fr.wikipedia.org/wiki/Alliance_des_civilisations
[6] La
Turquie accueillera le tout premier
Sommet Humanitaire Mondial au cours de
la première moitié de l’année 2016.
http://www.mfa.gov.tr/le-sommet-humanitaire-mondial.fr.mfa
Le sommaire de Mouna Alno-Nakhal
Le
dossier Syrie
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