PALESTINE
Moscou face à Washington
dans le conflit israélo-palestinien
Ziad Medoukh
Mardi 23 mai 2017
Source :
Le Courrier du Maghreb et de l'Orient
Depuis son
intervention militaire et politique
appuyée en Syrie, initiée en 2015, la
Russie tente d’accélérer son retour sur
la scène internationale en s’imposant au
Moyen-Orient, et notamment dans le cadre
du conflit israélo-palestinien, en
proposant sa médiation aux deux parties.
Certes, les
tentatives russes ne sont pas aussi
essentielles que celles des Américaines,
qui sont toujours les médiateurs
privilégiés des Israéliens, mais le
Kremlin pèse néanmoins sur le conflit
israélo-palestinien au travers
d’initiatives diverses, de rencontres,
de visites et de propositions qui visent
à favoriser le rapprochement entre
Palestiniens et Israéliens
La Russie,
désormais, profite de ses bonnes
relations avec les deux camps,
économiques en ce qui concerne Israël,
politiques par rapport aux Palestiniens,
pour convaincre les deux parties
d’avancer dans le processus de paix et
de régler un conflit laissé jusqu’à
présent à la gestion des seuls
Américains et aux Européens en tant que
bailleurs de fonds et garants
économiques.
En 2016 et début
2017, la Russie a accru son activité
dans les territoires palestiniens et en
Israël, multipliant les rencontres,
peut-être en profitant du désengagement
temporaire de Washington de ce dossier à
la faveur de la fin de mandat de Barack
Obama. Face à l’échec des Européens à
relancer le processus de paix, la Russie
a su se positionner dans un contexte
difficile, alors que la dégradation de
la situation dans les territoires
palestiniens, en proie à un soulèvement
populaire spontané face aux surenchères
de l’occupation israélienne, exigeait
l’intervention d’un acteur extérieur
fort capable de sauver ce qu’il restait
encore du processus de paix.
Un autre facteur de
cet intérêt russe pour la Palestine,
c’est que la Russie considère le conflit
israélo-palestinien comme le préalable
de toute solution aux tensions et
conflits qui ébranlent la région et,
plus largement, le Monde arabe. Par
ailleurs, l’intervention russe en Syrie
va forcément prendre fin un jour et la
mainmise russe sur le pays sera rendue
plus difficile par l’arrivée de Donald
Trump à la Maison blanche, mais aussi du
fait des critiques que font entendre
plusieurs États arabes et musulmans
sunnites à propos l’intervention
militaire russe en dans ce pays.
Contrairement aux
Américains, les Russes pourraient
s’imposer dans un rôle primordial dans
le conflit israélo-palestinien, car ils
ont une position à la fois claire et
équilibrée à l’égard des deux parties :
côté israélien, la Russie a signé un
accord de coopération militaire avec
Israël en 2015, pour cinq ans, un accord
renouvelé en 2016 ; côté palestinien,
Moscou a de bons contacts avec presque
toutes les tendances du paysage
politique palestinien.
Dans le cadre de
cette médiation, la Russie, en 2016, a
accueilli à deux reprises le président
de l’Autorité palestinienne, Mahmoud
Abass ; et le premier ministre russe
Dmitri Medvedev a visité à trois
reprises les territoires palestiniens,
entre février 2016 et mars 2017,
témoignant ainsi de son intérêt pour la
question. De même, l’envoyé spécial de
Vladimir Poutine pour le
Moyen-Orient s’est rendu deux fois dans
les territoires palestiniens.
Moscou également
tenté de faire se rencontrer en
tête-à-tête les deux dirigeants Abass et
Benjamin Netanyahou, le premier ministre
israélien, un sommet prévu en octobre
2016 et qui aurait dû avoir lieu dans la
capitale russe, afin de relancer le
processus de paix en plein échec. En
vain, car la rencontre a été
court-circuitée par la tenue d’une
conférence internationale de paix, à
Paris, initiée par l’Union européenne ;
et aussi par l’élection de Donald Trump
à la présidence des États-Unis, lequel a
comme donné un blanc-seing au
gouvernement de Netanyahou, qui s’est
empressé de reprendre la construction de
colonies dans les territoires
palestiniens.
La Russie a même
joué les médiateurs dans le dialogue
inter-palestinien, en favorisant la
rencontre, en mars 2017, à Moscou, des
différentes composantes politiques
palestiniennes, y compris le Hamas et le
Jihad Islamique, pour essayer d’avancer
dans la réconciliation. La tentative ne
fut cependant pas couronnée de succès,
étant en cause la perpétuelle
non-volonté des deux principaux rivaux,
le Fatah et le Hamas, de faire les
concessions nécessaires à un accord.
Cela étant, le fait que toutes les
parties ont accepté l’invitation de
Vladimir Poutine démontre que la Russie
bénéficie du respect et de la confiance
des partis politiques palestiniens.
La position russe a
l’avantage d’être sans ambiguïté : elle
est en faveur de la solution de deux
États, en prenant pleinement en compte
les droits légitimes du peuple
palestinien, dans l’objectif de
promouvoir la paix et la stabilité au
Moyen-Orient.
Les Palestiniens y
sont bien sûr favorables, qui qualifient
la Russie de médiateur plus crédible que
les États-Unis ; les Israéliens, en
revanche, qui comptent sur le soutien
permanent des Américains à leur
politique de colonisation, se montrent
moins réceptifs à l’égard des
initiatives russes ; et d’autant moins
dorénavant que la priorité du président
Trump étant de lutter contre le
terrorisme international, ce dernier n’a
pas plus l’intention de faire pression
sur Israël que les administrations
américaines précédemment.
Et de fait : la
Russie a voté en décembre 2016 au
Conseil de Sécurité de Nations-Unies une
résolution qui dénonçait la colonisation
israélienne ; un vote qui a énervé les
Israéliens, mais fut salué par les
Palestiniens. Ce vote, qui n’est qu’un
premier pas dans la mise en œuvre du
plan russe pour résoudre le conflit,
semble indiquer que Moscou sera fidèle à
ses principes politiques dans la région
et pourrait adopter une attitude de plus
en plus ferme à l’égard d’Israël.
Il est bien évident
que la Russie ne dispose pas d’une
baguette magique qui lui permettrait de
résoudre en un tour la question
israélo-palestinienne qui s’éternise
depuis près de 70 ans…
Néanmoins, la
volonté de Vladimir Poutine de restaurer
la puissance russe sur le plan
international qui n’a de cesse de
s’amplifier depuis les années 2000
pourrait bien avoir trouvé en Palestine
un nouveau terrain où s’affirmer, voire
un moyen de contrarier les intérêts
américains, rendant dans le même temps
un peu d’espoir au peuple palestinien.
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