Amnesty International
Les morts survenues lors de manifestations à Bahreïn mettent en
évidence un recours excessif à la force par la police
Mardi 15 février 2011
Amnesty International condamne les tactiques brutales utilisées
par la police antiémeutes de Bahreïn dans la journée de mardi 15
février, après qu’un second décès fut survenu en l’espace de
deux jours dans le contexte de manifestations en faveur d'une
réforme politique dans ce tout petit État du Golfe.
Mardi 15 février en début de journée, Fadhel Ali Matrook se
trouvait parmi la foule de personnes portant le deuil d’Ali
Abdulhadi Mushaima - tué la veille lors d’affrontements entre
manifestants et policiers - lorsqu’il a lui-même été abattu par
la police à Manama, la capitale de Bahreïn. Les policiers
antiémeutes auraient ouvert le feu sur la foule sans sommation
pendant les funérailles.
« Ce deuxième homicide en deux jours est à la fois tragique et
très préoccupant, a déclaré Malcolm Smart, directeur du
programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty
International.
« Les autorités de Bahreïn doivent mener une enquête approfondie
sur ce qui s’est passé, suspendre les policiers qui ont fait feu
et signifier clairement à la police que le recours excessif à la
force ne sera pas toléré.
« Il est par ailleurs urgent de diligenter une enquête
indépendante afin d’établir les faits, et en particulier de
déterminer si le niveau de force utilisé par ces policiers les
14 et 15 février a pu être justifié. »
« Les déclarations faites à Amnesty International par des
témoins oculaires qui étaient présents lorsque les coups de feu
ont été tirés mardi 15 février donnent fortement à penser que la
mort de Fadhel Ali Matrook résulte d'un recours excessif à la
force, auquel cas les policiers responsables doivent être
traduits en justice. »
Plus de 10 000 personnes se seraient jointes, mardi 15 février,
à la procession funèbre en l’honneur d’Ali Abdulhadi Mushaima,
mort la veille lors d’affrontements avec la police antiémeutes
dans le village d’al Daih, à l’est de Manama.
Un témoin a dit à Amnesty International que les policiers ont
ouvert le feu sur les personnes portant son deuil alors que
celles-ci scandaient des slogans critiquant le gouvernement et
demandant l'adoption d'une nouvelle constitution à Bahreïn et un
gouvernement démocratiquement élu.
« Des manifestants pacifiques scandaient " Khalifa dégage ", et
quelques minutes après le départ de la procession nous avons été
attaqués par la police antiémeutes ; les balles ont plu sur ces
manifestants non violents et il y avait du gaz lacrymogène
partout. Plusieurs blessés sont conduits en ce moment-même à
l’hôpital et beaucoup de gens hurlent », a dit Maryam Al Khawaja,
du Centre bahreïnite pour les droits humains, à Amnesty
International.
Fadhel Ali Almatrook a été abattu non loin de l’hôpital d’al
Salmaniya à Manama. D’après la Société des jeunes de Bahreïn
pour les droits de la personne, plus de 20 personnes blessées
par la police antiémeutes ont dû se faire soigner à l’hôpital
lundi 14 février.
Les manifestations de la « journée de la rage », lundi 14
février à Bahreïn, organisées sur Facebook et Twitter et
apparemment inspirées par les troubles en Égypte et en Tunisie,
se sont déroulées principalement dans des villages chiites aux
abords de Manama.
« Comme beaucoup de personnes dans la région, les Bahreïnites
qui estiment que leur dignité a été bafouée exigent un
changement. Les autorités doivent tenir compte de ces appels,
plutôt qu'y répondre par la violence », a poursuivi Malcolm
Smart.
Vendredi 11 février, Amnesty International a mis en relief la
détérioration de la situation des droits à Bahreïn dans son
rapport intitulé Crackdown in Bahrain: human rights at the
crossroads.
L’organisation a demandé au gouvernement de veiller à ce que de
véritables enquêtes soient effectuées sur les allégations de
torture et d’autres graves atteintes aux droits humains
formulées à l’encontre des forces de sécurité.
En août-septembre 2010, les autorités de Bahreïn ont arrêté 23
militants politiques de l’opposition lors d’une descente, puis
les ont placés en détention au secret pendant deux semaines,
période pendant laquelle certains d’entre eux disent avoir été
torturés.
Les autorités ont également restreint la liberté d’expression,
fermant les sites Internet critiques à leur égard et interdisant
les publications d’opposition. Des centaines de personnes ont
été arrêtées ou emprisonnées pour avoir participé à des
manifestations.
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