Palestine
L’économie non-violente dans la bande de
Gaza
Ziad Medoukh
Dimanche 12 juin 2016
Le Courrier du Maghreb et de l'Orient
Une opportunité face au
blocus israélien ? L’économie non-violente
permettrait à Gaza de survivre tout en
cessant d’importer des produits
israéliens…
Les habitants de la
bande de Gaza vivent une situation de
souffrance, le maintien d’un blocus
israélien illégal, la poursuite des
attaques et l’isolement. Depuis le
retrait israélien de la bande de Gaza et
l’évacuation des colonies israéliennes
en 2005, et depuis le début du blocus
imposé en 2006, la population civile a
subi trois offensives militaires
israéliennes qui ont fait des milliers
de morts et des milliers de blessés,
sans oublier la destruction massive de
toute une région, sans aucun projet réel
de reconstruction.
La dégradation de la
situation économique, une économie
dépendante de l’économie israélienne et
en faillite permanente, voit le taux de
chômage dépasser les 65% ; le phénomène
le plus dangereux est la hausse du
chômage chez les jeunes de moins de 30
ans, qui atteint 85%. En 2015, suite aux
destructions lors des lourds
bombardements de l’été 2014, le nombre
de chômeurs a augmenté de plus de 30.000
unités. 70% de la population de Gaza vit
en dessous de seuil de pauvreté.
Sans oublier
l’augmentation du nombre de personnes
qui dépendent des organisations
humanitaires. 75% des Gazaouis vivent
des aides alimentaires. Selon les
sources du bureau des Nations-Unies pour
les réfugiés palestiniens –UNRWA– dans
la bande de Gaza, plus de 970.000
personnes ont bénéficié du programme de
l’aide alimentaire géré par le bureau en
2015 ; ce programme a élargi ses
services pour cibler les citoyens et pas
seulement les réfugiés.
Le blocus israélien qui
dure et qui dure, la fermeture des
passages commerciaux, et le maintien
d’un seul passage qui s’ouvre d’une
façon arbitraire pour les produits
alimentaires et pour les organisations
internationales seulement. Ce passage se
ferme sous n’importe quel prétexte, par
décision israélienne, sans prendre en
considération les besoins énormes de la
population civile.
Cette fermeture a
empêché la libre circulation des
importations et des exportations des
biens et produits de Gaza, assurant
ainsi l’incapacité de bâtir une
véritable économie dans la bande de
Gaza.
Pour beaucoup
d’économistes, l’année 2015 est
considérée comme la plus
catastrophique pour l’économie
palestinienne depuis vingt ans.
Face à cette situation
dramatique et face à cette dégradation
économique dans la bande de Gaza, les
Palestiniens de Gaza devraient
s’organiser et devraient passer – pour
échapper à cette souffrance d’une
économie dépendante d’Israël – à une
économie familiale non-violente. Une
économie qui pourrait non seulement
faire face aux difficultés et au blocus
israéliens, mais surtout pourrait
renforcer leur résistance sur le
terrain : la création de coopératives
agricoles et le boycott des produits
israéliens, la mise en route de projets
pour le développement durable, qui
bénéficie de l’expérience d’autres pays,
comme l’Inde, et qui s’inspire des
valeurs gandhiennes qui ont montré leur
réussite dans beaucoup de pays et de
régions du Tiers-Monde.
Une économie non-violente
est une économie respectueuse de la vie
et des rythmes de la vie, dans une
dynamique d’équilibre optimal.
Le développement d’une
économie non-violente dans la bande de
Gaza se réalise de différentes manières…
L’aide aux familles des
paysans, dans leurs champs et dans les
différentes étapes du processus agricole.
Ces paysans, pour pouvoir améliorer la
production agricole de leur terrain,
doivent être soutenus par le reste de la
population, afin de continuer à
travailler sur leurs terres.
Soutenir les
agricultures et les paysans dans leur
présence sur les trois zones tampons au
nord, au centre et au sud de la bande de
Gaza, zones créées par les forces de
l’occupation israélienne à l’intérieur
des territoires de Gaza, ainsi que sur
les terrains menacés par la présence
militaire israélienne. L’économie non-violente
participerait à la résistance, par le
renforcement de la présence de ces
paysans sur leurs terres, pour ne pas
abandonner ces territoires aux soldats
israéliens.
Créer des coopératives
agricoles pour la production et la
commercialisation des produits locaux.
Les fruits et les légumes de Gaza sont
connus pour leur qualité, mais ils ont
besoin d’une commercialisation, et
d’abord sur le marché intérieur. Cela
doit passer par des coopératives qui
aident et protègent les paysans.
Encourager les actions
de bénévolat, la cueillette des olives,
le ramassage des fraises et des légumes
dans les champs et les terrains
agricoles par des jeunes, des étudiants,
renforcer la solidarité familiale et
sociale.
Boycotter les produits
israéliens : les Palestiniens doivent
encourager leurs produits locaux, et
essayer de montrer que ces produits
pourraient être une alternative aux
produits fabriqués dans des colonies
illégales. L’occupant doit comprendre
que les occupés ne peuvent pas continuer
à consommer ses produits alors qu’il
poursuit sa politique agressive à
l’encontre des Palestiniens.
Accompagner les pêcheurs dans
leur travail face aux menaces de la
marine israélienne continuellement
présente dans la mer de Gaza, qui tire
sur les pêcheurs et confisque leurs
bateaux. La présence de nombreuses
personnes dans les bateaux de pêche
montrerait aux forces de l’occupation
israélienne que ces pêcheurs ne sont pas
seuls, et que leurs bateaux peuvent
travailler dans les zones
internationales sans difficulté, comme
c’était le cas avant le blocus maritime.
Le secteur de la pêche est un secteur
très important, il participe à 10% de
l’économie locale dans la bande de Gaza,
et faisait vivre plus de 10.000 pécheurs
avant 2006.
Favoriser l’agriculture
biologique incluant les normes éthiques
internationales. Cette agriculture est
presque absente des champs de Gaza, une
région connue pour ses terrains
agricoles et pour ses fruits et légumes
de qualité. Ce type d’agriculture
améliorerait la production agricole dans
la bande de Gaza. Transformer la
biomasse en compost avec des techniques
comme la lombriculture, et issues de la
permaculture.
Encourager l’économie de
proximité, l’économie familiale et
rurale, via les petits projets familiaux
dans les maisons et quartiers, afin de
renforcer le rôle des femmes dans la
société et promouvoir la production
locale et familiale.
Favoriser les
productions artisanales dans les
villages et dans les camps de réfugiés.
Ce type de production n’est pas répandu,
car il souffre de manque de moyens et
d’encouragement. Les bénéfices seraient
importants pour l’économie locale.
Créer des centres de
formation pour organiser des actions
non-violentes en lien avec la pensée
gandhienne et les principes de
l’économie non-violente. Ces centres ne
seraient pas réservés aux paysans et aux
agricultures, mais aussi ouverts aux
jeunes, dans les universités locales et
dans tous les secteurs de la société,
afin d’organiser des stages, séminaires
et formations sur les avantages et
l’intérêt de l’économie non-violente
pour toute la population.
Encourager la création
de petites entreprises dans la bande de
Gaza, petites entreprises productrices
de fromages, d’huiles d’olive, de
conserves, afin de pouvoir compter sur
les produits locaux, absorber le chômage
et augmenter le niveau de vie.
Le gouvernement
israélien a toujours eu peur des actions
non-violentes ; il ne veut pas voir les
jeunes Palestiniens manifester
pacifiquement contre la confiscation de
leurs terres et contre la présence des
soldats israéliens. Ces manifestations
pacifiques gênent l’armée israélienne,
qui peut difficilement, alors, justifier
la répression armée.
Malgré les difficultés
affrontées, liées à l’application de ces
principes, cette alternative non-violente
serait très efficace pour l’avenir et
produirait un changement sur le terrain.
Avec de l’organisation et de la
patience, les résultats pourraient être
très positifs pour l’indépendance
alimentaire et économique des
Palestiniens de cette région.
La lutte non-violente a
montré son efficacité lors de la
première intifada populaire, en 1987,
dans les territoires palestiniens, au
niveau politique, avec une large
mobilisation populaire, une solidarité
internationale importante, mais surtout
une avancée dans le processus de paix.
Les Palestiniens
devraient donc reproduire cette intifada
au niveau économique.
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